Arrivé au PSG à l’été 2018, Thomas Tuchel a été remercié après deux années et demies passées sur le banc et 100 matches dirigés. Que peut-on retenir de l’entraîneur allemand ? Du bon… et du moins bon.
«Dans le football, tout va très vite.» Cette maxime, Thomas Tuchel vient de l’apprendre à ses dépens. Finaliste de la Ligue des champions lors du Final 8 à Lisbonne en août 2020, le tacticien allemand a été remercié par le PSG juste avant les fêtes de Noël. Arrivé en provenance de Dortmund, après un passage réussi sur le banc des Jaune et Noir, il a remplacé Unai Emery en mai 2018. Deux ans et demi plus tard, le bilan du natif de Bavière est contrasté. Série de victoires records, finale de C1 mais aussi remontada et coaching parfois incompréhensible. Elton Mokolo, journaliste pour Le Club des 5 et Winamax, nous aide à comprendre ce bilan atypique.
Six premiers mois dorés
Il fut un temps où Thomas Tuchel mettait tout le monde d’accord. C’est bien simple : entre mai 2018 et janvier 2019, le technicien allemand a marché sur l’eau. Arrivé dans la capitale avec l’étiquette du «nouveau Guardiola» solidement accroché sur le front, il décroche 14 victoires de rang en championnat. Mieux encore en Ligue des champions : le PSG sort premier d’un groupe composé de Liverpool, du Napoli et de l’Étoile Rouge de Belgrade, pourtant considéré comme le groupe de la mort.
C’est d’ailleurs sur sa réussite en Europe qu’il sera jugé. «Lors de la première conférence de presse de Thomas Tuchel à Paris, la plupart des questions sont tournées vers la Ligue des champions, souligne Elton Mokolo. La Ligue 1 et l’Europe sont deux mondes différents. Et Tuchel le dit : les matches de Ligue 1 servent à se préparer aux grandes échéances.»
Dans ses bagages, Thomas Tuchel a aussi emmené des tas de schémas tactiques. En seulement quelques mois, il insuffle une nouvelle identité de jeu au PSG, inspiré du gegenpressing de Guardiola. Quand ils n’ont pas le ballon, les Parisiens harcèlent leurs adversaires. Marquinhos joue haut, devant la défense aux côtés de Marco Verratti et l’équipe se montre plus compacte. En phase offensive, les Rouge et Bleu créent le surnombre. Neymar et Di Maria décrochent afin de construire le jeu tandis que Kehrer et Bernat montent haut dans leurs couloirs, afin de combiner avec Cavani et Mbappé.
Manchester, le point de non-retour
En février 2019, le PSG se prépare à une double confrontation face à Manchester United en huitième de finale de Ligue des champions. Thomas Tuchel est plus que jamais vu comme l’entraîneur qui doit faire passer un cap à Paris sur la scène européenne. C’est une nécessité après l’effroyable remontada subie face à Barcelone deux ans plus tôt (4-0, 1-6). Porté par un Di Maria des grands soirs, le Paris Saint-Germain remporte la première manche à Old Trafford (2-0).
Mais un mois plus tard, l’Histoire se joue à nouveau des Rouge et Bleu, qui s’effondrent inexplicablement et craquent dans les arrêts de jeu (1-3). «Manchester a été une cassure pour Tuchel, estime Elton Mokolo. Il a été rappelé à la réalité : c’est en Europe qu’on attend les résultats et pas au niveau national. À partir de là, il a été fragilisé.
Certes, Buffon et Kehrer sont passés à côté. Oui, Neymar était blessé. La liste des coupables est longue mais Thomas Tuchel n’est pas le moins fautif. Pourquoi attendre la 70e minute pour faire sortir Kehrer ? Pourquoi se défiler autant en conférence d’après-match ? Comment peut-on couler face à l’équipe B de Manchester United ? Autant de questions qui ont résonné longtemps jusqu’au palais princier de Doha.
Après cela, le PSG quasi-parfait de Thomas Tuchel n’a plus jamais été le même. Les Parisiens traîneront leur spleen jusqu’au mois de mai, ne remportant que 2 matches lors des 9 dernières journées de Ligue 1. La bande à Neymar multiplie les couacs. Il y a d’abord la défaite face à Guingamp en quart de finale de Coupe de la Ligue (1-2) puis la débâcle historique sur la pelouse lilloise (1-5). Ils perdront même la Coupe de France face à Rennes et un Hatem Ben Arfa revanchard (2-2, 4-5 aux t.a.b.). Du jamais vu depuis 2013. Pourtant, à la surprise générale, le tacticien allemand prolonge son contrat jusqu’en 2021. «C’était une manière de protéger Tuchel vis-à-vis de l’opinion publique, décrypte Elton Mokolo. Il a fait un début de saison convaincant et le PSG a entendu ses arguments. Il estime alors que l’effectif est encore en phase de construction.»
Lisbonne, l’accalmie dans la tempête
Après la défaite face à Manchester United, Thomas Tuchel a peiné à imprimer sa patte sur une équipe parisienne difficile à dompter. L’équipe est dénuée d’identité et ne dispose d’aucun fond de jeu. Et ses choix tactiques commencent à interroger. L’Allemand tente plusieurs systèmes mais se repose souvent sur les exploits individuels de Neymar, Mbappé ou Di Maria.
