Arrivé en janvier 2017, prêt à partir en juillet 2021. Avec Memphis Depay, l’amour dure 4 ans et demi. Libéré de son contrat dans quelques semaines, le Néerlandais jouera son dernier match au Groupama Stadium, ce dimanche contre Nice. L’occasion est trop belle pour la manquer. Il est donc temps de revenir, avec analyse et émotion, sur son passage à Lyon.
«C’est un beau roman, c’est une belle histoire», chantait Michel Fugain. Cette romance entre Memphis Depay et l’Olympique Lyonnais est en passe de s’achever, avec la fin du contrat du Néerlandais dans le club de Lyon, le 30 juin prochain. À ce jour, Memphis à l’OL, c’est 76 buts et 53 passes décisives en 177 matches, selon Transfermarkt. Voilà, c’est dit. Mais pour comprendre le numéro 10, il faut saisir l’essence du joueur, mais surtout de l’homme. Passionnelle, parfois conflictuelle, mais toujours très intense, la relation entre le joueur et son club a été unique. Comme toute histoire d’amour en fin de compte.
— Memphis Depay (@Memphis) May 17, 2021
Dans son quotidien, Memphis donne l’image d’un homme ambitieux, sûr de lui et théâtral. Lorsqu’il remplace les planches par les pelouses et qu’il se retrouve sous le feu des projecteurs et des caméras, Memphis ne change pas. Il reste ambitieux, sûr de lui et théâtral. Tantôt aimé pour ça, tantôt critiqué pour ça, il ne laisse pas indifférent. Même avant son arrivée dans le Rhône.
Une grande promesse au souffle court
Lors de la Coupe du monde 2014, le monde du foot découvre un jeune ailier néerlandais pas complexé pour un sous par cet événement grandiose. Une nouvelle saison pleine au PSV et c’est le grand Manchester United qui débourse 34 millions d’euros pour l’attirer. 18 mois d’échecs, de blessures et de malentendus plus tard, Memphis Depay débarque à Lyon en janvier 2017. Un peu à la surprise générale. «C’est la recrue qui lance la renaissance lyonnaise sur les mercatos, avec Florian Maurice qui prend de plus en plus de pouvoir, se rappelle Sofiane, consultant pour WinamaxFC. À l’époque, c’est un pari et une interrogation. Aller chercher un joueur qui a échoué dans un grand club, c’est très rare pour l’OL. C’est un coup spécial, qui ne ressemble pas trop au club.» Les supporters lyonnais sont, eux, impatients, à l’image de Yaman, abonné au virage Sud du Groupama Stadium : «Dès l’annonce des premières rumeurs, il y a eu un engouement qu’on n’avait pas vu à Lyon. On suivait ensuite le transfert en direct avec les trackers de vols, jusqu’à son arrivée à l’aéroport et sa photo avec Florian Maurice qui avait fait exploser les réseaux. C’était une grande promesse.»
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Mais dès ses premiers matches, l’excitation laisse d’une certaine manière place aux doutes. Souvent blessé ou écarté du 11 type avec MU, Memphis arrive à court de forme. «Il était à la traîne. Il n’avait aucune mobilité et explosivité», se souvient Yaman. Malgré cela, Bruno Génésio l’aligne régulièrement. Il joue 17 des 19 matches de la deuxième partie de saison lyonnaise (dont 13 comme titulaires), pour des stats honorables vu le contexte : 5 buts et 8 passes décisives. Ce but contre Toulouse laisse entrevoir le joueur particulier et audacieux que les supporters lyonnais ne tarderont pas à observer.
De l’ailier au maître à jouer
Au début de la saison 2017-2018, le Néerlandais arrive plus en forme. Il voit son couloir gauche libéré par le départ de Mathieu Valbuena, tandis que son association avec Nabil Fékir, Houssem Aouar et Tanguy Ndombélé commence à faire rêver du côté du Rhône. Pourtant, Memphis peine à réellement s’imposer dans son couloir. «Ce poste lui limite son champ d’action, analyse Yannis, chroniqueur au Club des 5 notamment. Dans l’axe, il a tout le terrain et toutes les options devant lui. Il sait très bien s’orienter sur la première touche de balle et il sait comment utiliser les appels de ses partenaires pour prendre l’espace balle au pied.»
Ronald Koeman ne s’y trompe pas. Il est le premier à lancer Memphis dans le cœur du jeu, avec les Pays-Bas, imité ensuite par Bruno Génésio qui l’installe dans l’attaque de son 4-3-1-2 pour finir la saison. Résultat ? 10 buts et 7 passes décisives sur les 9 derniers matches, pour mener l’OL au podium.
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Cette position axiale, Depay ne la quittera presque plus. Très créatif, doué pour donner la dernière passe, c’est sur un poste de faux 9/numéro 10 qu’il peut exploiter l’essentiel de ses qualités. Et devenir omnipotent dans le jeu lyonnais.
Aujourd’hui plus que jamais, tout passe par lui à Lyon. Son habileté à décrocher, à jouer dos au but, à être à l’initiative puis à la conclusion des occasions le rend plus important que jamais. C’est bien simple, en termes de xG et potentielles passes décisives, il détient le 5e meilleur total d’Europe, uniquement devancé par Messi, Haaland, Lewandowski et Lukaku. Pour ce qui est des passes clés données par match, seul Di Maria fait mieux que lui en Ligue 1 (2,7 contre 2,6). Devenu un meneur de jeu altruiste et un buteur craint, le joueur de 27 ans a bien évolué depuis son arrivée à Lyon.
