[Coupe du monde] Serbie : la surprise du chef

Comment un pays qui a vu son championnat être gagné par le petit frère d’Anthony Le Tallec peut-il espérer faire un résultat à la Coupe du Monde ? Si l’équation semble difficile à résoudre, il faut tout de même se méfier de cette équipe dont on n’attend rien mais qui regorge de valeurs sûres du football européen entre lesquelles se sont insérés quelques détonateurs au rendement incertain.

Quand on pense à la Serbie, on pense à une petite équipe qui comme beaucoup d’autres ne va rien faire d’extraordinaire pendant la Coupe du Monde. Une équipe moyenne, sans véritable armes et dont le joueur le plus connu, Nemanja Vidić, est à la retraite. Pourtant, la Serbie a une véritable carte à jouer pendant cette Coupe du Monde. Déjà parce qu’elle est dans un groupe où la deuxième place est accessible mais aussi parce que son effectif est de meilleure qualité qu’on ne pourrait le penser.

La Serbie fait partie du Groupe E, un groupe qui compte le Brésil, la Suisse et le Costa Rica. Et si la première place semble promise aux Brésiliens, derrière tout est jouable pour accrocher une qualification en huitième de finale. La faiblesse du Costa Rica et les irrégularités de la Suisse pourraient permettre à la Serbie de prendre des points contre ses adversaires directs et de venir talonner le Brésil. La question est de savoir si la Serbie ne connaît pas les mêmes problèmes que ses concurrents et notamment de la Suisse qui sera son grand rival pour la deuxième place.

Depuis 2010, la Serbie n’a participé à aucune grande compétition internationale. En cause : des supporters trop turbulents qui leur ont fait perdre deux matchs sur tapis vert lors des éliminatoires pour l’Euro 2012 et 2016 mais aussi et surtout des prestations moyennes, pas en accord avec la qualité de leur effectif.

Car il s’agit là de la vraie chance de la Serbie : un effectif d’expérience et de qualité, capable de gérer les situations et de vaincre par l’intelligence. La Serbie de 2018, ce sont des joueurs comme Ivanović, Kolarov ou Matic. Ces joueurs-là sont des valeurs sûres du football européen et même des pointures à leur poste comme c’est le cas pour Nemanja Matić, qui fait partie de la rare famille des milieux de la trempe de Busquets ou de Thiago Motta. Pour cette compétition, ils auront tous les trois un rôle de cadre, qu’il faut comprendre de manière littérale. Ils auront comme tâche première de stabiliser le groupe, de lui donner une certaine régularité dans la performance comme dans l’expérience. Une coupe du monde n’est pas qu’une somme de matchs, c’est une véritable aventure qu’il faut savoir gérer aussi bien sur le plan humain que sportif.

On l’a déjà vu par le passé, la Serbie a pu connaitre des remous à cause de faits extérieurs au sportif, qui remettent largement en cause la constance de ses performances. Parce qu’au-delà de ses supporters, la Serbie a été troublé par différents événements comme la mise à l’écart d’Adem Ljajić, exclu du groupe pour ne pas vouloir chanter l’hymne serbe ou beaucoup plus récemment (et donc avec beaucoup plus d’incidence sur les prochaines échéances) par le départ obscur de l’entraîneur Slavoljub Muslin, aussitôt remplacé par son adjoint Mladen Krstajić. Ce dernier n’aura que son expérience de joueur pour assurer un parcours satisfaisant à la tête de la Serbie puisque ce poste de sélectionneur est le premier de sa carrière d’entraîneur.

Lui qui est passé par le Werder Brême et Schalke 04 durant les années 2000 et qui a connu trois sélections différentes (Yougoslavie, Serbie Monténégro et Serbie toute seule) est donc un pari osé pour une équipe qui a tout de même rassuré avec deux victoires en quatre matchs lors des préparations. Il a même décidé d’opérer quelques changements : une défense à 4 (plutôt qu’à 3 sous Muslin), le retrait du brassard de capitaine à Ivanovic pour le donner à Kolarov et un jeu plus offensif. Cette volonté d’avoir un jeu plus plaisant s’est manifestée lors des débuts de Krstajic sur le banc de la sélection : alignement d’un 4-3-3 avec Ljajić-Matić-Zivković au milieu face au Maroc en match amical. Au cours de son premier match, l’entraîneur a vite compris qu’un tel milieu était trop offensif et qu’il déséquilibrait de ce fait l’équipe, d’où la défaite 2-1.

L’équipe en détail 

La défense est le secteur qui est la source de plus d’inquiétudes. Stojković devrait conserver sa place de titulaire dans les cages malgré sa mauvaise réputation (en partie injustifiée car il dispose de bons réflexes sur la ligne) tandis que Dmitrović, auteur d’une belle saison à Eibar, cherchera à lui passer devant. Le nouveau capitaine Kolarov, qui effectue une excellente saison à la Roma, apportera le danger offensivement mais des doutes peuvent subsister sur sa solidité défensive. Dans l’autre couloir, à droite, la place de titulaire est disputée entre Rukavina, Milenković et Ivanović même si ce dernier va voir son statut de titulaire remis en cause après le retrait de son brassard.

Outre ce côté droit, la charnière centrale est aussi à déterminer. La récente blessure de Nastasić remet en cause sa participation à la compétition ce qui pourrait permettre à Tosić de faire son trou.

Le milieu devrait donc s’articuler autour du duo Matić-Milivojević, tous deux très bons cette saison en Premier League. Devant eux, le milieu offensif Ljajić a montré sa créativité lors des matchs amicaux. Il devrait logiquement être titulaire à ce poste en attendant de voir les conséquences de l’arrivée de Sergej Milinković-Savić dans le groupe. Ce dernier devrait concurrencer Ljajić au poste de 10 mais il peut aussi potentiellement jouer à côté de Matić, ce qui n’est pas forcément une bonne idée car Milivojević est plus mobile et apporte plus de solidité défensive.

En ce qui concerne les côtés de l’attaque, Tadić devrait occuper le côté droit après avoir réalisé de très belles performances lors de la phase de qualification. A l’opposé, Kostić occupera sûrement l’aile gauche en raison de son profil rare dans l’effectif. En effet, c’est un véritable ailier capable d’apporter du dynamisme en contre, à la différence de Ljajić et Tadić, qui sont de bons passeurs ayant tendance à repiquer dans l’axe lorsqu’ils jouent sur une aile. Enfin, pour compléter le onze, l’entraîneur garde confiance en Mitrović qui avait fait de bonnes performances durant les éliminatoires et qui est en forme sur cette deuxième partie de saison.

Finalement, on peut légitimement penser que la Serbie pourra se hisser jusqu’en huitième de finale où elle rencontrera potentiellement l’Allemagne. Un huitième, c’est déjà bien.

 

 

Photo credits : Massimiliano Ferraro / NurPhoto

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Quand les gens sont d'accords avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper.