Depuis plusieurs semaines et profitant de la pandémie qui paralyse le monde, certains dirigeants de clubs réussissent à planifier l’avenir de leurs structures. Avec malice, ambition et opiniâtreté, les dirigeants du Stade Rennais ont réussi à attirer dans leur filet un gros poisson : Florian Maurice. Ce dernier ne sera pas là pour empiler les buts et les passes décisives mais aura pour mission de trouver les joueurs qui devront s’acquitter de cette lourde tâche. Après près de 11 ans de bons et loyaux services à l’OL, l’ancien buteur décide de sortir de sa zone de confort et accepte d’endosser un costume qu’il aurait aimé revêtir entre Rhône et Saône.
Nul n’est prophète en son pays
Après une carrière honorable débutée dans le club phare de sa région d’origine, Florian Maurice a porté les maillots du fameux PLM cher à Frédéric Antonetti. Il raccroche les crampons en 2005 dans l’Indre et profite de sa retraite, puis reprend du service sur ses terres natales. Son ex-futur président, toujours enclin à trouver une place dans son OL à ses anciennes gloires, lui propose d’intégrer en 2009 la cellule de recrutement. Pour ses débuts, on peut dire qu’il a gardé son flair et sa justesse, puis qu’il participe au recrutement de Lisandro Lopez afin de succéder à Benzema, parti enfiler un autre maillot blanc mythique : celui du Real Madrid. Pendant que le club traverse non sans encombres la période Puel, d’autres recrues sont à mettre en partie à son actif, avec par exemple Bafétimbi Gomis ou encore Dejan Lovren.
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Malgré ces années difficiles, Florian s’investit pleinement dans ses nouvelles missions et ne se repose pas sur ses lauriers, bien au contraire. Attaché au travail bien fait, il ne compte pas ses heures ni les kilomètres parcourus pour dénicher les profils les plus intéressants afin de compléter l’effectif de l’équipe première, principalement abreuvé par le réservoir intarissable de jeunes pépites du centre de formation. Effectivement, depuis l’officialisation du projet du départ de Gerland pour l’OL Land rêvé par son président, le business plan a changé. Face à un marché des transferts pris dans une spirale inflationniste et des moyens financiers limités pour investir massivement dans son nouvel écrin, l’heure est venue de faire fructifier ses ressources internes et limiter les renforts exogènes. Avec cet ajustement stratégique, les recruteurs sont mis sous pression puisqu’ils ne peuvent plus se permettre des accidents industriels, comme celui de Yoann Gourcuff. Ils doivent trouver, avec une enveloppe réduite, des joueurs à fort potentiel et capables de s’intégrer au vestiaire lyonnais, pas réputé pour être le plus accueillant de l’hexagone.
Des pépites à la pelle
C’est dans les moments difficiles et face à l’adversité que les talents se révèlent. Celui de l’ancien attaquant saute aux yeux de Bernard Lacombe, aka l’homme qui murmurait aux oreilles de JMA. Cinq ans après avoir intégré la cellule de recrutement, Florian Maurice en prend la direction. Ce changement de statut n’influe pas sur son tempérament et il ne tombe pas dans un excès d’arrogance. Il sait que ses qualités de patience, son investissement et son éthique de travail lui ont permis d’en arriver là où il en est aujourd’hui. Par conséquent, il continue son œuvre et, avec ses hommes, parvient à faire de la capitale des Gaules une destination de nouveau sexy pour les meilleurs espoirs français. Grâce à lui, l’OL a réalisé récemment d’énormes plus-values avec les transferts de Mendy, Tousart et Ndombélé. D’autres cessions devront permettre de préserver l’EBITDA si cher à son ancien boss. Avec ces bons résultats et des qualités reconnues par l’ensemble du milieu du football, «Flo», comme on le surnomme dans le milieu, lorgnait secrètement sur le poste de directeur sportif vacant et qu’il occupait officieusement. Malheureusement pour lui, il fut victime de l’ingéniosité politique de JMA qui pour sauver la mise face à la vindicte populaire sacrifie Bruno Génésio et confie la direction sportive à l’ancienne star de Gerland : Juninho.
