Dans la course pour la Ligue des champions et finaliste de la Coupe du Roi, la Real Sociedad réalise une saison époustouflante. On vous explique ce qui fait le succès de l’équipe de San Sebastián.
C’est dimanche à 22 heures que la Real Sociedad a effectué son retour à la compétition, face à Osasuna. Dans son magnifique écrin d’Anoeta réduit au silence, l’équipe d’Imanol Alguacil s’est, une mi-temps durant, heurté à un bloc parfaitement hermétique de ses voisins de Pampelune. Menés et paraissant impuissants à la pause, les Txuri Urdin ont réussi, grâce à une bonne adaptation tactique, à renverser la vapeur et à sauver le point du match nul (1-1). Un point qui s’avérera peut-être précieux dans la lutte pour la C1 dans laquelle l’équipe est engagée avec le FC Séville, Getafe et l’Atlético. Le tout à quelques heures d’un nouveau derby sur le terrain du Deportivo Alavés.
Un effectif parfaitement construit
Au football, le premier ingrédient d’une saison réussie, ce sont les acteurs de celle-ci. Et les principaux, ce sont les joueurs. Il est donc primordial, au moment de se lancer dans le marathon que constitue un championnat, de disposer du groupe adéquat. Cette saison, la Real Sociedad a tapé dans le mille.
La première caractéristique de l’effectif Txuri-Urdin, c’est sa forte consonance basque. Sur les 24 joueurs de l’effectif professionnel, 12 ont été formés au club et 3 ont été formés au Pays basque. Au total, ce n’est pas moins de 62,5 % de l’effectif qui a appris le football en Euskadi. Témoin de l’excellence de la formation bleu et blanche, ce très fort ancrage local, ce lien entre le club et son territoire est très positif. Les joueurs sont naturellement plus impliqués et à l’aise alors que les supporteurs peuvent, eux, plus aisément s’identifier et faire corps avec leur équipe.
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Deuxième caractéristique majeure : la jeunesse du groupe. Avec 25,3 ans de moyenne d’âge, les Basques affichent l’effectif le plus jeune de Liga cette saison. Et les jeunes ne sont pas là pour faire de la figuration ou boucher les trous, puisque cette moyenne d’âge est similaire à celle du onze le plus utilisé. Si la jeunesse est porteuse d’espoir et d’avenir, elle peut aussi être synonyme de manque d’expérience, de régularité et donc de performance. Mais là aussi, l’écueil est contourné avec brio.
Au milieu des canteros et autres jeunes pousses prometteuses, quelques vieux briscards apportent toute leur expérience : Angel Moya (36 ans, ancien gardien de l’Atlético), Nacho Monreal (34 ans, international espagnol et ancien d’Arsenal), Asier Illaramendi (30 ans, international espagnol et ancien du Real Madrid) et David Zurutuza (33 ans, pur produit de Zubieta). Ces hommes font monter l’âge moyen de l’équipe en même temps que la somme de son vécu.
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Dernier point essentiel à la construction d’un effectif cohérent : le recrutement. À la Real Sociedad, celui-ci se fait à dose homéopathique, la priorité étant donnée aux produits de la maison (seulement 5 étrangers dans l’effectif). Mais ces derniers temps, dès que le club y a eu recourt, ce fut une réussite. Martin Odegaard, Cristian Portu, Nacho Monreal et Alex Remiro : 4 des 5 recrues du mercato estival 2019 figurent dans le onze le plus utilisé de la saison.
Alexander Isak, le cinquième larron, n’y figure pas pour seulement quelques minutes de moins passées sur le pré que son concurrent William José, tout en s’étant imposé comme titulaire au moment de l’interruption. Et ce constat s’applique à tous les autres joueurs non issus de la cantera (Llorente, Le Normand, Merino, Januzaj, José), tous étant des éléments disposant d’un temps de jeu conséquent. Une formation au top, une exploitation optimale de son territoire, un mélange générationnel parfait et un recrutement inspiré : voici les clés bleues et blanches pour la confection d’un effectif compétitif.
