[Serie A] Le jour où Totti a dit « non » au Real Madrid

« Effeuiller la marguerite », un jeu qui permet de refléter les sentiments de l’être aimé. Elle m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Un jeu qui a des allures de réalité pour Francesco Totti. Le légendaire meneur de jeu n’a connu qu’un seul amour dans sa vie : Rome, sa ville natale. Il a aimé sa ville de toutes les manières possibles, une seule marguerite n’aurait pas réussi à décrire tous les sentiments qu’ils l’ont lié à la ville éternelle. Une relation basée sur l’amour, la confiance, l’indulgence et la sincérité, mais un jour, les deux parties ont envisagé le divorce. Pour la première fois, Francesco Totti s’imagine loin de sa Roma et c’est le prestigieux Real Madrid ainsi que son président plein d’ambition, Florentino Pérez, qui veut faire de lui un nouveau galactique.

L’envol galactique.

« Le Real, c’est mon seul regret ». Une simple phrase qui résume le footballeur et l’homme. Quel joueur peut se targuer de n’avoir pour seul regret de ne pas avoir jouer au Real Madrid par choix ? Car oui, c’était un choix, refuser les Galactiques était voulu. Le capitaine Giallorosso a dévoué sa vie à une seule cause : celle de Rome. Francesco Totti a été le porte drapeau d’une ville pendant plusieurs décennies. Un sentiment qui n’a aucun équivalent dans le monde du football. Celui de représenter dans toute l’Italie, l’Europe et le monde, la ville où l’on a vu le jour. Pendant 24 ans, Totti était Rome et Rome était Totti. « Beaucoup me demandent pourquoi je suis resté à vie à la Roma… La Roma, pour moi, c’est la vie. Pour toujours. Rome, c’est ma famille, mes amis, les gens que j’aime. Rome c’est la mer, les montagnes, les monuments. Rome, bien sûr, c’est aussi les Romains. Rome c’est le jaune et le rouge. Rome, pour moi, c’est le monde. Ce club, cette ville, ça a été toute ma vie« . Une Idylle sincère basée uniquement sur de l’amour et rien d’autre. L’AS Roma est un bon club de la Botte mais ne rivalise pas face aux trois grands du nord. Le Nord qu’il aurait dû rejoindre. À 13 ans, l’AC Milan veut le jeune Francesco. C’est grâce au véto de la mère Totti que le futur capitaine reste à Rome. Bien que sincère, l’histoire entre les deux parties a failli prendre une tournure inattendue. C’est en 2004 que l’histoire est en passe d’être changée.

Alors que la Roma termine à une admirable seconde place, Fabio Capello plie bagage et rejoint la Juventus. Dans une situation financière très précaire, la Louve doit laisser partir ses cadres. Walter Samuel rejoint le Real Madrid. « The Wall » quitte la Serie A auréolé d’un statut de futur meilleur défenseur du monde. Suivra Emerson qui rejoindra la Juve de Capello. Un transfert qui provoquera la furie des tifosi et ne pardonneront jamais au Brésilien d’avoir rejoint le Nord de cette manière. Le mythique président, Franco Sensi n’arrive pas à suivre le rythme et les comptes sont toujours dans le rouge. Mais un autre souci inattendu va assombrir le ciel romain. Florentino Pérez veut continuer son opération galactique. Après la signature de Zidane, Ronaldo puis Beckham, le fantasque président veut continuer à mettre en place son projet fou. Walter Samuel et Jonathan Woodgate rejoignent la navette Real Madrid pour renforcer le socle défensif. Mais lui rêve d’un joueur offensif. Figo est en fin de route au club et il faut le renouveler. Si la logique n’a jamais été un des points forts de Pérez, son amour pour le spectacle lui donne toujours de bonnes idées, la dernière en date étant de signer le capitaine de la Roma, Francesco Totti.

L’amour d’une vie.

