Coups de France, épisode III : E.F Reims Sainte Anne – Montpellier HSC

La Coupe de France. Le théâtre des rêves et de l’irrationnel. Le berceau des plus beaux exploits. Calais, Carquefou, Quevilly, Les Herbiers. La Coupe de France, c’est aussi la Coupe de la France. La plus lumineuse des vitrines pour ces patelins ordinairement de l’ombre. Cette année, à qui le tour ? C’est la mission qu’on s’est fixé pour chaque week-end de coupe : dénicher LES petits poucet de cette édition 2019 et vous les faire découvrir, à notre sauce.

Tentative numéro 1 (réussie) : quand Epinal fit chuter Sochaux

Tentative numéro 2 (toujours réussie) : Hombourg-Haut bourreau d’Auxerre.

Tentative numéro 3 : École de football Reims Sainte-Anne Châtillons (R1) – Montpellier Hérault Sport Club (L1). Dimanche 5 janvier 2020, 14h15, Stade Auguste Delaune, Reims. 32e de finale de Coupe de France.

L’estomac marmité par la dinde aux marrons et le saumon fumé de la semaine écoulée, nous n’avons pris aucun risque ce dimanche 5 janvier. Pour ce 32e de finale, nous avons fait dans la sobriété. Ni terrain en pente, ni vin chaud. Pas d’accent prononcé, pas de patelin au nom retournant le bide. Mais, promis, on reste dans la diagonale du vide. Tout de même, oh.

Le club sur lequel on s’est penché pour cet épisode est le second club d’une grande ville française et d’une grande ville de football. Là où Clovis – pas Cornillac, bien que depuis l’arrivée de Rudi Garcia l’Olympique Lyonnais peut être considéré comme un petit poucet, oui – a été baptisé et où l’on trouve la plus belle cathédrale de France : … Reims !

L’Ecole de football Reims Sainte-Anne Châtillons, évoluant en Régional 1, reçoit Montpellier, 9ème de Ligue 1, au Stade Auguste Delaune. « C’est un super tirage, commente Jean-Philippe Vieville, vice-président du club. Après, c’est vrai qu’on aurait préféré tirer le Stade de Reims. Ça aurait été plus festif de jouer un derby ».

Vivre avec deux Reims

Sainte-Anne c’est le « petit frère » du Stade de Reims. La deuxième équipe de la Cité des Sacres. Actuellement, le club compte 650 licenciés, 35 équipes et une quarantaine de bénévoles. « Le fan de football rémois connait et apprécie le club, détaille Julien Lampin, journaliste et animateur à Radio Jeunes Reims. Je ne connais pas quelqu’un qui n’aime pas Sainte-Anne. C’est le club numéro deux de la ville. Après ce n’est pas la folie non plus. On a du mal à parler du Stade de Reims au bistrot, alors imagine Sainte-Anne … ».

Là est la principale problématique du club amateur : exister -à un niveau suffisamment important- et se faire un nom dans une ville à l’engouement limitée pour le beautiful game et dominée par le Stade de Reims.

« Kopa, Fontaine, la Ligue des Champions … Reims est quand même une vraie ville de football, prolonge Julien Lampin. Mais aujourd’hui, il y a une vraie exigence du public de par cette histoire. Puis, le Rémois est connu pour être assez froid. Dans le monde du spectacle il y a une blague qui tourne et qui dit que Reims est la ville parfaite pour tester son spectacle. Si la salle rigole, c’est bon, tu peux partir en tournée ».

Lui, du coup, découvrira la ville de Reims au travers de ce papier. Oui, c’est gratuit.

Parce que c’est notre projet !

Pourtant, les dirigeants de Sainte-Anne ne désespèrent pas. Au contraire, le club est, depuis cet été, entré dans un tout nouveau cycle. Un projet de six ans à l’objectif ambitieux et assumé par Antoine Contardo, le président de la formation amateur : monter en National 1. « Notre équipe première représente la vitrine de ce projet, détaille le président arrivé en juin dernier. Mais ce n’est pas tout. L’important pour nous est d’accueillir les enfants de Reims, de les former et de les éduquer. Concilier le football de masse et le football élite ».

