Galatasaray, un lion ne meurt jamais

Du sang, de la trahison et l’envie de régner sur le territoire, c’est ce qu’a proposé le derby d’Istanbul hier. Si Scar est parfait dans le rôle de Fenerbahce et du méchant détesté par tous et avide de pouvoir, la sagesse et l’expérience de Mufasa se reflètent parfaitement chez Galatasaray. La rivalité entre les frères ennemis ressemble au synopsis du Roi Lion. Le Cimbom est considéré comme le plus grand club de Turquie, il règne sur la savane qu’est le football turc depuis de nombreuses décennies. Ca ne l’empêche pas de vivre des saisons compliquées comme ce fut le cas ces dernières années. Mais un lion ne meurt jamais et aujourd’hui, les sang et or sont en tête du championnat.

L’empire sang et or

Un lion ne devient pas roi de la jungle par coïncidence, il fait en sorte de gagner le respect. Avec 20 titres de champion, 17 coupes de Turquie, 15 Supercoupes, le Cimbom est devant Fenerbahce et Besiktas. Galatasaray est le club le plus respecté sur la scène nationale et internationale. Le plus grand fait d’armes du club a été en coupe d’Europe. Si Fenerbahce Basket a décroché pour la première fois de l’histoire du basket turc un titre sur la scène européenne, c’est Galatasaray qui a apporté l’unique victoire en finale de coupe d’Europe pour le football turc. Les coéquipiers de Hakan Sukur à l’époque ont ramené la petite sœur de la Ligue des champions au quartier de Galata. La victoire face à Arsenal en 2000 est marqué au fer rouge dans l’histoire du football turc. Personne n’enlèvera ce titre à Galatasaray et aucun club turc ne s’est rapproché d’un tel exploit depuis.

Galatasaray présente à cette époque un mix parfait entre turcs confirmés, jeunes espoirs et des étrangers à la carrière garnie. Claudio Taffarel, Giça Popescu, Gheroghe Hagi, Hasan Sas, Emre Belozoglu, Okan Buruk sont les fers de lance de l’effectif, le tout encadré par les légendes Hakan Sukur et Bulent Korkmaz. Qui mieux que Fatih Terim pour coacher une équipe avec autant de talent et d’égo ? Considéré comme le plus grand entraîneur de l’histoire de la Turquie (avec Senol Gunes), ses nombreuses victoires avec Galatasaray, sa saison réussie à la Fiorentina et son passage à Milan auront fait sa réputation. La victoire face à Arsenal est le couronnement d’une période faste du club – 4 titres de champion de Turquie et surtout une génération talentueuse qui aura été le socle de l’équipe nationale en 2002 lors de la coupe du monde en Japon et Corée.  Emre et Okan représentent alors la réussite des sang et or sur le plan national mais aussi international. A tel point que les deux cracks iront signer à l’Inter Milan en 2001 sous conseil d’Hakan Sukur (ancien de l’Inter) d’après la légende.

Malheureusement comme bien souvent en Turquie, la suite sera moins glorieuse. Le club est en proie à des problèmes financiers qui conditionnent la vente de nombreux joueurs. Le départ de Fatih Terim est mal vécu au club malgré l’arrivée de l’excellent Mircea Lucescu. Le club va vivre sur courant alternatif pendant 10 ans. Eric Gerets, Frank Rijkaard, Michael Skibbe et les légendes Bulent Korkmaz ou Gheorges Hagi vont s’assoir sur le banc du stade Ali Sami Yen. Durant cette période de flottaison, les supporters vont vibrer dans de nombreux matchs, notamment un Galatasaray – Bordeaux qui est considéré comme l’un des meilleurs matchs de l’histoire du club en coupe d’Europe.

Le Cimbon est considéré de manière unanime comme la meilleure équipe turque sur la scène européenne. Le retour de Fatih Terim a permis au club de retrouver ses lettres noblesses. Quand l’empereur retrouve son trône, Gala redevient le roi de la jungle. Alors que Fenerbahce a légitimement repris le flambeau en 2008 grâce avec un parcours historique et des matchs légendaires face à l’Inter et Chelsea, les Lions sont de retour aux affaires. Une phase de poule héroïque avec un Burak Yilmaz de folie, des victoires face au Real Madrid et à Schalke 04, et voila que Galatasaray redevient l’épouvantail de service.

Roberto Mancini va consolider le boulot fait par Fatih Terim avec l’aide de la légende Wesley Sneijder. Aujourd’hui, le club cherche à glaner un 21ème succès sur la scène nationale et accroître son avance sur Fenerbahce et ses 19 titres de champion.

Le lion rugit de nouveau

Cette saison, Galatasaray  est clairement en mission pour récupérer le titre de champion qui dort du côté du Vodafone Park depuis deux saisons. Avec la hausse des droits télé, le club en a profité pour faire un mercato impressionnant. Gomis, Belhanda, Carrasso, Fernando, Feghouli, Mariano, et Jason Denayer pour les plus connus ont rejoint le Cimbom, rien que ça. Le recrutement est une réussite, mais la saison va mal débuter après l’élimination face Ostersunds en tour préliminaire de l’Europa League. L’équipe tourne bien depuis, 8 victoires et 1 nul pour les coéquipiers de Bafé Gomis. Un départ canon et des recrues s’intègrent très bien, la preuve avec Feghouli qui a marqué pour sa première titularisation . Le 4-2-3-1 semble se dégager avec Younes Belhanda en 10 et un Fernando déjà indispensable.

Mais un arrière goût amer est présent dans la bouche des supporters. Les résultats positifs n’enlèveront pas le malaise qui trotte dans l’esprit des fans de Gala depuis cet été. En effet, le club a vu l’arrivée d’un nouvel entraîneur, en l’occurrence Igor Tudor. L’ancien défenseur de la Juventus a été recruté après le licenciement en mars 2016 de Jan Olde Riekerink. Il s’agit de la première grosse expérience pour la légende du football croate. Connu pour son caractère trempé, Tudor va remettre de l’ordre dans la maison sang et or. Et le premier à en faire les frais est Wesley Sneijder. En 4 ans au club, le Néerlandais a acquis le statut de légende. Totalement dévoué à la cause de Galatasaray et à ses supporters, il est rentré dans leur cœur comme peu ont réussi avant lui. En plus de ses performances remarquable, son attitude exemplaire a fait chavirer le Turk Telekom Stadium. On pardonnait à Sneijder son absence de repli défensif et ses coups de mou car la magie qui se dégageait de ses pieds n’avait pas d’équivalent en Turquie. Il était dans la lignée des  Gheorge Hagi, Lincoln Cassio, Sasa Ilic, Arda Turan et autres grands numéro 10 ayant porté la tunique de Galatasaray.

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Mais avec Tudor, tout le monde attaque mais surtout défend et ça commence par les joueurs offensifs. La mentalité « Da Juve » du rugueux croate est incompatible avec le statut de Sneijder. Malgré une superbe saison, le contrat du Néerlandais ne sera pas prolongé par le board. Le légendaire numéro 10 n’aura même pas droit à des adieux dignes de sa belle histoire avec les supporters. Pour la direction, c’est la fin d’un cycle et il faut repartir des nouvelles bases. Exit Sneijder, Podolski, Chedjou, Bruma, Sabri Sarioglu et Semih Kaya. Les deux derniers étaient au club depuis respectivement 18 et 12 ans, un temps entrecoupé par des prêts à droite à gauche.

Cet intersaison est la croisée des chemins pour le Cimbom. A chaque faux pas de Igor Tudor, on reparle de Wesley Sneijder ou Semih Kaya. Après la défaite à Ostersunds, un journaliste n’a pas hésité de lui poser une question concernant l’ancien numéro 10 : la suite se passe de commentaires.

Une situation incroyable mais compréhensible quand on se met à la place du supporter. Tudor a supprimé  le peu qu’il restait de la période fastidieuse du club.  Aujourd’hui, l’effectif est totalement dévoué à la cause de son entraineur et deux joueurs reflètent parfaitement ce renouveau. Bafétimbi Gomis et Maicon sont les hommes fort du début de saison. L’ancien marseillais comptabilise 9 buts en 8 matchs et est déjà validé par l’ensemble des supporters. Ces derniers toujours avides de parallèles et de comparaisons lunaires n’hésitent pas à mettre Drogba et Gomis dans la même phrase. Quand à Maicon, l’ancien du FC Porto est plus méconnu mais est en train de respecter la lignée des excellents Brésiliens qui ont porté le maillot des Lions. Ancien coéquipier de Fernando à Porto, le défenseur central a longtemps été surnommé le nouveau Pepe. Comme Felipe Melo et le défenseur du Besiktas, il met énormément d’agréssivité et de grinta dans son jeu. En plus d’être un défenseur central de qualité, l’ancien capitaine de Sao Paulo s’avère être une véritable menace sur coups de pieds arrêtés. Déjà trois buts en huit matchs pour lui sous ses nouvelles couleurs.

L’élimination précoce en Europa League permettra au moins aux coéquipiers de Bafé Gomis de se concentrer seulement sur le championnat. Hier, le derby contre Fenerbahce a accouché d’un nul. Le Cimbom reste sur six matchs sans victoire en championnat face à son rival historique. La dernière victoire face aux « Canaris jaunes » était en automne 2014 et Wesley Sneijder écrivait sa légende en mettant deux buts d’anthologies. Trois ans plus tard, il n’est plus là et Gala bute encore. Mais qu’importe, les sang et or comptent six points d’avance sur le second et gardent l’ascendant dans la course au titre. Un lion ne meurt jamais.

 

Photo credits : Emrah Yorulmaz / Anadolu Agency

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»