Après cinq défaites consécutives en plein milieu de l’hiver, ou après une triste défaite face à Everton à domicile, juste avant d’entamer l’ultime sprint final, à Huddersfield dans le Yorkshire, le moral n’était pas au beau fixe. Ni chez les supporters qui voyaient les espoirs de se maintenir en Premier League s’amenuiser, ni vraiment du côté du staff ou des joueurs qui, à chaque fois, plongeaient dans le noir. Mais sans jamais vraiment perdre de vue la lumière. Pour ce petit club, très loin des autres monstres anglais, le miracle était encore possible, malgré des rencontres face à Manchester City, Chelsea et Arsenal. Retour sur ces derniers jours avant la libération.
Après la douloureuse déconvenue face à l’autre équipe de Liverpool. La tension monte encore d’un cran. Encore à la lutte, principalement, avec Southampton et Swansea pour savoir qui accompagnera Stoke City et West Bromwich Albion en Championship, les dés ne sont pas encore jetés. Mais en devant batailler contre les meilleures équipes du championnat voire du continent, la peur envahit le corps des supporters des Terriers. Pendant que les hommes de David Wagner s’affairent à trouver la meilleure façon de contrer les équipes de Pep Guardiola et Antonio Conte. Tout un gardant un œil sur, notamment, le Southampton-Swansea qui se profile.
Le jour où les Citizens reçoivent leur trophée de champions, les Terriers, qui ont fait un court déplacement, se préparent à ériger une défense de fer à l’Etihad. Dans un 3-5-2 mis en place pour la première fois, l’objectif est clair, essayer de ne pas repartir bredouille. En interne, on se dit que le match ne sera pas le plus difficile car l’adversaire n’a plus rien à jouer. Sans pour autant oublier que même dans cette configuration, les hommes de l’entraîneur catalan restent bien au-dessus du lot. Et pourtant, en réalisant une performance défensive de haute volée, bien aidés par des Citizens passifs, les hommes de David Wagner réalisent déjà un petit miracle.
Cet après-midi, outre Aaron Mooy, le génie australien qui réalise une performance de haute-volée au milieu face à son ancien club pour lequel il n’a jamais joué, ce sont les trois de derrière qui attirent les regards. Terence Kongolo, prêté par Monaco est infranchissable, Zanka Jørgensen survole lui-aussi les débats, le danois ne tremble jamais. Et il en va de même pour Christopher Schindler, le munichois, qui a montré qu’il n’avait pas volé son titre de meilleur joueur de la saison.
Avec de la volonté, un esprit d’équipe fabuleux et de la hargne, ils sont allés chercher un point précieux et un clean-sheet en prime. Seule équipe à avoir réalisé cette prouesse. Bien aidés par des supporters en feu qui n’ont pas cessé de chanter durant tout le match, le retour à Huddersfield se fait dans la joie. Car, avec deux matchs restant, le club n’a plus que besoin d’un seul point.
Les supporters, eux qui en arrivant à Manchester ne s’attendaient à rien de spécial, sont finalement repartis avec le sourire et un brin d’espoir. Tout en sachant que rien n’était terminé et que le club pouvait encore retrouver la seconde division.
À peine trois jours plus tard, aux abords de la Away End de Stamford Bridge, encore une fois, personne n’espère quelque chose. La victoire de Southampton la veille n’aide pas et sème le doute de toutes parts. Qui plus est, l’adversaire du soir a gagné face à Liverpool ce qui offre des espoirs certains pour une qualification en Ligue des champions. Ce mercredi soir, les deux équipes jouent gros. Si les visiteurs n’ont besoin que d’un point, les Londoniens eux, sont obligés de gagner.
Sous l’œil de Sir Patrick Stewart, fier supporter d’Huddersfield, les locaux arborent une compostion qui laisse perplexe les supporters de Chelsea. Pendant ce temps, les Terriers réitèrent le plan mis en place contre City. Directement, les Blues mettent la pression, ils assiègent la surface mais ils sont relativement maladroits. Du côté des supporters qui ont fait le déplacement depuis le nord, la tension est palpable mais cela ne les empêche pas de chanter, de mettre l’ambiance dans un stade silencieux. Et surtout après 45 minutes, ils tiennent leur point, si précieux.
