Et si le football africain était le plus beau du monde?

La saison estivale ne rime pas toujours avec repos pour les footballeurs de tous horizons. Entre Euro, Copa America, Coupe d’Asie/Océanie et désormais Coupe d’Afrique des Nations, le programme du pied ballon est toujours chargé, pour le plus grand bonheur de ses suiveurs. Cette fois, c’est au tour du continent africain de faire parler de lui.

Le football africain est, à n’en pas douter, une exception qui refuse de mourir dans le monde devenu si luxueux du ballon rond. Les footballeurs-sénateurs des terrains européens, devenus idoles inaccessibles depuis leurs hôtels barricadés, leurs stades ultra sécurisés, leurs pelouses verdoyantes et leurs salaires mirobolants, sont bousculés lorsqu’il s’agit pour eux de rejoindre leurs sélections sur les terrains d’Afrique.

Car si l’appel de la patrie ne se refuse pas, beaucoup sont ceux qui s’y présentent pourtant à reculons, après moult hésitations voire refus poliment exprimés. C’est que le football africain n’est pas un football banal, comparable à tant d’autres.

Un football truffé d’amateurisme…

La Coupe d’Afrique des nations 2019, disputée en Egypte, le démontre bien : l’Afrique et ses particularités peuvent autant prêter à sourire qu’à pleurer. À chaque compétition, c’est le traditionnel triumvirat qui recommence, à savoir Problème d’organisation – Problème de primes – Problème politique.

Pour le premier de ces soucis, l’organisationnel, la Confédération Africaine du décrié Ahmad Ahmad a pris un plaisir fou à rappeler à ceux qui l’avaient oublié qu’elle redouble toujours plus de manque de rigueur et de vision.

Car cette CAN 2019, initialement confiée au Cameroun, a été organisée à la va-vite par une CAF dépassée. Les Camerounais se sont vus retirer la compétition (?) avec leur bénédiction (??) pour problème organisationnel (???) et se sont vus garantir l’organisation de la prochaine compétition (??????) par le président malgache de la CAF.

Fort heureusement, l’Egypte, au prix de tractations internes dont la confédération a le secret, a su récupérer le flambeau et organiser dans des conditions tout à fait satisfaisantes le tournoi, le tout en moins d’un an. Malgré de très légers couacs (la présence d’un drapeau sahraoui sur une affiche n’a pas manqué de faire hurler les Marocains), chapeau bas!

… et pourtant si authentique

Le football africain regorge à foison de ces anecdotes. Elles détonnent clairement dans un football devenu aseptisé à mesure qu’il s’est professionnalisé. Les récits d’Européens ayant grandi dans les années 60 ou 70 ne manquent, par ailleurs, régulièrement pas de rappeler les similitudes entre les deux continents : il n’est pas si loin le temps où les joueurs professionnels s’entraînaient sur des pelouses où tous pouvaient les approcher, dans des stades où les portes s’ouvraient gratuitement passée une certaine minute de jeu. Les footballeurs, alors non professionnels, étaient eux aussi proches (par l’héritage, par la langue, par la culture, par la classe sociale) de leur public que leur public d’eux.

Inévitablement, c’est cette authenticité qui continue à faire le charme du football des terres de Thomas Sankara et Thomas Lumumba. Comment apprécier une compétition sans la grève traditionnelle des Camerounais pour des primes qui ont été jurées et qui menacent de ne pas voir le jour? Comment apprécier la CAN sans intervention d’un président de la république qui menace ses joueurs ou leur promet une prime?

Que serait la RDC sans ses joueurs qui font des excuses nationales après une simple défaite en phase de poule? Que serait l’Algérie sans son bon vieux joueur devenu algérien 3 mois avant la compétition? Que serait le Maroc sans ses sempiternelles bagarres internes?

Si la perfection se trouve dans les détails, le charme aussi. Les légendaires articles des différentes presses sur un arbitre bien connu des services (Koffi Kodja et ses 3 cartons adressés aux Algériens en 2010 suivi d’une suspension à vie font aujourd’hui sourire tant le grotesque de la situation est évident) rivalisent avec les terrains totalement jaunis et rongés par les parasites.

Pas de bilan africain sans traiter de ses joueurs totalement inconnus des services et qui puent le piston (le bon fils Kadhafi passé professionnel),  ou de ses ingérences politiques (le président de Mauritanie a jugé bon d’arrêter une finale de Supercoupe nationale à la 63eme minute, lassé, réclamant des tirs au but!).

Tous ces évènements plus rocambolesques et détonants les uns que les autres s’additionnent et forment un ensemble unique, résistant à l’épreuve du temps et de la professionnalisation du football. L’Afrique est ancrée dans un passé que tant idolâtrent lorsqu’il s’agit des autres continents.

À l’argument de la honte, évidemment recevable, il faudrait alors rétorquer qu’il n’y a pas plus d’authenticité qu’avec lot d’amateurisme, d’égoïsme, de corruption et de jalousie. Le parallèle avec la VAR achève le bilan : ce que le football a gagné en justice et en professionnalisation, il l’a perdu en drame et en émotions. À chacun son école.

Crédit photo : Khaled Desouki / AFP.

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