À LIRE AUSSI – PSG-Lyon : une rivalité atypique et unique en Ligue 1
Et pourtant, il tient bon. Défait 2-1 contre le Borussia Dortmund, la bande à Tuchel évite une nouvelle humiliation en huitième de finale de C1 et sonne la révolution. Juste avant le confinement, les Parisiens s’imposent face à l’ancien club du coach allemand et retrouvent les quarts de finale. Malgré la pandémie de Covid-19 et les blessures, Tuchel emmène ses ouailles jusqu’en finale de Ligue des champions, en août 2020. Sans beaucoup d’idées, mais avec énormément d’envie. «Le Final 8 avait un format très particulier, rappelle Elton Mokolo. Thomas Tuchel a préparé son équipe pour performer sur une semaine et demi. Le format de l’épreuve convenait à son équipe.»
Tuchel et le PSG, une rupture écrite
Malgré l’exploit de taille à Lisbonne, la reprise est dure pour Thomas Tuchel en septembre. Les départs de Thiago Silva et Edinson Cavani laissent un vide dans l’effectif, le mercato est loin d’être parfait et les blessures s’accumulent. Plus grave, de réelles tensions naissent entre l’entraîneur et la direction parisienne, en particulier avec Leonardo, le directeur sportif. Tuchel critique alors ouvertement le manque de moyens de son équipe.
«On perd trop de joueurs. Ça a commencé avec Adrien Rabiot, grand joueur. Ça peut continuer avec Julian Draxler, Angel Di Maria, Juan Bernat dont les contrats s’achèvent en 2021. C’est le pire pour tous les clubs de ne pas avoir d’argent pour réinvestir, et c’est trop pour le PSG, pour le statut qu’on veut avoir en Europe.»
Thomas Tuchel critique publiquement la politique de recrutement du PSG en conférence de presse, le 2 octobre 2020.
L’Histoire semble alors se répéter. Comme lorsqu’il était au Borussia Dortmund, entraîneur et dirigeants exposent publiquement leurs divergences et s’attaquent mutuellement dans les médias. Les récentes contre-performances du PSG et les blessures récurrentes des joueurs n’ont fait que précipiter un dénouement inéluctable. Et ses mots rapportés par Sport1 quelques jours avant son éviction (et qu’il a démentis dans la foulée) ont fini d’enfoncer le clou. «C’était une course contre la montre que Tuchel ne pouvait pas gagner», résume Elton Mokolo. Quand c’est fini, c’est fini.
Que retiendra-t-on de Thomas Tuchel ?
Si on fait le bilan comptable de ses matches au PSG, Thomas Tuchel affiche des statistiques très flatteuses. En deux ans et demi sur le banc des Rouge et Bleu, il a dirigé 127 matches et en a gagné 95, soit un pourcentage de victoires de 74,8%. Sur 8 trophées nationaux, seules les deux coupes lui ont échappé en 2019. Il restera l’entraîneur qui a emmené le PSG en finale de Ligue des champions pour la première fois de son histoire. Au-delà des chiffres, les supporters retiendront des matches historiques comme la victoire face au Real Madrid (3-0) en septembre 2019, ou la folle fin de match face à l’Atalanta en août dernier (2-1). Avant son éviction à la trêve, le PSG a même fini (non sans mal) premier de son groupe de C1 et pointe à la troisième place de Ligue 1, à une unité du leader lyonnais.
Mais les résultats ne font pas tout. Thomas Tuchel n’aura pas réussi à imposer durablement un jeu authentique au PSG, finissant même par ne compter que sur les exploits de ses stars. Depuis le début de la saison 2020-21, les Parisiens sont à la peine et le jeu proposé est très pauvre, sans réelles perspectives. Ses initiatives ont régulièrement été pointé du doigt ces dernières semaines, en titularisant Danilo en défense centrale par exemple. Et quand les médias ne parlent plus que de vos bourdes et que les supporters demandent votre tête, c’est qu’il est peut-être l’heure de partir. «Quand Tuchel arrive au PSG, il explique qu’on l’a recruté pour trois raisons : sa capacité à être leader, pour imposer un style de jeu et pour avoir une vision, liste Elton Mokolo. Sur les deux derniers points, on est passé à côté. Et même sur le premier point, il a été un leader inconstant.»
À LIRE AUSSI – Thomas Tuchel, entraîneur en exil
En somme, chacun voit ce qu’il veut y voir. Antoine Kombouaré, Carlo Ancelotti, Laurent Blanc, Unai Emery et maintenant Thomas Tuchel ont tous gagné des titres avec le PSG, et tous ont fini cloué au pilori. Et au fil des années, on se retrouve épris de nostalgie. On se souvient du jeu proposé par Laurent Blanc ou de la constance d’Emery. «C’est propre au football de louer ce qui est parti et de critiquer ce qui est en place. Tuchel ne dérogera pas à la règle», conclut notre intervenant. Le temps bonifiera sûrement l’héritage de l’entraîneur allemand et fera retomber les émotions. Laissons-le agir, ce serait dommage de s’énerver à Noël.