Bien que l’idée semble saugrenue à la base, elle finira se concrétiser avec le temps. Les contacts entre la Roma et le Real s’intensifient et contre toute attente, Francesco Totti va dire « Oui » à Florentino Pérez. Il Capitano n’arrive pas à trouver un terrain d’entente avec son club pour prolonger et voit les ambitions être revues à la baisse à cause de la situation précaire des finances. Le président Sensi sait qu’un départ de Totti au Real lui vaudrait sa tête sur un piquet tel Ned Stark et pourtant, il laissera le dernier mot à son capitaine. C’est lui qui décidera car il le sait, il est incapable de lui offrir l’équipe et le salaire que lui propose le Real. Le numéro 10 giallorosso évoquera cet été quelques mois avant sa retraite. « J’ai pensé à quitter la Roma pour le Real Madrid. Quand une équipe brillante, peut-être la meilleure au monde, vous demande de la rejoindre, vous commencez à imaginer à quoi pourrait ressembler votre vie ailleurs ». L’idée de retrouver son ex-coéquipier Samuel puis Zidane qu’il avait déjà affronté que ce soit avec la Roma ou la sélection italienne l’intéresse mais il y a surtout un joueur qui fait de l’oeil à Totti. L’Italien rêve de côtoyer Ronaldo et de lui donner des ballons de buts. Bien que rivaux lorsque le Brésilien jouait à l’Inter, le capitaine de la Louve n’a jamais caché son admiration pour le plus grand attaquant de l’histoire. “L’unique regret de ma vie de footballeur est de ne pas avoir pu jouer avec Ronaldo. Ça aurait été un rêve mais pas seulement pour moi, pour lui aussi, parce que je l’aurais fait marquer encore plus. »

Tourmenté de toute part par Florentino Pérez qui voit en lui « Un Ballon d’or en puissance », Francesco Totti ne sait pas quoi faire. Franco Sensi va continuer à rencontrer son capitaine malgré tout, pour discuter de tout et n’importe quoi. Les deux ont un lien très fort. Il est celui qui a mis son véto en 1997 lorsque Carlos Bianchi a demandé à ce qu’on recrute Jari Litmanen au poste du juvénile Francesco Totti, qui lui filerait à la Sampdoria. C’est finalement le président qui aura gain de cause et la Doria ne verra jamais Er Pupone avec le maillot bleu. Lorsque le président Sensi parle, Francesco écoute religieusement. Il lui laisse le temps qu’il faut pour se décider et lui conseille de demander l’avis de sa famille. Et c’est la que tout va se décanter. Une carrière ne se résume pas qu’aux trophées et autres distinctions remportées. « Ma famille m’a rappelé en quoi consistait la vie : se sentir chez soi, c’est le plus important« .

Car oui, Totti est chez lui à Rome. Il n’a besoin de rien pour être épanoui. Il représente toute une ville, tout un peuple, tout un club. Bien que l’équipe soit affaiblie, il ne s’imagine plus la quitter et veut construire un nouveau cycle. Franco Sensi démènera sponsors et autres collaborateurs pour pouvoir offrir le salaire que mérite Francesco Totti, quitte à payer encore de sa poche pour conserver son capitaine. L’élan populaire de toute la ville et les efforts de son président finiront par convaincre Il Capitano de rester et prolonger son contrat. Francesco Totti va finalement dire non à Florentino Pérez. Gentleman, le président du Real accepte la décision et gardera en très haute estime le numéro 10 de la Roma. 12 ans après cet été mouvementé, le Real et la Roma se retrouvent pour un huitième de finale de Ligue des Champions. Totti recevra une standing ovation de la part de Santiago Bernabéu. Pas seulement parce que c’est une légende du football, mais aussi parce qu’il est désormais lié indirectement au Real Madrid. « Le Bernabéu est un stade incroyable », marqué à vie par cette marque d’attention, Francesco Totti rendra hommage à ce qui aurait pu être son deuxième jardin. A la fin de la double confrontation, Florentino Perez demanda le maillot de Francesco Totti et veut qu’Il Capitano le signe d’une phrase qui restera dans l’histoire : « Le seul joueur qui a dit non au Real ».

Crédit photo : Silvia Lore / NurPhoto.

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»