La tragédie présente généralement une action mettant en scène des héros ou personnages de rang social élevé pour en vue d’émouvoir et d’instruire le spectateur, provoquer sa terreur, sa pitié par le spectacle des passions humaines en lutte entre elles ou contre le destin. En Italie, la tragédie est une histoire sérieuse, on ne rigole pas là-dessus. Tout comme on ne s’amuse pas quand il s’agit de football. La Squadra était sous le feu des projecteurs ces derniers jours avec son élimination en barrage de la Coupe du Monde, une triste fin pour les rescapés de l’édition 2006. Mais samedi, c’est Rome qui sera au centre de tout les intérêts.
Requiem romain
On ne saura jamais quel est le meilleur derby d’Italie, chacun a ses caractéristiques précises. Si celui de Gênes nous rappelle tout ce qu’on apprécie dans le foot, celui de Rome plaît aux amoureux de la tragédie. Roma – Lazio, ce sont les rigori contestables, les remontées folles mais surtout, les buts en fin de match. L’histoire se rappelle du but égalisateur de Castroman à la 95ème qui retarde le titre de l’AS Roma de 2001 alors que la Lazio était menée 2-0 à la 78ème. Dans un autre registre, celui de Klose en 2011 est ancré dans l’esprit laziale avec un scénario similaire sauf que la victoire était au bout cette fois. Durant ce match, la tragédie a laissé place à du tragi comique avec la fameuse célébration d’Osvaldo et son chambrage après l’ouverture du score romanista. S’en suivra une expulsion de Kjaer qui va découler sur un penalty transformé par Hernanes et le but de allemand.
La Lazio aussi a vécu des moments tragiques face à son rival éternel. Si perdre à cause de Totti était devenu une routine, un autre joueur était devenu un problème. Mirko Vucinic est à l’origine d’une remontée historique. Alors que la Lazio menait 1-0 grâce à Tommaso Rocchi, le Monténégrin va semer la révolte. Les coéquipiers de Muslera ont l’occasion de doubler la mise après un penalty concédé par Marco Cassetti (n’oubliez pas ce nom). Et comme d’habitude, le tragique va s’en mêler et Sergio Floccari va chier dans la colle. Le laziale voit sa tentative être repoussée par Julio Sergio. Quelques minutes après, c’est Kolarov qui concède un penalty ; cette fois Vucinic le transforme et va doubler la mise dans la foulée sur un coup-franc surpuissant.
Un tel match ne se joue pas, ça se gagne. Dans une ville qui vit autant pour le football, la victoire est impérative. Chaque derby est un spectacle. Chaque derby a son histoire. Les tifosi des deux équipes ont toujours une anecdote à raconter sur une des rencontres. Lorsqu’en 2009 la Roma l’emporte face à la Lazio 1-0, c’est le fameux Marco Cassetti qui rentre dans l’histoire et gagne l’immunité à vie auprès de ses tifosi. Modeste arrière droit de Serie A, il va récupérer le ballon dans les pieds de Kolarov dans ses 20 mètres et va terminer l’action magnifiquement sur un centre en retrait de Vucinic.
Les Tifosi voient les joueurs défiler sous leur maillot mais certains marquent définitivement l’histoire des derbys. Certains ont gagné l’immunité, d’autres l’ont perdue. La trahison n’est pas tolérée, passer d’un camp à un autre peut semer la panique dans les deux camps. Et c’est ce qu’il risque de se passer samedi.
Bon baisers de Serbie
Le Stadio Olimpico sera le théâtre d’un retour attendu. Aleksander Kolarov est de retour à Rome mais pas ave le maillot espéré. Extrêmement apprécié durant son passage à la Lazio de 2007 à 2010, le Serbe représente une période durant laquelle le club a disputé la Ligue des Champions mais surtout remporté une coupe d’Italie. De Zarate en passant par Cristian Brocchi, André Dias et autre Goran Pandev, les supporters ont toujours eu un attachement particulier avec leurs joueurs. Kolarov fait partie de cette équipe qui va alterner entre le bon et le très médiocre en championnat. Portant le même numéro que son idole et ancien laziale, Sinisa Mihajlovic, il va rentrer dans le coeur des tifosi et va permettre au club de récupérer 22 millions en allant à Manchester City. Beaucoup s’imaginaient le voir revenir à la Lazio en cas de départ mais c’est tout l’inverse qui aura lieu.
Aujourd’hui, le Serbe porte toujours le numéro 11 mais défend le maillot de la Roma. Conspiration dans les deux camps de supporters. Pour les tifosi giallorossi, Kolarov est un « chien bâtard ». Côté laziale, on le considère comme une vermine.
Entre "cachorro" e "verme" uma coisa è certa: #Kolarov vai dar mais um motivo de briga entre estas duas torcidas rivais. #ASRoma #Lazio pic.twitter.com/15ZeSvsoXq
— Historias do Calcio (@HistoDoCalcio) July 22, 2017
L’ancien citizen est considéré à juste titre comme l’un des meilleurs à ce poste depuis Vicent Candela et a conquis les supporters. Mais c’est aussi un moyen de se venger d’un affront dont la Roma a été victime. En effet, Alessio Romagnoli, formé à la Roma, était parti pour devenir la future bandiera du club. Mais comme son idole Nesta, il doit quitter son club formateur pour des raisons économiques et signe à l’AC Milan. Terminé le numéro 46 en hommage à Valentino Rossi, le défenseur central enfile le légendaire 13 de sous le maillot rossonero. Après quelques semaines, la vérité éclate au grand jour, Romagnoli a toujours été un grand tifoso de la Lazio. Depuis, cet épisode hante la Curva Sud de l’Olimpico. L’arrivée de Kolarov est un magnifique moyen pour « se venger ». Il fallait un nouveau protagoniste principal après la retraite de Francesco Totti : le Serbe devrait alimenter la haine entre les deux clubs durant les quelques années à venir.
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Coté Lazio, on attend évidemment le premier ballon de Kolarov pour le soulever. S’il n’est pas sur son côté, un joueur en particulier aimerait être face à lui : Stefan Radu, capitaine de Lazio mais surtout ancien coéquipier du serbe de 2008 à 2010. La bandiera laziale aurait aimé retrouver son coéquipier et ami sous le maillot bleu ciel. Ils seront finalement rivaux samedi.
Le match s’annonce serré comme celui du 30 avril qui a tourné à l’avantage de la Lazio Rome. Inzaghi face à Di Francesco, ce sont deux anciens joueurs qui se retrouvent sur le banc de touche de leur équipe de coeur. Ce match sera aussi l’affrontement entre plusieurs enfants du club. De Rossi, Florenzi, Pellegrini, Di Francesco d’un côté et de l’autre, Palombi, Murgia, Crecco qui sont beaucoup moins connus mais font partie de l’effectif laziale. Une nouvelle histoire risque de naître durant ce match, reste à savoir à qui elle sourira. Qui sera le nouveau roi de Rome? Qui sera le nouveau Yanga-Mbiwa, Simplicio côté Roma? ou alors le Castroman, Gottardi côté Lazio?
En attendant, le roi actuel de Rome n’est pas Francesco Totti mais bien Senad Lulic. Le Bosnien reste le fameux buteur lors de la finale de coupe d’Italie face au grand rival romain.
Photo credits : Giuseppe Maffia / NurPhoto