Au retour des vestiaires, tout bascule rapidement. Mooy lance parfaitement Laurent Depoitre qui passe Caballero et ouvre le score. Explosion de joie. On s’étreint, crie, on chante. Tous les joueurs, même ceux sur le banc courent devant la Away End pour célébrer tous ensemble. C’est la 50ème minute et l’espoir est remonté en flèche. Tous y croient de nouveau. Sans oublier que le match est loin d’être terminé. Les chants pour le buteur belge assomment Stamford Bridge, et le joueur passe d’indésirable au début de la saison à un possible sauveur à la fin de celle-ci.
Une dizaine de minutes plus tard, Marcos Alonso égalise pour les siens de façon presque maladroite. Et là, les Terriers passent les 30 dernières minutes, à 11 dans leur surface. À défendre, se sacrifier. À l’autre bout du stade, les quelques 3000 supporters ne respirent plus. Quand Jonas Lössl réalise ce qu’il décrit lui-même comme la parade la plus importante de sa carrière après celles face au PSG il y a quelques années, un frisson parcourt la tribune. Chelsea pousse encore mais rien n’y fait. La défense, le bloc, tout résiste pendant que les minutes passent avant de se rapprocher du graal.
Dans les dernières secondes des six minutes de temps additionnel, Scott Malone obtient un coup-franc proche de la surface des Londoniens. Et il va sans dire que tout le monde a compris. Huddersfield Town a son précieux point. Le coup-franc est tiré dans la tribune et c’est l’extase. Le bonheur enivre les supporters, les joueurs, le staff. Tout le monde. Tous sont sur un nuage. Les larmes coulent, la pression retombe, et surtout le plus petit club de Premier League va jouer une nouvelle saison dans l’élite. Personne ne réalise encore. Les joueurs et le staff restent longtemps sur le terrain à faire la fête avec les supporters.
Tard dans la soirée, si les bus ayant fait le voyage depuis le Yorkshire reprennent la route, tout l’effectif et ceux qui travaillent dans l’ombre s’en vont fêter cela à Londres, comme il se doit avant de rentrer le matin en train, ou en taxi. Une nuit d’ivresse qui permet de faire retomber la pression d’une longue saison où finalement, le club n’aura été dans la zone rouge qu’une seule semaine.
Dès lors, la rencontre du dimanche face à Arsenal fait figure de détail. Et après la fête endiablée d’après-match c’est une bonne chose pour laisser le temps à tous de se remettre sur pied. La dernière journée de la saison, qui tombe au moment où Arsène Wenger s’assoit sur la dernière fois sur le banc d’Arsenal, les locaux arrivent avec une seule journée d’entraînement dans les jambes. Et avec pour seule consigne de se faire plaisir. Finalement le match est une vaste fête, du début à la fin. Dans un stade encore une fois totalement rempli, les Terriers se font plaisir, et pourtant ils perdent le match. Mais ce n’est qu’une anecdote.
Finalement, avec un travail acharné, une équipe soudée et construite par David Wagner depuis son arrivée, le petit club aux structures ridicules a accompli ce que personne ne pensait réalisable. Avec des moyens limités et un effectif relativement faible en dehors de quelques exceptions, ils ont montré que tout était possible. En mai dernier, lors de leur promotion surprise, le constat était déjà le même, ils avaient d’ores et déjà déjoué les paris. Et ils ont, sans scrupule, remis le couvert.
En arrivant à se maintenir pour une seconde saison consécutive, les hommes du Yorkshire ont accompli un miracle, chose rare dans le football anglais d’aujourd’hui. Pour l’heure, tous savourent encore, avant de reprendre le chemin des terrains, début juillet, lors d’un nouveau stage en Autriche, juste avant le début de cette nouvelle aventure au sein de l’élite anglaise. Une aventure qui sera, sans doute, encore une fois riche en émotions. Que ce soit le staff ou les joueurs et même les supporters, tous désirent voir cette aventure se poursuivre.
Crédit photo: BEN STANSALL / AFP