Beaucoup la redoutait, c’est désormais officiel. Au terme d’une année rythmée, où ont oscillé pleurs de joie et vraie tristesse, l’Olympique de Marseille termine son exercice 2017-2018 à la 4ème place. Un classement qui l’envoie donc directement dans la compétition qui a transformé sa saison : l’Europa League. La semaine décisive, celle de tous les espoirs, a tourné au vinaigre. Que retenir de cette saison des extrêmes ? La non-qualification résonne t-elle comme un recul pour le Champion’s Project ? Éléments de réponses.
12 avril 2018, 23h. La bonne saison de l’Olympique de Marseille passe un cap. Par le match abouti contre les hommes de l’écurie Red Bull, par la remontada face au vice-champion de Bundesliga, les hommes de Rudi Garcia font basculer leur exercice 2017-2018 du bon côté. Après des rendez-vous ratés, conclus par des coup-franc de Cavani, des têtes de Memphis, des 3-0 face à l’ogre parisien, l’OM tient ENFIN sa belle victoire, celle qui réconcilie définitivement le club avec ses supporters, après des années de vache maigre et de désillusions. Les joueurs trouvent en ce 5-2 un objet de galvanisation, de confiance, les dirigeants y trouvent une preuve de l’avancée du projet, les supporters y trouvent une occasion de crier leur amour pour le club. Bref, l’OM revient partiellement sur le devant de la scène française, pour le grand bonheur de toutes ses parties prenantes.
Qu’on ne s’y trompe pas, ce beau parcours en Europa League cache des lacunes, ces lacunes que la bande à Payet affiche lors de ses confrontations contre plus forts, contre plus vicieux, contre plus expérimentés. Né dans les années douloureuses, ce sentiment d’infériorité perdure. C’est peut être même l’un des derniers gros chantiers de Garcia. Revenons aux lacunes. Un groupe jeune, sans expérience du très haut niveau. Des cadres pas toujours présents dans les grands soirs. Des postes faibles ou non doublés. Une sortie de banc sans réel impact. Bref, l’OM va mieux, l’OM tourne bien dans une Ligue 1 qui ne compte que quatre équipes d’un niveau européen décent, mais l’OM n’est pas guéri. Et après tout c’est normal.
Fruit d’un rachat il y a un an et demi, dans une équipe qui ne comptait plus de joueurs d’un niveau suffisant pour jouer les places d’honneur, l’OM est toujours en reconstruction, et ce malgré les grands effets d’annonce ou l’impatience de tous. La deuxième phase du projet a permis à l’OM de se créer une colonne vertébrale solide (Mandanda, Rami, Gustavo, Payet) mais Rome ne s’est pas fait en un jour. L’OM Champions Project ne le sera pas non plus. A ce titre, le futur mercato estival sonne déjà comme un tournant. Quels sont les postes prioritaires ? Vers quelle politique sportive tendre ? L’OM a t-il les reins financiers solides pour supporter l’incorporation de nouveaux cadres coûteux ? Le club de Franck McCourt est-il redevenu attractif à l’échelle européenne ? Les trois prochains mois amèneront des réponses à ces questions. Mais avant de penser 2018-2019, parlons de l’exercice conclu.
Au fond, que retiendront les supporters de cette saison ? Que restera t-il de ce cru 2017-2018 dans la postérité ? Cet OM-Leipzig, pour sur. Le but de Rolando à Salzburg évidemment. Le souvenir d’une finale perdue à la loyale, en perdant son capitaine, qui bascule sur une erreur Mandanda-Zambo (dont le % d’implication est laissé à l’appréciation de chacun). En somme, beaucoup d’Europa League. Car si la saison de l’OM manquait de saveur, l’Europa League lui a passé le sel. Cette compétition que peu considéraient contre Domzale et qui finit par faire entrer la saison dans le Hall of Fame du club. Mais plutôt que d’écouter les railleries sur cette ferveur présumée opportuniste, le peuple olympien devra capitaliser sur ces émotions, se montrer moins sélectif, sans autre motivation que venir pousser son équipe, contre des amateurs belges comme contre un top 5 européen.
