En Europe, chaque année, tous les sports se battent pour le titre de discipline la plus prisée, la plus regardée, et à la fin, c’est toujours le football qui gagne. Étendons même la compétition au niveau mondial et nous retrouvons aussi la même donne. Le football est et reste le sport le plus populaire du monde. Mais alors que l’ère du digital est à son apogée, alors que l’on mange du football à longueur de journée, partout, tout le temps, ne risque t-on pas de perdre le goût du sport roi ? Analyse.
La France est au sommet du sport le plus populaire du monde. Oui messieurs dames, 2018 aura été l’occasion pour l’Hexagone de se démarquer positivement à l’échelle mondiale en remportant l’une des plus prestigieuses compétitions sportives existantes : la Coupe du Monde de football. Pourtant, même au sein de notre pays, le football n’a semble t-il jamais été proche de lasser ses plus grands adeptes. Plusieurs raisons à cela :
- La banalisation de l’événement. Avant, à une époque lointaine où tous les matchs n’étaient pas diffusés, décortiqués, analysés et rediffusés, le match de football était un événement prisé. Qu’il soit télévisé ou non, il était l’occasion d’observer un spectacle pas encore banalisé. Aujourd’hui, avec la multitude de chaines, d’émissions, il est possible pour un passionné d’enchaîner des matchs toute la journée, quasiment 24/7. Est-ce véritablement une avancée ?
- Le prisme du jour J. Qui dit hyper-médiatisation et multitude de programmes dit obligation de juger sur l’instant pour les médias et les passionnés, et obligation de réagir à l’instantanéité du moment pour les acteurs. Où est l’émotion là-dedans ? Où sont les débats passionnés, sans orientation conjoncturelle ? Le cynisme lié à ce côté « résultadista », transmis chez les plus jeunes par l’avènement des réseaux sociaux, est sans doute l’une des métastases les plus dangereuses du football mondial.
- Le coût de l’amour footballistique en augmentation exponentielle. Abonnements, maillots, chaines télévisées, tout est fait pour que l’amoureux du ballon crache une moitié de SMIC pour vivre sa passion au plus près.
- L’écart de plus en plus important entre les acteurs et les fans. Qu’on ne s’y trompe pas, malgré la bonne gestion de leurs réseaux sociaux, les footballeurs n’ont jamais été autant coupés du monde, des réalités, et de leurs fans. Et quand on corrèle ce point à celui du dessus, la grogne a de quoi être compréhensible.
- La baisse globale du niveau médian des joueurs.
- Le manque de superstars attachantes.
- La sauce dans laquelle se sont mises de nombreuses équipes populaires par incompétence, erreurs de politique sportive ou simple auto-satisfaction/manque d’ambitions (Marseille, Man.United, le Real, le Milan …)
- Le manque de suspense dans de nombreux grands championnats. Allez demander si les supporters parisiens ou juventini vibrent chaque week-end. Sans parler des spectateurs lambdas qui voudraient bien voir du suspense, des belles histoires, du romanesque …
- La victoire en Coupe du Monde comme fin d’un chapitre (ou d’un livre). 20 ans après, c’était le moment de ramener la coupe à la maison. Cette coupe que toute une génération, biberonnée devant le coup de boule de Zizou, et qui a grandi avec le drame de Knysna et le poteau de Gignac, attendait. Enfin, elle est de retour. Et même si le football de sélection n’offre pas toujours les mêmes sensations que le football de club, le parcours des Bleus en Russie aura rassemblé tout un pays et enclenché une rare frénésie collective. Et comme après chaque grand moment de la vie, le contre-coup est toujours délicat.
- *Insérez ici vos propres idées et vos propres arguments de mécontentement*
Les raisons ne manquent pas quant à la possibilité pour le fan de se sentir trahi par son sport et ses acteurs. Alors la question se pose, n’y a t-il pas la place pour qu’un autre sport ne vienne chiper la couronne au sport roi ?
Difficile de répondre tant le football offre encore aujourd’hui des alternatives à ses aficionados. Les fans qui n’aiment pas le mainstream pourront se gaver de championnats « obscurs » ou de divisions inférieures. Certains outils bien sympas permettent d’avoir toutes les chaines pour un prix raisonnable. Les fans qui ne trouvent plus de gloire à la hauteur de leur amour pour ce sport pourront toujours piocher dans les innombrables stars que le monde du football a connues ces 50 dernières années et (re)découvrir l’histoire de la discipline …
Mais la question demeure quant au niveau, quant au retour sur investissement des passionnés. Est ce qu’aujourd’hui un club peut rendre l’amour qu’un supporter lui donne ? Est-ce que les fameuses « fan experience » ne doivent pas être repensées pour non plus mettre le supporter au centre d’un événement marketing mais mettre l’institution au cœur d’un projet humain et partagé par toute une communauté adhérente ?
En France, depuis la fin de la Coupe du Monde, la tendance est au gavage. Les sites d’information footballistique voient leurs statistiques baisser et rien ne dit que 2019 sera un cru assez bon pour redresser la barre. Surtout si la fracture « amoureux/acteurs » se confirme..
Le football a cette chance qu’aujourd’hui, aucun sport ne dispose d’une fanbase assez puissante pour inonder les ondes et voir la hiérarchie se bouleverser. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le désamour du football est réel, et il en va à chacun de prendre conscience et de s’y atteler. Car personne n’aimerait vivre dans un monde où les rugbymans sont rois.