Sept jours sont passés depuis les incidents au Parc OL. Durant ce laps de temps, l’Olympique Lyonnais a dû faire face à d’autres événements blâmables à Bastia. Besiktas a pu se reposer, le championnat étant suspendu pour cause de referendum. Si le club Rhodanien est la cible d’innombrables questions concernant la sécurité dans son enceinte, la responsabilité des fans de BJK est à considérer. Le club turc possède parmi les ultras les plus actifs d’Europe mais aussi les plus prompts à la baston. Mais qui sont ces supporters qui intriguent toute l’Europe ?
La gauche pas du tout caviar
C’est comme ça que sont catalogués les fans des aigles noirs auprès de la majorité des Turcs. Mais cette étiquette n’est pas tellement vraie. Les fans des aigles noir et surtout le groupe Carsi, devenu célèbre en France, n’ont rien des Ultras violents. Lors des manifestations de 2013 sur la place Taksim, le groupe de supporters va être en première ligne pour manifester contre Recip Tayyip Erdogan et son projet de centre commercial en lieu et place du parc Gezi. Ce lieu est important pour tout les Turcs, étant le dernier grand espace vert d’Istanbul. La prise de position du groupe va être suivie par les UltrAslan de Galatasaray et Vamos Bien de Fenerbahce. Pour la première fois, les supporters des trois grands du pays vont se mobiliser pour une même cause.
Carsi n’est pas à son premier fait d’armes. A l’instar de nombreux groupes de gauche, ses membres n’hésitent pas à prendre position pour lutter, que ce soit pour les droits, pour la liberté, contre le racisme, ou contre l’injustice. Un groupe unique qui se revendique de Mustapha Kemal Ataturck et du Ché Guevara pour leurs idéologies et leurs combats permanents.
Alors que la Turquie fait face à un retour à l’islamisation de sa société, Carsi ne l’entend pas de cette oreille. Le groupe de gauche revendique la laïcité pour laquelle Ataturk s’était battu durant des années. Leur implication dans la vie politique dérange autant en Turquie qu’à l’intérieur du groupe. Si les chefs s’auto-proclament de gauche voire d’extrême-gauche, ce n’est pas le cas de tous. Certains sont très conservateurs et pro-Erdogan, loin des « Kemalistes » qu’on essaye de nous vendre. Une discorde que l’opinion publique a tendance à volontairement omettre pour cataloguer Carsi comme des gauchistes révolutionnaires cherchant à semer le trouble. Une situation qui arrange des politiques qui ne les portent pas dans leurs cœurs.
Erdogan n’apprécie guère leur côté Robin des Bois et ce depuis les manifestations de 2013. Une situation complexe à gérer pour le club qui se retrouve le cul entre deux chaises. Car le club est avant tout issu du quartier populaire de Besiktas. BJK est historiquement lié à la gauche. Rajoutez l’importance de Carsi dans la vie du club et vous avez un beau bordel. Et ça, Erdogan en a conscience. Au point où l’inauguration de la Vodafone Arena sera faite à huit-clos. La cause? L’homme fort de la Turquie avait peur de se faire conspuer pour le premier match dans la nouvelle enceinte des aigles noirs. Face à ces révolutionnaires des temps modernes, le président turc n’a d’autre solution que de filer des étiquettes sur le dos des supporters de Besiktas. 35 membres de Carsi avaient été inculpés pour tentative de coup d’Etat. Outre cette réputation de fauteur de trouble, une autre étiquette est collée sur le dos des supporters de Besiktas. Ils sont considérés comme les supporters les plus violents du pays.
La violence comme moyen d’expression?
