Ce vendredi 30 octobre, Diego Maradona a soufflé ses 60 bougies. Pour beaucoup, El Pibe de Oro est le plus grand joueur de ce sport. À Naples, certains le considèrent comme un Dieu vivant. Il faut dire que Maradona a véritablement transformé ce club en lui permettant de rivaliser avec les écuries du Nord. En sept ans, le gaucher Argentin ramènera les deux premiers Scudetti du club (1987 et 1990), une Coppa (1987), une Supercoppa (1990) et une Coupe de l’UEFA (1990). Alors, lorsque Diego Maradona doit affronter l’Italie en Coupe du Monde à Naples, l’événement ne peut qu’être légendaire. Retour sur cette demi-finale match qui restera à jamais dans la mémoire du prodige Argentin.
Un Napolitain à Naples
Avant de revenir sur cette demi-finale, il est nécessaire d’évoquer le parcours dans la compétition des deux équipes. Les locaux réalisent alors un Mondial presque parfait. Les hommes d’Azeglio Vicini terminent leader de leur groupe et se démêlent en 8e de finale de l’Uruguay (2-0) et de l’Irlande (1-0) en quart de finale. Avec aucun but concédé, la Squadra Azzurra arrive dans la peau du favori. Surtout que le tenant du titre est décevant dans la compétition. Les Argentins se qualifient de justesse pour la phase éliminatoire avec une phase de groupe inquiétante : une défaite contre le Cameroun (0-1), une victoire contre l’Union Soviétique (2-0) et un match nul contre la Roumanie (1-1). La bande à Maradona élimine en 8e son ennemi de toujours, le Brésil (1-0). Au tour suivant, c’est la Yougoslavie qui y passe, aux tirs au but.
Alors que l’Italie a pour le moment disputé l’ensemble de la compétition à Rome, elle jouera son premier match en dehors de la capitale. Et le lieu n’est pas moins symbolique : Naples. La cité où El Pibe de Oro a bâti son mythe. L’avant-match affole toute l’Italie et une question se pose : les Napolitains seront derrière la Nazionale ou Maradona?
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Dans les rues de Naples se vendent des drapeaux de l’Italie, mais aussi de l’Argentine en honneur du natif de Lanùs. Ce dernier lâche même une stupéfiante déclaration avant la rencontre : « Amis napolitains, pendant 364 jours par an, vous êtes considérés comme des étrangers dans votre propre pays. Aujourd’hui, vous devez faire ce qu’ils veulent que vous fassiez, en supportant l’équipe d’Italie. À l’inverse, moi, je suis napolitain 365 jours par an ».
120 minutes de tension
On est le 3 juillet 1990, il est 20 heures et le stade San Paolo est plein à craquer. Dans les tribunes, on peut voir plusieurs banderoles dont la plus célèbre sur laquelle est écrit « Maradona, Naples t’aime mais l’Italie est notre pays ». Ce soir, Naples est derrière sa sélection. Les Italiens débutent très bien la rencontre. Ils ouvrent le score à la 18e minute par l’intermédiaire de Schillaci. L’Argentine souffre, à l’image de son meneur argentin très bien muselé par un certain Bergomi. Peu à peu, la rencontre devient plus électrique. Les fautes s’accumulent et la bande à Baresi ne maîtrise plus son sujet. À la 68e minute l’attaquant argentin Cannigia égalise, avec Maradona à l’origine de l’action. La tension est à son paroxysme et 90 minutes ne suffisent pas.
Les deux sélections disputent donc des prolongations marquées par une grosse nervosité de part et d’autre. Preuve en est, l’Argentin Giusti est expulsé à la 105e minute. Le score ne bougera pas et la séance de tirs au but départagera l’Italie et l’Argentine. Les trois premiers penalties des deux côtés sont transformés. C’est alors à Donadoni de se présenter. Le milieu du Milan voit son penalty stoppé par Sergio Goycochea. L’Argentine a désormais son destin entre ses mains et dans les pieds de son génie. Maradona s’élance et marque, pour ce qui a été « le penalty le plus difficile à tirer » de sa vie. Aldo Serena se présente face au portier argentin et celui-ci récidive de nouveau. Goycochea emmène son pays en finale.
Une finale où elle se retrouve face à la machine allemande, la RFA. Les hommes de Carlos Bilardo s’inclineront logiquement 1-0. La tristesse est immense pour les Argentins. À l’image de Diego Maradona, qui retire la médaille d’argent de son cou. Comme un symbole.
La descente aux enfers
Diego Maradona connaîtra par la suite une crise à tous les niveaux. Au niveau sportif, le Napoli n’arrive plus à jouer les premières places en championnat. À la mi-saison (1990-1991) les Partenopei pointent à la 11e place. Âgé de 29 ans, Maradona se montre moins flamboyant, moins concerné. Une raison explique cette méforme : son envie de départ, manifestée l’été dernier. Mais le président Corrado Ferlaini ne souhaite pas le voir partir.
Le 17 mars 1991, Maradona va alors disputer, sans le savoir, son dernier match sous la tunique azurra. Le Napoli reçoit Bari et s’impose 1-0. Après cette rencontre a lieu un contrôle anti-dopage. Diego Maradona connaît cet exercice et souvent, il arrive à passer entre les mailles du filet comme l’explique Didier Roustan : « Il prenait toujours de la cocaïne jusqu’au jeudi soir après elle se diluait jusqu’au dimanche (…). S’il se faisait contrôler, il avait sur lui une poche d’urine qu’il utilisait et ça passait. » Cette fois-ci, le plan a échoué. Quelques jours plus tard, Diego Maradona est testé positif à la cocaïne et se voit suspendu 15 mois par la FIFA.
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Beaucoup de zones d’ombre planent autour de cette sanction. En Italie et à Naples, tout le monde savait que Maradona consommait de la poudre blanche et qu’il entretenait une relation avec la Camorra (la mafia napolitaine). Mais en vue de son talent, les bouches restaient cousues. Alors, pourquoi ce 17 mars 1991 le meneur argentin a été lâché par les instances ? Le clan Maradona défend la théorie que les Italiens n’avaient toujours pas digéré ce célèbre Italie-Argentine. L’autre hypothèse est les mauvaises relations de Maradona avec la direction et particulièrement avec Luciano Moggi, alors directeur général du Napoli. 29 années se sont passées et le mystère n’est toujours pas élucidé.
Une chose est sûre, l’enfant du peuple va connaître une descente aux enfers. Maradona, avant que la sanction tombe, rentre en Argentine. Au mois d’avril 1991, une perquisition a lieu au sein de son domicile à Buenos Aires. Don Diego est arrêté en possession de drogue. S’en suit alors une fin de carrière délicate. Il devra dans un premier temps faire une cure de désintoxication imposée par la justice. Puis, il refoulera les pelouses à Séville (1992-1993) et Boca Juniors (1995-1997). Mais El Pibe de Oro ne retrouvera jamais son meilleur football. Cerise sur le gâteau, il disputera le Mondial 94, mais sera testé positif à l’éphédrine. Après deux matchs joués, Maradona est exclu de la compétition.
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Diego Maradona a marqué l’histoire par son génie et sa personnalité. Un homme qui ne laisse personne indifférent. Beaucoup en sont fans, beaucoup le détestent. À Naples, presque 30 années se sont écoulées et son mythe est toujours omniprésent dans les rues de la ville. Preuve que le numéro 10 Argentin dépasse le cadre du football.
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