Comme à son habitude, l’Ajax a officialisé un transfert sans faire de bruit. Après les signatures des jeunes néerlandais Kjell Scherpen et Kik Pierie, des plus confirmés mais tout aussi jeunes Lisandro Martinez et Razvan Marin, la Johann Cruyff Arena voit débarquer un ancien de la maison. Quincy Promes est de retour chez lui, à Amsterdam, la ville qui lui a tout donné. Le transfuge du FC Séville a signé un contrat de 5 ans en échange de 17 millions d’euros. Après une saison correcte en Andalousie, l’ancien du FC Twente tente un pari audacieux en revenant au Pays-Bas, 5 ans après son départ pour le Spartak Moscou. Un transfert surprenant mais qui reflète bien le virage pris par l’Ajax depuis quelques saisons.
The Amsterdam Promise
L’arrivée de l’international néerlandais à l’Ajax a tout du transfert surprise en ce début de mercato. Si Promes a passé la majeure partie de son temps sur le banc du Sanchez Pizjuan, sa saison n’a rien de mauvais. Une cinquantaine de matchs disputés, 5 buts et 10 passes décisives pour un joueur qu’on a souvent traité d’individualiste. Après un exil réussi au Spartak où il est devenu une des stars du championnat russe, l’opportunité de signer dans un club comme le FC Séville ne pouvait pas se refuser pour ce joueur à qui on n’a jamais fait de cadeau.
Le parcours de l’enfant d’Amsterdam n’a rien de cohérent, bien au contraire. Né à Dam de parents surinamiens, Promes va rejoindre le club de sa vie. Très attaché à Amsterdam, il rallie l’Ajax à l’âge de 10 ans, un rêve qui devient réalité. Mais l’histoire va tourner court : bien que talentueux, le feu follet a des gros problèmes de comportement. A tel point que le club estime qu’il doit s’en aller car son attitude sur et en dehors des terrains n’est pas celle d’un joueur digne de porter le maillot de l’Ajax. Un véritable coup de massue pour lui, son rêve de gosse s’évapore. Inconsolable et incapable de rejouer pour une autre équipe, c’est sa mère qui le force à rejoindre le club de Harlem. Avant sa disparition en 2010, le HFC Harlem était connu pour avoir déniché et formé Ruud Gullit. Bien que modeste, le club a vocation à redonner goût au football chez Promes. Mission accomplie puisqu’une saison plus tard, il rejoint le FC Twente et signe son premier contrat professionnel en 2012.
Promes porte le maillot brodé du cheval cabré de 2012 à 2014 avec en parallèle un prêt au club de Go Ahead Eagles qui le change définitivement en tant que joueur mais aussi en tant qu’homme. Durant cet exil d’une saison, « The Amsterdam Promise » rencontre un homme qui impactera la suite de sa carrière. Erik ten Hag a fait de lui le joueur qu’il est maintenant. L’actuel technicien de l’Ajax exerce pour la première fois en tant qu’entraineur principal dans le modeste club de Go Ahead. Le jeune ailier virevoltant s’épanouit sous la houlette du technicien batave. Beaucoup trop frêle pour l’Eredivise, Promes fait des misères à l’échelle inférieure. Le club finit à la 6ème place mais termine seconde meilleure attaque du championnat. Quant à Promes, il termine avec 17 unités au compteur grâce aux conseils de son entraîneur.
Les deux se retrouvent la saison suivante à Twente avant que la star néerlandaise ne s’envole pour Moscou, après seulement 34 matchs à Twente. Un transfert à hauteur de 11 millions et un salaire de 3 millions par an l’attendent. Un choix qui peut se comprendre pour celui qui a grandi à Osdorp, considéré comme un des quartiers difficiles d’Amsterdam. Situé dans la partie ouest de la capitale, Osdorp est considéré comme un quartier sensible. Il habite une forte concentration de Turcs, Marocains (Abdelhak Nouri est né la bas) et de Surinamiens. Promes voit un moyen de mettre sa mère à l’abri avec ce gros contrat.
Bien lui en a pris puisque 5 ans après son départ pour Moscou, voilà qu’il revient chez lui, dans sa ville, dans son club avec un statut de joueur aguerri. Une opportunité que l’Ajax a saisie à la surprise générale. Personne ne s’attendait à ce qu’un joueur qui pouvait très bien rebondir partout en Europe ou continuer à Séville signe à l’Ajax. C’est bien la preuve que le club et surtout son entraineur ont trouvé les bons mots pour le convaincre.