Imanol Alguacil, le maestro
Aussi fort sur le papier que soit un effectif, il n’arrivera pas à performer sans un chef d’orchestre de qualité à sa tête. Et l’homme à la baguette du côté de Donostia est un maestro. Imanol Alguacil, ancien latéral droit des Txuri Urdin dans les années 1990 est à la tête de l’équipe une depuis le limogeage d’Asier Garitano, le 26 décembre 2018. Avant ça, il a eu en charge l’équipe réserve durant quatre ans et avait déjà effectué un intérim sur le banc de la première pour la fin de saison 2017-2018. Et pour son premier mandat en tant que numéro un durable, le natif d’Orio remplit sa mission. Parfaitement même.
Avec une moyenne de 1,74 points/match, son équipe tient un rythme européen depuis plus d’un an et demi. Mieux, elle affiche un niveau de jeu digne d’un tel standing. Et dans la pure tradition txuri urdin, mêlant technicité, possession, dynamisme et allant offensif. Le match de dimanche face a Osasuna à également montré la faculté d’adaptation du technicien de 48 ans : son 4-1-4-1 habituel complètement bloqué par le solide bloc de l’équipe de Pampelune, Alguacil est passé en 3-5-2 à la mi-temps, s’assurant des sorties de balles plus fluides et libérant son capitaine Oyarzabal qui finira par égaliser. Imprégné de l’identité du club, impeccable tactiquement et dans sa gestion humaine, Imanol Alguacil est aujourd’hui l’un des tous meilleurs entraîneurs de Liga et l’un des atouts maîtres de la Real.
Merino-Odegaard, le meilleur duo de relayeur de Liga ?
Au cœur du jeu de l’équipe de San Sebastián, évolue un duo de relayeurs redoutablement performant. Aussi proche de par leur parcours (tous deux partis tôt à l’étranger et ayant eu du mal à le digérer) et leur technique impeccable, que complémentaire de par leurs caractéristiques, les deux compères offrent un panel d’option tactique très riche. Parfaitement coordonnés dans leurs déplacements, alternant décrochages et projections, occupant superbement l’espace, ils sont la courroie de transmission idéale pour le jeu que cherche à mettre en place la Real.
Portu-Oyarzabal, le feu et la glace
Chez les deux ailiers aussi, « complémentarité » est le maître-mot. D’un côté, l’ancien ailier de Girona multiplie les courses à haute intensité, les appels tranchants, étirant et épuisant les défenses adverses. Et de l’autre, l’international espagnol se balade entre les lignes adverses, toujours prêt à profiter d’un appuis-remise pour crucifier froidement l’adversaire ou à créer un échange en triangle afin de lancer un coéquipier à l’assaut de la profondeur. De plus, avec 7 buts et 9 passes décisives pour Portu et 11 pions et 7 assists pour Oyarzabal (toutes compétitions confondues), le duo concrétise statistiquement.
Zubeldia, le dépanneur devenu barycentre
Barré en début de saison par le capitaine Asier Illaramendi au poste de sentinelle, le jeune Igor Zubeldia pensait sûrement profiter de sa polyvalence pour engranger un maximum de temps de jeu entre milieu et défense centrale. Mais lors de la troisième journée et d’un derby perdu 2-0 à San Mamès, la cheville de l’ancien du Real lâche et l’envoie sur le flanc jusqu’à l’interruption des compétitions. Nous sommes le 30 août 2019 et la saison du cantero change de tournure. Il devient titulaire du poste de milieu pointe basse au combien important dans le système d’Alguacil. Mieux que dépanner, Zubeldia s’impose rapidement comme un des hommes forts de son équipe. Parfaitement au point tactiquement, il assure l’équilibre, la fluidité et la relance avec beaucoup de qualité. Sa polyvalence lui permet de glisser sans difficulté en défense centrale ou de venir en cours de partie s’insérer entre ses centraux pour faciliter des sorties de balles contrariées par une première ligne adverse dense. Au point de constituer finalement le point d’équilibre des bleus et blancs.
