João Félix, condamné à sauver Simeone ?

Un doublé, une absence de complexes quasi totale et une jauge de confiance au plus haut qui lui permet de tenter des gestes des plus fous tout en sauvant son équipe d’une nouvelle déception. Le match de João Félix face au Red Bull Salzbourg en Ligue des Champions le 27 octobre dernier semble illustrer le tournant attendu par tous les supporters de l’Atletico. Le joyau portugais devient le joueur pour lequel Diego Simeone a craqué l’an dernier, et à travers cette évolution, c’est tout le club colchonero qui voit son futur se dessiner.

Le choix du fou

A la fois recrue phare et recrue surprise de l’Atletico à l’été 2019, peu auraient misé sur un tel choix de carrière ou sur la faisabilité du recrutement pour l’Atletico. Sept ans de contrat, transfert à 126M€. Ou plutôt, transfert à 126M€ dont le paiement est étalé à l’extrême, la fidélité du joueur, elle, ne pouvant être achetée que par Diego Simeone à travers son utilisation lors des saisons à venir et sa capacité à le faire grandir.

Après quelques mois simplement, déjà les choses coinçaient du côté du Metropolitano. L’Atletico, qui n’en finissait plus de décevoir sur les saisons précédentes, avec en point d’orgue la remontada subie contre la Juve, avait besoin de renouveau ou a minima d’une remise en question de la part de Diego Simeone. Bingo, au sang frais l’Argentin allie quelques nouveautés qui semblent parfaites pour permettre à João Félix de vite trouver ses marques. Dans le traditionnel 4-4-2 du Cholo, le n°7 défend un couloir du milieu de terrain. A la récupération du ballon, l’entrejeu mue en un losange où Partey couvre les arrières de tout le monde, où Koke et Saul se chargent de l’animation, et où l’ex du Benfica joue n°10. Ainsi, il bénéficie de deux solutions vers l’avant avec Morata et Diego Costa ainsi que des appels de Renan Lodi et Trippier, tout deux très haut dans leurs couloirs, tout en pouvant se rapprocher de la zone de vérité. Une formule qui redonne de l’allant au Cholisme usé jusqu’à la corde des dernières années, reste jouable même en changeant quelques têtes et mène à l’impressionnant succès 7-3 en match de préparation contre le Real Madrid aux Etats-Unis.

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Seulement, l’idée ne perdure pas. Première journée de Liga, Simeone revient à son système rigide avec le Portugais sur la ligne de front. Une seule solution devant lui, très axiale, le monde colchonero dans son dos, peu de soutien, condamné à l’exploit individuel ou au geste parfait pour créer un malheureux décalage. Il ne faut pas s’y tromper : Le Cholismo n’est pas, ou du moins n’est plus la démonstration d’une force collective annihilant les forces adverses et faisant progresser tout le bloc sur le terrain, mais bien un système de plus en plus dépendant d’une poignée d’individualités. En ce qui concerne la partie offensive, il suffit de jeter un œil quelques mois plus tôt. Antoine Griezmann achève son dernier exercice de Liga sous la tunique madrilène avec 15 buts. Les autres buteurs du club ? Morata, 6 buts. Puis avec 3 unités maximum : Godín, Thomas Partey, Saúl,…

João Félix se retrouve donc assis directement dans le siège laissé vide de Griezmann, de celui qui doit faire les stats de l’équipe tout seul ou presque. Mais lui n’a ni le bagage du Français, ni son expérience internationale, ni le temps de s’adapter à son nouveau club ou à sa nouvelle vie espagnole au vu de la pauvreté du secteur offensif rouge-et-blanc. Comme il était couru d’avance, son rendement ne décolle pas vraiment malgré de nombreux coups d’éclat et quelques matchs rappelant son immense talent. Sans compter que la pauvreté de l’effectif en terme de solution offensives pour l’entourer n’aide pas. Insuffisant pour faire taire les critiques mêlant attentes irréalistes et pression liée au prix du transfert.

Et pourtant… avec 6 petits buts, il est le 2e meilleur buteur du club en Liga derrière Morata (12 unités). L’Atletico n’est donc à aucun moment capable de rivaliser avec les deux géants malades de Liga, un Real Madrid bancal et un Barça en pleine crise existentielle. Deux pensées dominent : La première : João Félix n’est pas aussi fort qu’attendu. La seconde : il n’est pas fait pour le jeu du Cholo, il lui faut trouver une échappatoire avant de s’y perdre. Si la première idée paraît très difficilement vérifiable pour les raisons évoquées précédemment, la seconde mérite réflexion. Après tout, il suffit de voir à quel point Antoine Griezmann peine à se retrouver du côté du Barça après des années de formatage au jeu de l’Atletico. Alors perdre du temps sur son développement de jeune joueur tout en restant limité à l’horizon des principes du Cholisme pourrait effectivement s’avérer dangereux pour João.

Ultimo Dez

Cette idée qu’il lui faudrait aller voir ailleurs pour se réaliser est-elle vraie pour autant ? En ce début de saison il n’est pas surréaliste de penser que le Portugais a pris le chemin qui va le mener à être le grand leader offensif attendu par l’Atletico. Pour rappel, son association avec Luis Suárez représente déjà plus de 60 % des buts de l’équipe, une tendance qui ne devrait pas évoluer à la baisse avec l’avancée de la saison tant le nombre de joueur performants dans l’effectif est limité. Correa pas indiscutable, Koke surexploité à tous les postes du milieu et logiquement sur courant alternaltif, Saúl loin du niveau qui lui était promis, Carrasco ou Vitolo pas toujours très inspirés… La bascule se fait maintenant. João Félix endosse le costume de joueur responsable (voire sur-responsabilisé), en tant que second attaquant libre / numéro 10 / trequartista, dont la dimension créative est indissociable d’une liberté qui doit lui être accordée. Seulement, aujourd’hui, où irait un numéro 10 en Europe ? Le poste qui a fait rêver des générations dont la forme la plus originelle est presque abolie ? Le poste condamné à subir l’évolution des performances physiques et de l’intensité dans le football, le poste où le joueur se retrouvait bien trop responsabilisé pour le football actuel. Ah, tiens…

Et voilà comment Diego Simeone s’offrit un sauveur. Lui seul ou presque a un besoin vital d’un numéro 10 de très grand talent. Pas étonnant que l’Atletico se soit endetté sur presque une décennie pour lui. Pas étonnant non plus que Diego ait longtemps fait les yeux doux à Paulo Dybala avait de s’offrir le Portugais. Des joueurs qui ne sauraient que rarement être utilisés en exploitant leur plein potentiel dans les systèmes modernes. Un exemple : João Félix en sélection ? Dans un 4-3-3, envoyé à gauche ou en pointe, presque dos au jeu au gré de l’humeur de Fernando Santos et de la présence ou non de Cristiano Ronaldo. En 4-2-3-1 même chose, la place de trequartista étant plus facilement offerte à Bruno Fernandes au nom du fait que le joueur de l’Atletico est plus mobile.

Quitter l’Atletico, vraiment une solution pour s’épanouir ? Pas si sûr. Par son besoin d’un joueur de ce profil, porteur de trop grande responsabilités addict à la liberté, Diego Simeone met un cadenas sur la carrière du joueur. Condamné à être le sauveur d’une équipe enfermée dans des principes qui ne la font plus gagner à l’Atletico, où à ne jamais vraiment briller parmi les étoiles européennes sous d’autres cieux.

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