« On rentre à la maison ». Le 29 janvier dernier, c’est par ces mots que Dimitri Payet officialisait son retour à l’Olympique de Marseille. Une love story qui s’était terminée 18 mois plus tôt, sous l’ère Labrune. Revenu comme le messie, Payet peine à retrouver les fulgurances qu’on lui a connues lors de son premier passage, mais aussi (et surtout ?) à West Ham. Capitaine de l’OM de Garcia, le Réunionnais ne tient pas toujours son rang. Alors, Payet, mascotte ou leader ?
Le poids du transfert (et dans le vestiaire)
Flash-back. Nous sommes le 29 janvier 2017, aéroport de Marignane. Une poignée de supporters marseillais sont là, impatients de voir le premier gros coup de l’OM Champions Project. Entre Sertic, Sanson et Evra, Dimitri Payet représente le rêve d’un OM parti en reconquête. Et pour cause. 30 millions d’euros, un salaire « anglais », l’OM ne lésine sur aucun artifice pour rapatrier l’un des héros de l’Euro 2016, l’un des meilleurs joueurs de la saison 2015-2016 de Premier League. Mais au 29 janvier 2017, Dimitri Payet n’est que l’ombre du joueur qu’il était quelques mois plus tôt. Entre côtes de bœuf et grève à West Ham, « El crêto de Oro » s’est transformé en petit gros ronchon, faisant face à l’agacement de Madame qui préférait le soleil sudiste à la pluie anglaise. Surtout, il est loin du joueur qui illuminait Londres dans toutes les affiches de Premier League quelques semaines auparavant.
A l’OM plus qu’ailleurs, le public est impatient. Il l’est encore plus après des années de vache maigre à regarder du coin de l’oeil son ennemi parisien truster les lauriers et les gros coups mercatos. Alors quand McCourt arrive, que Payet revient, l’histoire est déja écrite : l’OM va redevenir l’OM. Sauf que non, pas si vite.
Du totem d’immunité des premiers matchs où Payet, à court de forme, suait de tout son être sur le côté gauche, à l’Olympico de dimanche dernier, Payet a disputé 35 matchs sous « ses couleurs », dont 28 en championnat. 5 buts, 7 passes en Ligue 1, le bilan est famélique si on le corrèle à son prix et son statut. Car si ses stats sont à relativiser, son statut et son « poids » sont peut être un problème plus gros que ne le sont ses lignes de stats.
Les chiffres, côté statistique
35 matchs, 6 buts, 9 passes décisives, et 12% de masse graisseuse. Les chiffres toutes compétitions confondues interpellent. Pire, depuis le début de cette saison 2017-2018, Payet c’est un but et 4 passes en 13 matchs de Ligue 1. Mis dans de bonnes dispositions tactiques (replacement en 10), délesté des tâches défensives, libre de ses mouvements en phase offensive (quitte à désorganiser la ligne d’attaque), tout est fait pour que Dimitri Payet soit décisif. Sur ses feuilles de stats personnelles, ça ne transpire pas la réussite.
De manière globale, avec Payet, l’OM est, cette saison, à 1.92 pts par match. Sans lui, à 1.94. Il ne semble donc pas être l’élément clé d’un OM qui tourne mieux depuis deux mois, loin des statistiques d’un Thauvin (impliqué dans presque 50% des buts olympiens) ou de l’importance sur le terrain d’un Gustavo ou d’un Rami, véritables leaders.
De l’importance de bien choisir son capitaine
Aujourd’hui, Payet est au centre de l’OM Champions Project. Bien que les campagnes de communication vantent les mérites d’un Thauvin plus décisif, c’est bien le Réunionnais qui attire les regards extérieurs et pour cause : plus gros salaire, plus gros transfert, brassard de capitaine au biceps … Justement, quid de la désignation de Payet en tant que capitaine ? Pas réputé pour son côté meneur d’homme, pas doté d’un charisme éblouissant, Payet fait figure de capitaine par défaut quand Mandanda, (feu Evra,) Rami et Gustavo auraient pu et peuvent prétendre au rôle. Mais faire de Payet son capitaine n’est pas un choix neutre, c’est un choix qui grave un peu plus dans le marbre le rôle et l’importance du joueur au club. Un rôle qui semble aujourd’hui dépasser le maestro.
Payet le sait, on attend plus de lui. Ses récentes performances, ses petits pépins physiques, son poids de forme sont des sujets qui reviennent inlassablement. Sur le terrain, le temps du confort est révolu. Payet doit prouver, il doit redevenir le joueur qu’on a vendu comme l’idole des jeunes, le 17ème du Ballon d’Or 2016. Mais ne doit-il ses performances qu’à lui même ?
Avertissement travail mais excusable ?
Qu’on se le dise, le jeu de l’OM n’est pas toujours flamboyant. Il y a du mieux ces derniers temps, mais le temps du joga bonito n’est pas venu du côté de la Commanderie. Qu’importe, l’équipe gagne, est à la lutte pour le podium et semble prendre (enfin) régulièrement la portée des équipes réputées plus faibles.
Si ses feuilles de stats ne sont pas toujours reluisantes, il faut rendre à César ce qui appartient à César : Dimitri Payet crée des décalages et des occasions. A défaut de voir convertis ses caviars, il est celui qui a le plus grand nombre de key pass* au club (50) devant Thauvin (45). A titre de comparaison, Neymar en est à 51, Fékir à 30, Mbappé à 27. Des chiffres à relativiser dans le jeu, Dimitri délivrant 20 de ses 50 key pass sur coup de pied arrêté.
Des problèmes persistent néanmoins. Dans l’animation offensive certes, mais également au niveau de certaines individualités. Dès lors, des questions se soulèvent : quid du « Grantatakan » ? Un des trois 9 de l’OM va t-il passer les 10 buts sur l’ensemble de la saison ? Peut-on jouer un jeu de transition rapide avec Zambo au milieu de terrain ? Morgan Sanson est-il vraiment une solution de remplacement viable ? Ces questions reviennent elles aussi inlassablement ces dernières semaines. Et il est vrai que le rôle de Payet est parfois à minimiser, lui qui par des coups d’éclats et de vista est capable de faire et voir ce qu’aucun de ses coéquipiers n’arrive à réaliser. Mais est-ce que le terrain est la seule donnée à prendre en compte ?
Les chiffres, côté porte-feuille
On le sait, les finances de l’OM sont plus saines depuis l’arrivée de Franck McCourt. Le board olympien semble quand même être très proche de ses sous. De quoi se poser des questions sur la profondeur des fonds américains. Mais pour Payet, l’OM a vu les choses en grand ! 30 millions d’euros pour l’arracher à West Ham, un contrat max de 4 ans et demi à plus ou moins 6 millions brut par an, le tout pour un trentenaire…
Rien n’était trop beau pour frapper un coup tant sportif qu’affectif pour le premier #MercatOM sous pavillon US. A l’époque et selon les sources, Payet émargeait à environ 7M d’euros brut par an de l’autre côté de la Manche. Avec différentes primes plus ou moins opaques, tant à West Ham qu’à Marseille, et vu la durée de son contrat olympien, Payet semble s’y retrouver financièrement. Mais l’OM dans tout ça ?
Le jeu du « Qui a la plus grosse »
Comme dans toute entreprise, l’échelle des salaires détermine globalement le statut, les attentes et les responsabilités au sein d’un club. A ce prix, Dimitri Payet est donc financièrement posé comme la figure de Proue de cet OM. Jusqu’à ce qu’il soit détrôné …
On l’a vu cet été avec le cas Gomis, l’OM ne donnera pas de contrat max à tout le monde. La liste des critères est non exhaustive mais « faire passer un cap technique » « avoir un bagage international » « être très prometteur » « être numéro 9 et sur la liste des transferts un 31 août » semblent être des critères pouvant amener le board olympien à faire une petite rallonge.
Mais mettre Payet a un tel niveau de rémunération, c’est minimiser l’importance des egos dans un vestiaire. Dans un projet olympien pas totalement installé, où l’avenir en Ligue des Champions n’est pas assuré, le salaire reste le levier numéro 1 pour attirer un « grand » joueur, celui qui doit faire passer un cap au club. Et quel grand joueur l’Olympique de Marseille peut-il recruter aujourd’hui à moins de 6M brut par an ? La liste n’est pas longue. Idem en interne, où, à terme, des joueurs, dont le club serait potentiellement plus dépendant, pourraient demander des émoluments au moins égaux à ceux d’un joueur en sensible méforme. De quoi démarrer un beau bordel.
Pour résumer, décharger Payet de son statut de figure de l’OM Champions Project coûtera cher au club, qui n’a aujourd’hui que le levier financier (et la promesse d’un temps de jeu conséquent ?) pour attirer une nouvelle poule aux oeufs d’or. Or l’argent ne coule pas plus à flots à Marseille qu’à Boston, et sans les revenus économiques d’une participation en Ligue des Champions, le portefeuille de Mister McCourt reste la source de dollars numéro 1. Jusqu’à ce qu’elle tarisse ou que les vannes soient coupées.
Alors Payet, coupable ou dommage collatéral ?
Vue la conjoncture actuelle du football, où l’économie prend le pas sur le jeu, Payet ne peut se cacher : son rendement, eu égard à son poids financier pour le club, est insuffisant. En pariant à ce coût sur lui, l’OM a pris un risque, celui de faire d’un joueur réputé irrégulier son maestro, son playmaker, sa figure de Proue. Un an après son retour, et qu’importe l’animation autour de lui, Payet ne rend pas à l’OM tout ce que le club lui offre. En revenant à l’OM, Payet ne s’attendait peut être pas à tout ça, à cette lumière, à cette pression, lui qui n’a jamais eu autant de responsabilités au sein d’un club.
Du fringant trentenaire dans la force de l’âge au vieillissant 10 incapable de dribbler son vis à vis d’un coup de rein, il n’y a parfois qu’un pas. Ou qu’une année. Qu’importe, à 6 mois d’une Coupe du Monde qu’il ne disputera probablement pas, le retour du héros semble virer au fiasco, pour lui comme pour le club. Alors que la qualification pour la Ligue des Champions irait dans le sens du progrès, une quatrième place serait, quoi qu’en disent les concernés, un léger frein à l’OM Champions Project. Les questions de l’effectif et du mercato se poseraient alors, avec toujours en tête, l’idée d’aller chercher une tête d’affiche et d’améliorer un groupe perfectible à bien des postes. La grande lessive n’est pas terminée côté OM. Entre lofteurs et paris ratés, de nombreux joueurs sont et seront sur le départ. Assez pour permettre à un onéreux crack de gonfler les rangs olympiens sans se séparer de coûteux fardeaux ? Rien n’est moins sûr…
key pass* : passe aboutissant à une frappe au but d’un coéquipier
Photo credits : PHILIPPE LAURENSON / DPPI