Chaque année, le club refuse environ 150 enfants en début de saison. Faute d’infrastructures et de moyens suffisants. Jean-Philippe Vieville, le vice-président, complète : « Notre ambition première c’est de former des hommes. Inculquer à nos jeunes des valeurs, du respect, de la politesse. On a toujours eu cette image de club formateur. Toutes nos équipes de jeunes sont aux plus hauts niveaux régionaux, des grands noms sont sortis de chez nous. Tous les jeunes veulent venir à Sainte-Anne ».

Le plus prestigieux de ces grands noms : Robert Pirès, le champion du monde 1998. C’est avec le maillot de Sainte-Anne que l’ancien Gunners a foulé pour la première fois de sa vie une pelouse, à sept ans. Deux ans plus tard, en 1983, il remporte la Coupe de France à 7 en poussins, au Parc de Princes. Robert Pirès est l’ambassadeur du club amateur depuis novembre. « C’est un nom qui va nous apporter énormément de notoriété et de visibilité, explique Antoine Contardo, le président du club. Puis, c’est important pour les jeunes du club. Leur montrer qu’on peut être à Sainte-Anne et réussir, avec persévérance et exigence, à être champion du monde ».

Robert Pirès, champion du monde et ambassadeur de l’E.F Reims Sainte-Anne.

Petit frère

En plus de cela, l’E.F Reims Sainte-Anne travaille actuellement sur un futur partenariat avec le Stade de Reims pour les années à venir. L’objectif ? « Que chacun puisse profiter de l’autre, détaille le président. Que nos bons jeunes joueurs aillent au Stade et que les jeunes en manque de temps de jeu ou ceux n’ayant plus leur place là-haut viennent se relancer chez nous ».

C’est d’ailleurs dans l’enceinte du grand frère, le stade Auguste Delaune, que Sainte-Anne affrontait Montpellier ce dimanche 5 janvier 2020, à 14h15. Le tout commenté par Patrick Montel, sur France 3. Si ça c’est pas la Coupe de France …

Le match

14h, la cinquantaine d’ultras héraultais fait son entrée en parcage. Pour eux, le premier déplacement de l’année s’est passé sans difficultés particulières. Une chance, au pays des droits de l’Homme. L’ambiance monte. Cinquante gaillards torses nus sous 3° avec une dizaine d’heures de bus dans les jambes, ça fait du bruit. En face, les premiers cris arrivent lorsque le speaker annonce la composition de Sainte-Anne. Les proches des joueurs rémois, éparpillés dans les loges de Delaune, jouent à ceux qui crieront le plus fort le nom de famille du petit protégé. La fierté.

Première victoire : Sainte-Anne a réussi à vendre toutes les loges disponibles et à faire se déplacer 4.000 Rémois en ce dimanche après-midi. Et la concurrence était rude. A quelques mètres de là, sur l’habituel parking du stade, se tenait la fête foraine. Maison hantée, grand huit et churros d’un coté. Terrain moisi, bière fraîche et Vitorino Hilton de l’autre. Clásico.

Presque plus vieux que l’E.F Reims Sainte – Anne … ( et c’est vrai ).

C’est d’ailleurs le vétéran brésilien qui s’illustre en premier, à la sixième minute. Le défenseur central montpelliérien reprend au second poteau un coup-franc de Junior Sambia. Reims Sainte-Anne 0-1 Montpellier. Ça commence mal pour notre petit poucet.

L’ami Vito

Un cri s’élève toutefois de la tribune de presse. Une voix lyrique, un accent du sud, une intonation enjouée. C’est Philippe Sers, dit Sersou, l’ancienne voix des sports de France Bleu Hérault. Depuis son départ de Radio France, le mythique Sersou a rejoint le club héraultais. Il commente les matchs de la Paillade sur le compte Facebook officiel du MHSC.