Le jeu: préparation, mouvement et variété
Outre ces éléments forts, la grande force de la Real Sociedad d’Imanol Alguacil, c’est son jeu collectif. Les Basques développent un jeu offensif agréable à suivre. Ainsi, ils possèdent cette saison le quatrième taux de possession de Liga (54,8 %) et occupent la troisième place au classement des attaques (46 buts inscrits) derrière les deux mastodontes ibériques. Possession oui, mais pas que. Organisés en 4-1-4-1, les hommes d’Alguacil sont capables d’une grande variété dans la manière de mener leurs offensives. Aux phases de conservation, de construction lente partant de l’arrière-garde succèdent en un éclair des attaques rapides faites de jeu en triangle sur les côtés, de une-deux fulgurants ou d’appels tranchants dans les espaces.
Le processus est souvent le même : l’attaque part de l’arrière, le gardien et les défenseurs (renforcés de la sentinelle en cas d’égalité numérique initiale) font circuler à la recherche d’ouverture. Quand l’occasion se présente, les centraux s’en vont fixer l’adversaire en conduccion et ainsi créer le décalage. Si les deux premières lignes adverses s’éloignent et ouvrent un espace, Merino et Odegaard viennent s’y positionner, maîtrisant ces mouvements à merveille. Alex Remiro peut alors faire usage de son très bon jeu au pied et toucher ce joueur libre qui peut alors se retourner face au jeu au cœur d’une défense mal positionnée.
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Ces deux phases de jeu permettent à la Real de prendre de vitesse le bloc adverse. S’ensuit alors un enchaînement de déplacements parfaitement coordonnés, entre décrochages pour offrir un appui et appel pour libérer des intervalles, permettant aux bleus et blancs de conserver l’avantage acquis durant la phase de préparation et de débouler sur le but. Chaque joueur sait ce qu’il doit faire, où il doit aller et comment en fonction des mouvements des autres protagonistes. La qualité technique et la complémentarité des profils font le reste.
En transition aussi, cette équipe est redoutable. Avec la vitesse et l’intelligence de Portu, Oyarzabal Isak ou Januzaj, la capacité à orienter rapidement de José et la qualité de pied des milieux, le passage du statut d’attaquant à celui de défenseur est particulièrement dangereux pour les joueurs d’en face. S’il fallait résumer la palette offensive de la Real Sociedad, la première période disputée à l’Estadio El Sadar de Pampelune le 22 décembre en serait l’illustration idoine.
Défensivement, la Real Sociedad se montre agressive et n’hésite pas à harceler les joueurs adverses, notamment à la perte de balle. Là encore, la solidarité et la coordination de l’équipe sont remarquables.
Bien sur, certains points négatifs existent, comme par exemple la vulnérabilité qu’implique la prise de risque lors de la construction du jeu ou le petit manque de qualité individuelle dans le secteur défensif. Mais l’équipe de San Sebastian, sans doute l’une des mieux huilé tactiquement d’Espagne, séduit par son enthousiasme, la qualité et la richesse de son jeu offensif et la solidarité dont elle fait preuve.
À l’approche d’un sprint final passionnant, Mikel Oyarzabal et ses coéquipiers semblent bien parti pour faire résonner de nouveau l’hymne de la Ligue des Champions à Anoeta. Ils auront aussi la possibilité de décrocher la troisième Copa del Rey de l’histoire du club lors d’une finale en forme de derby face au rival de toujours, l’Athletic Club. Et ainsi poursuivre la progression d’un groupe et d’un club qui semble avoir tout bon depuis plus d’un an et demi et dont le potentiel laisse songeur.
Crédit photo : IconSport/Marca