Nouveau virage et nouveau statut pour l’Ajax
Bien qu’il soit un enfant d’Amsterdam, Quincy Promes n’avait pas un grand interêt à signer à l’Ajax. L’Eredivise reste un championnat mineur à côté de la Liga, le joueur de 26 ans a sûrement fait des concessions salariales pour venir et il aurait très bien pu rester à Séville pour gagner sa place. Rien ne laissait présager que Promes allait accepter de revenir au bercail aussi vite.
Mais l’Ajax a désormais un statut et une politique différente d’il y a quelques années. Si le parcours en Ligue des Champions a évidemment apporté une visibilité nouvelle au club, le statut est différent depuis un moment du côté d’Amsterdam. On est loin de l’époque du club qui vendait Christian Eriksen seulement 13 millions à Tottenham ou déboursait quelques années auparavant 16,5 millions pour le flop Miralem Sulejmani. La direction mène depuis quelques années une politique plus cohérente et qui porte ses fruits. Depuis de nombreuses décennies, le club sortait des jeunes talentueux mais de bon nombres se sont perdus en chemin. Si Eriksen, Verthongen ou autres Alderweireld ont réussi à faire de belles carrières, d’autres ont complètement disparu des radars. Ebecilo, Anita, van Rhijn ou autre Siem de Jong étaient considérés comme l’avenir du football néerlandais et pourtant aucun n’a réussi une carrière digne. L’Ajax n’arrivait plus à optimiser le talent de ses jeunes et voyait le PSV voire même le Feyenoord rafler le championnat. Aujourd’hui la donne est complètement différente.
L’Ajax n’a plus vocation à sortir 10 jeunes néerlandais par saison et en faire des top joueurs dans les années à venir. La politique est plus flexible. Si la post-formation avait toujours une certaine place dans le fonctionnement du club, elle est beaucoup plus poussée et large. Le club Amstellodamois recrutait beaucoup en Scandinavie via son légendaire scout, John Steen Olsen. Le réseau du Danois est colossal et a permis les signatures de Eriksen et Dolberg récemment ou de Ibrahimovic, Schone et Gronkjaer. Mais maintenant, l’Ajax recrute un peu de partout dans le monde. Que ce soit au niveau local avec Frenkie de Jong, au niveau européen avec André Onana ou Vaclav Cerny… La liaison avec l’Ajax Cap-Town (entrainé par Stanley Menzo) permet de signer parmi les meilleurs jeunes africains. La cellule de recrutement a aussi développé des relations très fortes avec l’Amérique du sud. Le passage express de Davidson Sanchez au club a consolidé l’idée que le continent sud-américain était à exploiter. Nicolas Tagliafico, Lisandro Magallon, Lisandro Martinez, Mateo Cassierra et Danilo vont se rajouter à la colonie. Mais un cas va tout bouleverser à l’Ajax. C’est celui de David Neres. La pépite brésilienne avait rejoint l’Ajax au mercato hivernal de 2017. Alors âgé de 20 ans, l’ailier n’avait aucune référence avec le club de Sao Paolo et pourtant, le club hollandais avait investi près de 12,5 millions sur lui. Une marque de confiance colossale pour un gamin qui n’avait rien montré hormis quelques apparitions interessantes au Brésil. L’Ajax a dorénavant vocation à payer le prix fort si le joueur vaut le coup et le montre à chaque mercato.
Tadic a rejoint Amsterdam pour 13 millions, le club cassant à nouveau sa tirelire pour rapatrier l’ancien joueur de Southampton. Un choix surprenant qui colle pas à la logique sportive, ni économique et pourtant, il s’agira bien d’une des belles affaires de la saison. Pareil pour Daley Blind qui est revenu après 4 saisons en Angleterre. Le prix ? 16 millions pour racheter la dernière année de contrat du fils Blind. Réussir à convaincre le Néerlandais de 28 ans n’était pas chose simple et pourtant le club a réussi.
Le cas Promes est encore plus compliqué que celui de Blind. Ce dernier était capitaine de l’Ajax et a vu un potentiel retour comme une opportunité de rebondir là où la situation de l’ancien de Séville est différente. Le néo ajacide signe alors qu’il bénéficie encore d’une certaine hype. Les mots choisis par Erik ten Hag ont fait pencher la balance. L’entraineur de l’Ajax est celui qui a le mieux cerné Promes durant sa carrière. L’idée d’évoluer à nouveau sous ses ordres qui plus est dans son club de coeur ont motivé la décision du joueur. Ten Hag estimait que Promes lorsqu’il était au Spartak pouvait « jouer dans n’importe quel championnat tellement il est fort mentalement et balle au pied« . Il va désormais devoir trouver une place pour son protégé, et c’est pour ce genre de problème de riche que le technicien de l’Ajax a prolongé son contrat jusqu’en 2022. A lui de nous faire rêver une saison de plus.
Photo crédits : CRISTINA QUICLER / AFP