Ultras rime souvent avec violence dans le langage politico-footballistique. L’amalgame est rapidement fait quand des événements comme au Parc OL ont lieu. Outre cet incident malheureux, les supporters de Besiktas ont un antécédent qui tourne pas en leur faveur. La rivalité grandissante avec Bursaspor n’a pas arrangé les affaires. Depuis 2004 et le match de la « honte » entre Rizespor et Besiktas, les fans du club au crocodile vouent une haine véritable aux noir et blanc. Les coéquipiers d’Oscar Cordoba, coachés par Mircea Lucescu, vont laisser gagner Rizespor pour leur permettre de se maintenir et faire descendre les vert et blanc. Chaque déplacement à Bursa est considéré à haut risque dorénavant au point où un enfant a été égorgé à cause des affrontements. Cet incident tragique a été mis sur le dos des supporters de BJK et ils ont été définitivement catalogués comme étant les plus violents du pays (les expertises ont relevé que les fans de Besiktas n’étaient pas responsables de sa mort). Face à cette étiquette mensongère, Carsi essaye de changer l’opinion publique à sa manière. L’alliance avec les supporters de Galatasaray et Fenerbahce durant les manifestations en 2013 ont montré que les supporters du club n’étaient pas que des gens violents.
Le problème est que d’autres groupes ne font rien pour arranger la situation, bien au contraire. Besiktas compte dans ses rangs des hooligans venus de Turquie mais aussi d’Europe. Véritables stars du net, ils font partie des groupes les plus réputés. Leur existence ne ravit pas Carsi qui jure ne posséder aucun membre parmi ces fous furieux. A travers les réseaux sociaux et les forums spéciaux, les hools du BJK promettent l’enfer à chaque déplacement du club dans toute l’Europe. Il se peut qu’il ne se passe rien comme lors du déplacement à Lisbonne mais le chaos peut vite avoir lieu. Les événements à Lyon ne sont pas le premier coup d’essai de ces voyous. Les matchs à Feyenoord, Kiev et face à Naples en sont la preuve. Les trois clubs ont la réputation d’avoir des supporters très chauds voire des hooligans. Le déplacement à Rotterdam en 2014 a entraîné des échauffourées en tribunes. Le match décisif face au Dynamo a donné lieu à des scènes atroces. Drapeau de la Turquie brûlé, bâches brulées, sièges arrachés, affrontements entre supporters,… Dix supporters de BJK ont été hospitalisés. Idem contre Naples où des bagarres ont eu lieu dans une station de métro d’Istanbul faisant de nombreux blessés. Face aux provocations incessantes d’une partie des supporters lyonnais sur Twitter et devant le danger du match (noté 4 sur 4), il était inéluctable que des affrontements aient lieu.
La vraie question est de savoir le degré d’implication des supporters turcs dans ces affrontements. La plupart des personnes présentes au Parc OL sont unanimes sur la question, les torts sont partagés. Les provocations des supporters lyonnais durant l’avant-match ont mis de l’huile sur le feu ; les nombreuses bombes agricoles et objets lancés par les supporters de BJK sur le virage sud ont provoqué un climat hostile. Coté Besiktas, on est persuadé que les affrontements sont liés aux hooligans indépendants et aux supporters venus de France, d’Allemagne ou de Suisse. Une rumeur a parcouru le parc OL, c’est la présence de supporters lyonnais d’origine arménienne venus pour provoquer. Représentant 10% de la population de Décines, la communauté arménienne était prête à « casser du Turc ». Chose qui aura lieu en avant-match aux abords du parc OL. Pour le reste des affrontements, tout cela ressemble à des rassemblements programmés entre hooligans. Finalement, les deux clubs sont victimes de ces supporters les plus violents qui ne représentent qu’une minorité.
Si les torts sont partagés, c’est bien Besiktas qui risque d’être le plus contrarié par la décision de l’UEFA d’imposer un sursis aux deux clubs. Car les supporters et surtout Carsi ne sont que très peu appréciés par la plupart des groupes Ultras d’Europe. Le jumelage avec Livourne (bastion du communisme italien) et le PAOK (La Gate 4, groupe ultra très à gauche) n’arrange pas les choses. La majorité des groupes ultras ou hooligans sont de droite ou d’extrême-droite, et chaque déplacement est une bombe à retardement. Avec cette épée de Damoclès, Besiktas peut se retrouver exclu injustement. La solution serait d’interdire de déplacement les supporters des Aigles noirs comme ce fut le cas à Athènes lors du huitième face à l’Olympiakos. Dans ce cas, c’est le supporterisme qui serait encore un peu plus meurtri.
Crédits photos : AFP PHOTO / JEFF PACHOUD