Dans exactement 3 ans, la Coupe du Monde 2022 aura maintenant commencé depuis une semaine au Qatar. Selon le théorème de l’ancien vainqueur devenant grand loser (France 2002, Italie 2010, Espagne 2014, Allemagne 2018), la France devrait déjà avoir perdu son premier match en attendant de se faire sortir officiellement dans 2 jours par le Japon, pour le plus grand plaisir de certains de nos députés ayant récemment appelé au boycott de la compétition. En effet, de nombreuses voix s’élèvent contre l’organisation du Mondial 2022. Au centre des attentions depuis son attribution au Qatar en raison des affaires de corruption qui l’ont entouré, ce sont surtout les conditions d’organisation qui inquiètent réellement aujourd’hui, alors que ces dernières devraient défier toutes les limites du réel pour assouvir le fantasme qatari, du terrain aux aménagements urbains.
La première Coupe du Monde hivernale de l’histoire
La Coupe du monde se tiendra donc du 20 novembre au 21 décembre 2022. Elle engendrera un grand bouleversement du calendrier footballistique mondial puisqu’une trêve d’au moins 7 semaines sera nécessaire à l’organisation d’un tel événement en hiver. Aux yeux des grands amateurs de foot, cette perturbation du calendrier de la saison 2022-2023 apparaît plus excitante qu’autre chose. Aucune trêve internationale ne devrait ainsi interrompre un début de saison très dense pendant lequel se multiplieront les journées de championnat et de coupe d’Europe, tandis que plus de matchs se dérouleront l’été, moment privilégié par les supporters pour se rendre dans les stades, alors que l’hiver laissera place à la Coupe du Monde traditionnellement regardée à la télévision. Une analyse que certains qualifieront d’égoïste. En effet, la concentration des matchs pendant la première moitié de saison sera probablement dure à gérer pour les joueurs qui seront alors plus exposés aux blessures alors même que ces derniers voudront à tout prix éviter le mauvais coup qui les privera du Mondial. En outre, ce sont aussi les conditions de jeu qui inquiètent d’ores et déjà les observateurs. Même en hiver, la température moyenne à Doha se situe ainsi entre 25 et 30°C avec un taux d’humidité moyen compris entre 75 et 80%. Les Mondiaux d’athlétisme 2019 et les nombreuses plaintes provenant directement des athlètes y ayant participé ont ainsi prouvé que le pays n’était définitivement pas l’endroit idéal pour organiser l’événement sportif le plus important de la planète.
12 stades au cœur des polémiques
Pour contrer cela, le Qatar voit les choses en grand. Ainsi, les 12 stades qui accueilleront la compétition seront climatisés. Ces derniers concentrent d’ailleurs aujourd’hui la majorité des critiques faites à l’égard de la compétition. Tout d’abord parce que la consommation énergétique de tels systèmes s’annonce d’ores et déjà colossale, d’autant plus que le Qatar est déjà, selon la Banque Mondiale, le pays qui émet proportionnellement le plus de CO2 au monde avec 45 tonnes consommées par habitant alors que la moyenne mondiale se situe à 5 tonnes. A l’heure où le réchauffement climatique n’a jamais autant concerné la population, le Qatar se trouve donc dans une impasse puisque tous les choix qui s’imposent à lui seront largement critiquables et critiqués. Pour faire face à cela, le Qatar s’active. Les promesses de construction de « stades verts » se voulant respectueux de l’environnement se sont ainsi multipliées mais ne sont aujourd’hui que peu convaincantes tant les besoins énergétiques nécessités par ces stades s’annoncent dantesques. Pire encore, si le Qatar a pendant un certain temps promis que les stades de la compétition seraient démontables, seulement un seul d’entre eux (le Ras Abou Stadium) devrait l’être réellement, le reste de la récupération se faisant seulement au niveau des sièges qui seront offerts à des pays dans lesquels le football se développe, probablement en Afrique.
En outre, c’est surtout la manière dont les stades se construisent qui suscite aujourd’hui l’indignation internationale. Alors que trois des stades qui accueilleront la compétition sont déjà debout, la construction des 9 autres doit rester au centre des attentions. Si l’on a épargné aux sportifs une compétition au Qatar en été, les choses sont bien différentes pour les ouvriers travaillant sur ces chantiers. Ces derniers, migrants pour la plupart d’entre eux, font face à des conditions de travail extrêmes, condamnés à des journées de travail pouvant atteindre les 14 heures alors que le mercure peut monter jusqu’à 50°C en été. Les droits du travail de ces ouvriers sont catastrophiques, même si le tristement célèbre système de la kafala a été supprimé. C’est d’ailleurs l’un des points positifs qu’aura permis de générer la Coupe du Monde 2022. La médiatisation internationale de ce système, qui permettait notamment aux entreprises de confisquer le passeport de ses employés, a permis d’y mettre fin en 2016. Néanmoins l’esclavagisme moderne n’a pas été pour autant éradiqué au Qatar. Ainsi, alors que de nombreux défauts de paiement s’ajoutent aux conditions de travail décrites précédemment, le taux de mortalité chez les ouvriers du chantier de la Coupe du monde est désastreux. Selon une étude du quotidien britannique The Guardian, près de 2700 ouvriers auraient déjà trouvé la mort depuis le début des travaux sur le sol qatari, un total qui pourrait monter à plus de 4000 d’ici le début de la compétition selon la même source. A titre de comparaison, la vingtaine de morts qui aurait été comptabilisée sur les chantiers russes du Mondial 2018 avait déjà suscité l’indignation de nombreuses ONG. La fête aura beau être aussi belle que vous le voudrez, la Fifa et le Qatar sortiront de cette compétition avec du sang sur les mains.
L’accueil des supporters s’organise progressivement
De nombreuses questions ont en outre été soulevées quant à l’organisation de cette Coupe du monde en dehors du football. Là encore de nouveaux investissements défiants les limites de la raison ont été faits par le Qatar, sans que l’écologie ne semble apparaître comme une préoccupation nationale. Il a par exemple été officiellement annoncé que des bateaux de croisière devraient accueillir des supporters venus du monde entier afin de loger ces derniers. Enfin, et c’était peut-être la préoccupation principale des supporters britanniques, l’alcool sera évidemment trouvable au Qatar. Les prix actuellement pratiqués sont néanmoins très élevés pour être dissuasifs mais nul doute qu’il devrait être relativement simple de s’en procurer bien qu’une attitude relativement discrète devrait être recommandé comme l’a sous-entendu récemment Nasser el-Khater, responsable de l’organisation du Mondial 2022 : « Ce qui peut paraître acceptable pour un supporter anglais ne le sera pas pour nous. Nous attendons des supporters du monde entier qu’ils respectent également nos coutumes et traditions ».
Le choc des cultures s’annonce donc immense, bien que Doha devrait se transformer pendant plus d’un mois en un village mondial au sein duquel cohabiteront l’ensemble des supporters venus des quatre coins du globe. Un spectacle auquel il sera intéressant d’assister depuis nos canapés et les réseaux sociaux, alors que les trois années qui arrivent devraient déjà être assez productives en nouvelles annonces plus ou moins fantaisistes. En attendant, le Qatar se prépare et rien ne devrait dorénavant l’arrêter. Wait & see.
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