Le roi des émotions
Et pourtant, tout ne fut pas rose pour le Oranje. Souvent mis sur le banc voire en tribune par Bruno Génésio pour le piquer, Memphis Depay sait réagir. Et soulever les cœurs lyonnais. «J’étais au stade, annonce un Yannis nostalgique. C’était un moment iconique, dans une ambiance de folie. Comme souvent à Lyon, c’est dans un grand match qu’il s’est illustré.» Ce grand match, c’est contre le PSG, en janvier 2018. Entré de cours de jeu, l’international hollandais (62 sélections, 23 buts) décroche un missile à la dernière seconde pour offrir la victoire à son club, dans un Groupama Stadium en feu (2-1).
Quelques mois plus tard, le stade Vélodrome était pris d’un froid glacial. À la 90e minute (encore) d’un match capital pour la course au podium, l’OM s’en sort avec un match nul qui lui convient à merveille. Mais c’est d’une très jolie tête lobée que Memphis offre la victoire à l’OL (3-2). «C’est un moment de bataille, de guerre. La tête, ce n’est pas son point fort, mais il nous offre la victoire au Vélodrome, chez notre concurrent direct. Sa célébration avec l’arcade ouverte, doigts sur les oreilles, c’est un moment Memphis Depay», déclare Yaman.
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Ce but lance le sprint final lyonnais pour aller chercher la qualification en Ligue des champions (27 points sur 30 possible). Mais à la dernière journée de cette saison haletante, rien n’est joué. Monaco, Lyon et Marseille se tiennent en trois points, loin derrière le PSG. Entre l’OL et le podium se dresse Nice, en course pour l’Europa League. Si le match démarre mal avec l’ouverture du score de Pléa, Memphis sort de sa boîte. «C’était en mode “bon les gars, laissez moi faire”, se rappelle Yaman, au stade ce jour-là. C’était la suite de la mission qu’il a commencée avec le PSG, qu’il a continuée à Marseille et sur toute la fin de saison.» Un triplé plus tard, il envoie l’Olympique Lyonnais en Ligue des champions (3-2) pour ponctuer ce qui est, peut-être, sa meilleure période à Lyon. «La qualification, il va la chercher à lui tout seul», résume Sofiane.
Et là, c’est le drame
Après une saison pleine où il termine meilleur buteur et passeur du club en championnat, Memphis reste à Lyon, bien décidé à briller. L’exercice 2018-2019 n’est mémorable pour personne et la saison 2019-2020 débute sur des chapeaux de roue pour lui. Mais le destin lui réserve un cadeau de Noël empoisonné.
Le 15 décembre 2019, après un début de saison brillant durant lequel il comble le vide laissé par le départ de Nabil Fékir, le numéro 10 de l’OL est touché au genou contre Rennes. «Il se bat toute la première mi-temps, mais au retour des vestiaires, il ne revient pas, raconte Yaman. On voit alors des rumeurs de blessures graves. On rafraîchit Twitter toutes les secondes et d’un seul coup, le communiqué de l’OL tombe pour annoncer la double rupture des ligaments croisés (ndlr : avec Jeff Reine-Adelaïde). C’est ma pire soirée de supporters de ces dernières années.» Cette blessure, c’est un tournant dans la carrière de Memphis.
Et pourtant, avec l’Euro 2020 en ligne de mire, le Néerlandais travaille d’arrache-pied et finit par revenir en des temps records, pour participer à l’épopée lisboète de l’OL jusqu’en demi-finale de Ligue des champions. Emprunté physiquement, il n’est que l’ombre de lui-même. Mais alors, quel Memphis allait-on retrouver à l’aube de la saison 2020-2021 ? Un grand.
«C’est l’homme clé du club. Même quand il n’est pas bon, il y a toujours un moment où il va créer quelque chose. Ce n’est pas pour rien que l’OL, malgré toutes ses lacunes, a pu croire au titre cette saison», note Yannis. Souvent, Memphis a donné le sentiment de prendre l’équipe sur son dos et d’aller chercher des points. Quitte à tomber dans une parodie de lui-même, il n’a jamais semblé renoncer. Contre Rennes deux fois (2-2 puis 1-0) ou Monaco (3-2), c’est lui qui lance la révolte lyonnaise dans des matches mal embarqués, malgré leur aspect décisif. «Pour sa dernière saison, il a rempli son contrat», poursuit Yannis. Yaman va même plus loin : «Il a pris l’habitude de porter l’équipe pour aller gagner des matches. Et pourtant il revient des croisés, mais ça ne se voit pas.»
Memphis Depay devient le 1er joueur de l'@OL à avoir atteint la barre des 20 buts et des 10 passes décisives lors d'une même saison en @Ligue1UberEats sous @JM_Aulas #NOOL
— Stats Foot (@Statsdufoot) May 16, 2021
En quatre ans et demi à Lyon, Memphis Depay est passé d’un ailier gauche connu pour sa panoplie technique à un véritable maître à jouer altruiste et létal devant le but. En quatre ans et demi à Lyon, Memphis Depay est aussi passé d’un gamin frustrant à un homme que l’on est prêt à suivre où qu’il aille. Mais ça, vous le verrez demain, dans la deuxième partie de cet article.
Crédit photo : Icon Sport