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Conscient qu’avec cette nomination l’un de ses plus fervents soldats accuse le coup, le GodFather lyonnais réévalue les émoluments de son responsable de recrutement. L’argent ne fait pas tout et les débuts de la coopération Maurice/Juni ne sont pas idylliques. Arrivé avec les pleins pouvoirs, le nouveau DS tente de marquer son territoire avec la nomination du coach, un discours ambitieux et, au passage, une sortie au napalm à l’égard de Tousart. Les pistes proposées par Maurice sont moins écoutées et une ambiance bizarre traverse les couloirs des bureaux lyonnais. Les débuts difficiles de l’équipe conjugués aux débuts très poussifs des recrues estampillées Maurice fragilisent sa position. Se sentant à l’étroit dans l’organigramme lyonnais, Florian se sait arrivé en fin de cycle et l’approche de Tottenham a fait germer dans son cortex des idées d’ailleurs.
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L’heure de l’émancipation a sonné
Depuis plusieurs mois et l’éviction d’Olivier Létang à la tête du Stade Rennais, le board breton a entrepris une refonte de son organigramme. Après avoir conforté Julien Stéphan et trouvé un nouveau boss en la personne de Nicolas Holveck, il ne manquait plus qu’à trouver le chaînon manquant pour composer le triumvirat qui aura pour mission de poursuivre la progression entreprise depuis deux saisons.
Au départ utopiste, la piste Maurice s’est au fil des échanges montrée de moins en moins inatteignable. Et l’officialisation ne saurait tarder.
Les faits d’armes cités ci-avant et ses qualités reconnues bien au-delà des frontières de l’hexagone permettent d’établir, sans prendre de risques inconsidérés, que le club breton vient de réaliser là un coup magistral.
Il est certain que le nouvel homme fort de la politique sportive s’est assuré, avant de parapher son contrat, de bénéficier de garanties suffisantes sur ses marges de manœuvre et surtout d’avoir une vision convergente avec l’entraîneur et ses supérieurs. En effet, marqué par des luttes d’influence sur la fin de son aventure lyonnaise, le nouveau DS rennais n’allait sûrement pas quitter son cocon pour un environnement trop inhospitalier.
Ces gages et cette alchimie sont LA condition sine qua non pour atteindre les objectifs fixés dans sa feuille de route.
Il devra augmenter le nombre de joueurs issus du centre de formation dans l’équipe première. Pour ce faire il pourra d’une part miser sur l’expérience de son coach, et d’autre part capitaliser sur la sienne. Durant son expérience lyonnaise il a pu côtoyer de près l’un des meilleurs centres de formation d’Europe.
Ce levier doit permettre de réaliser de belles plus-values tout en étant performant en championnat, et par conséquent attirer d’autres profils plus expérimentés. La finalité de ce cercle vertueux est de jouer régulièrement les coupes d’Europe et, si possible à moyen terme, d’être un habitué de la lutte au podium.
Les réseaux qu’il a su tisser, aussi bien en France qu’à l’étranger, lui permettront de réaliser des coups dans les deux sens de l’autoroute des mercato. Autant ses compétences de dénicheur de talents sont reconnues, autant il devra prouver qu’il est tout aussi performant sur la valorisation de ses actifs. Le cas Camavinga sera un bon révélateur sur ses talents de VRP.
Le cas de Florian Maurice n’est pas une spécificité du monde du football et beaucoup de salariés peuvent se retrouver dans son parcours. En outre, de tout temps et dans chaque entreprise, des personnes se sont évertuées à donner le meilleur dans l’ombre, fuyant les sirènes de l’avidité et l’ambition malsaine, refusant de se soumettre aux diktat du machiavélisme pour parvenir à leurs fins. Dans une époque où le faire-savoir prime sur le savoir-faire, il existe encore des personnes qui restent fidèles à leurs principes et s’accrochent à une éthique de travail pour gravir les échelons et récolter les fruits qu’ils ont si durement semés, même si l’arbre fruitier se trouve dans le jardin du voisin.
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