La partie Ligue 1 de l’exercice 2017-2018 est une énigme que les plus savants d’entre vous jugent aujourd’hui mais qui ne trouvera réelle définition que dans les prochains mois. Cette 4ème place, plus synonyme de non-qualification en Champion’s League que de qualification en Europa League, n’est, selon les dires de la présidence, pas une mauvaise affaire. Elle était même budgétée. Alors oui, cette place de cocu fait souffler monégasques et lyonnais, qui ont vu en cet OM un potentiel adversaire au podium. Elle ne permet pas au club de disposer de l’étiquette « Ligue des Champions » pour convaincre sur le marché des transferts. Mais l’OM l’a montré cette année, il n’a pas (encore) les épaules LDC. Les monégasques/lyonnais cru 2017-2018 ne les ont sans doute pas non plus. Le mercato estival devra permettre à ces clubs de se renforcer, sous peine de nouvelles désillusions européennes l’année prochaine. Mais à Marseille, les chantiers sont plus nombreux, plus vastes. Se qualifier pour la Ligue des Champions et être minable ou jouer à fond une Europa League plus calibrée ? Une question qui reste encore une fois à l’appréciation de chacun, et dont seuls les visionnaires ont déjà des réponses.
Le seul fait avéré, c’est que l’OM est, à ce jour, derrière ses deux principaux rivaux. L’OM est derrière Monaco et Lyon sportivement. L’OM est derrière Monaco et Lyon financièrement. L’OM est derrière Monaco et Lyon en terme d’aura sur un marché des transferts ultra-concurrentiel. Une troisième place n’aurait sans doute pas tout fait basculer. Elle aurait permis d’avoir la fameuse étiquette « Ligue des Champions » ainsi que quelques millions de plus dans la besace. Mais des millions, Franck McCourt en a non ? Lui, qui avait budgété la 4ème place, ne peut pas déjà se permettre de ne plus injecter de fonds propres pour consolider l’avancée de son « OM Champions Project » hein ?
L’important désormais c’est de capitaliser ! Capitaliser sur le beau parcours européen, pour recruter des joueurs volontaires, qui ont à cœur de tirer le groupe encore plus haut. Capitaliser sur la dynamique, qui a elle seule (ou presque) a emmené un groupe restreint qualitativement en finale de Coupe d’Europe. Capitaliser sur les performances, en tentant de vendre les éléments en surchauffe au pic de leur valeur marchande.
Car quoiqu’on en dise, les émotions ne remplacent pas indéfiniment les trophées. Les émotions ne remplacent pas les grandes compétitions. Les émotions, c’est l’effet Poulidor, l’effet Coubertin. Mais dans un football de plus en plus pragmatique et froid, où le capitalisme domine, les émotions valent peu de choses. Elles sont importantes pour les supporters. Elles leur permettent de pouvoir de nouveau crier leur amour, d’avoir de nouveau un peu de lumière, une lumière que d’autres ont accaparé sous le regard humide des supporters olympiens.
Au fond, dans le football rien n’est acquis, rien n’est prévisible. Les supporters adverses, moqueurs de la défaite de l’Olympique de Marseille en finale d’Europa League, ne les voyaient pas aller si loin. Les supporters qui font primer les émotions aux résultats devant le portrait de cette saison ne pensaient pas en vivre autant. Les supporters déçus de la non-qualification en C1 relativiseront à froid, à la vue de la composition de ce groupe de joueurs, taillé quoiqu’on en dise pour la 4ème place. L’important est ailleurs pour l’OM. Un groupe est né, avec ses qualités de cœur et ses défauts footballistiques. Certains resteront, d’autres partiront, mais l’âme demeurera. L’OM a prouvé qu’il était de retour. Alors oui, la petite musique de la Champion’s ne résonnera pas au Vélodrome l’année prochaine. Oui, il faudra cocher ses jeudis soirs et refuser des restos et des soirées étudiantes. Oui, l’OM va devoir se coltiner des bourbiers à Krasnodar, à Guimaraes, à Vidéoton ou que sais-je … Mais c’est le prix à payer pour redevenir grand. Plus le combat est dur, plus la victoire sera belle.
Crédits photos : Mehdi Taamallah / Nurphoto