« Et elle va rentrer, elle va rentrer ! OH ! Le but de Vito ! Le but de Vitornio Hilton ! C’est notre ami Vito qui ouvre le score ! ».

L’ami Vito, pas pour tout le monde. A chaque ballon touché, Hilton est sifflé par une partie du stade Auguste-Delaune. Il n’y a plus de respect pour les anciens.

Le réveil de Sainte-Anne

La première mi-temps est clairement à l’avantage des pros. Sainte-Anne ne parvient pas à mettre en danger la formation héraultaise. Les foules ne se lèvent qu’à la trentième minute, lorsque Arnaud Souquet touche le ballon du bras, dans sa surface. Florent Batta désigne le point de corner. Delaune hue.

La seconde période est une toute autre affaire. Les Rémois sont plus hauts, plus présents dans les duels et plus dangereux. Alex Toukouk, l’ailier gauche, met les gaz. Souquet est dans les choux. La plus grosse occasion de son équipe est pour lui. Après une percée d’une vingtaine de mètres, le numéro 11 entre dans la surface, élimine un dernier défenseur et tire. En tribune de presse, c’est à nous, cette fois-ci, de vibrer et de nous lever de nos sièges. On y a cru. Pensez au référencement et à nos revenus en cas de qualif’ ! La balle traverse la surface et finit en touche. On se rassoit. Sersou nous lance un regard noir.

La fin du match empeste le foot champagne. Seulement quelques jours après les fêtes, ce n’est pas la plus paisible des sensations. On frôle le coma éthylique. Nos globules flirtent encore avec les bulles de crémant du 31. Elles n’ont pas eu le temps de leur avouer que ce n’était que l’aventure d’un soir, d’une nuit. Qu’il fallait passer à autre chose et que cela ne servait à rien de s’attacher. On s’égare. Excusez-nous.

Jojo Ferri a loupé un pénalty

La fin du match est une boucherie (aucun rapport avec la Saint-Sylvestre cette fois-ci). Ça part dans tous les sens. La défense rémoise est épuisée. Les joueurs du MHSC enchaînent les situations dangereuses. Gregory Barrilliot, le gardien et capitaine de Sainte-Anne, et Yoahnn Tia, défenseur central, empêchent la valise. Barrilliot stoppera le penalty de Jordan Ferri, à la 89e minute. L’homme du match. De très loin. Sersou est au fond du trou. Montpellier n’est toujours pas à l’abri.

La fin du match est finalement sifflée après deux minuscules minutes de temps additionnel. Le beau parcours de l’E.F Reims Sainte-Anne s’arrête ici, en 32e de finale. C’est la première fois que le club amateur atteignait ce stade de la compétition. Les Rémois quittent la pelouse sous les applaudissements de Delaune et de leurs adversaires du jour.

Sérieux, appliqué et fair play.

« Ca restera dans nos mémoires »

« Ils se sont bien débrouillés, ils n’ont rien lâché, déclare David, abonné au Stade Delaune depuis une dizaine d’années et présent au stade ce dimanche. Ça a permis à une équipe que l’on n’a pas l’habitude de voir de se montrer ». Sur le parvis du stade, les spectateurs se mélangent aux aficionados d’auto-tamponneuses. Amateurs de football, supporters du Stade de Reims, éducateurs de Sainte-Anne. Jeunes, vieux, enfants. Le petit poucet du jour a réussi son pari : rassembler une partie des fans de foot à Reims et laisser une trace dans la mémoire des plus jeunes … et des plus vieux.

« Les petits du club sont rentrés sur la pelouse avec les joueurs, raconte Philippe, l’un des éducateurs U6 de Reims Sainte-Anne. Je leur en reparlerai mercredi à l’entraînement. Moi, je suis au club depuis la fin des années 70 et je n’ai jamais vécu un tel événement. Ça restera dans nos mémoires à tous ».

Crédits photo : MHSCFoot.com

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