En dépassant lundi David Trezeguet grâce à son but contre l’Islande, Olivier Giroud est devenu le troisième meilleur buteur de l’histoire de l’Équipe de France de football. Souvent décisif sous le maillot bleu, pièce maîtresse du système de Didier Deschamps, l’attaquant de Chelsea est aussi la cible récurrente de critiques et railleries à son égard. Quel souvenir laissera-t-il dans la tête des supporters français ? Celui, comme ses statistiques l’affirment, d’un grand attaquant, ou celui, d’après ses détracteurs, d’un joueur qui a fini bien plus haut qu’il n’aurait dû ?
Des humbles débuts à la révélation montpelliéraine
Il a tout d’abord repris un centre de Blaise Matuidi vendredi dernier pour inscrire le troisième but des siens en Moldavie. À cette occasion, il est venu égaliser le total de David Trezeguet avec 34 buts en Équipe de France. Puis, contre l’Islande, en reprenant de la cuisse un nouveau centre, de Pavard cette fois-ci, Olivier Giroud a inscrit son 35ème but en bleu. Seul troisième du classement des meilleurs buteurs de l’histoire de l’Équipe de France, le natif de Chambéry écrit sa propre histoire. Celle d’un joueur initialement pas destiné aux sommets, avec désormais Michel Platini et Thierry Henry dans la ligne de mire. Après avoir déjà dépassé Trezeguet donc, mais aussi Zidane, Papin ou Fontaine.
Formé au Grenoble Foot 38, dans sa région natale, Giroud n’était pas destiné à frôler les étoiles, à côtoyer le top niveau. Il passe pro à 19 ans, en 2005, mais peine à s’imposer à Grenoble. Ça sera donc dans les divisions inférieures qu’il faudra faire ses preuves. Un prêt à Istres, puis un transfert à Tours lui permettent d’engranger expérience et buts. Sûrement trop bon pour les strates basses du football français, Olivier Giroud signe à Montpellier en 2010. C’est à ce moment que le « conte de fée » commence pour « Oliv’ ». Une saison honnête en Ligue 1, puis, la révélation. Son MHSC, porté en grande partie par le duo qu’il forme avec Younes Belhanda, surprend tout le monde. Champion de France au nez et à la barbe du PSG version QSI, le grand public n’a plus d’autre choix que de se souvenir du nom d’Olivier Giroud. Il en profite même pour glaner le titre de meilleur buteur du championnat avec 21 pions. Cette même saison, après notamment deux triplés, Giroud fait ses débuts en équipe de France.
Dans une équipe comptant Karim Benzema dans ses rangs, rares sont ceux qui voient le joueur montpelliérain s’imposer comme un incontournable. Malgré cela, son profil le différencie de son compatriote du Real Madrid. Du haut de son mètre 93, « Oliv’ » est une tour de contrôle. Il compense son manque d’explosivité par un sens du but remarquable et un timing toujours impeccable. Du voyage pour l’Euro 2012, le souvenir n’est pas impérissable tant les Bleus ont fait pâle figure au moment d’affronter les tenants du titre espagnols en 1/4.
Au bon endroit au bon moment
C’est pourtant l’Euro 2012 qui va changer le destin du chambérien avec son équipe nationale. Ou du moins les conséquences de cette compétition. Après l’insipide élimination, Laurent Blanc est remplacé à la tête du groupe par un autre champion du monde 98, Didier Deschamps. La « Dèche » va faire de Giroud un incontournable, et s’appuyer sur lui pour mettre en place ses principes de jeu. Dans l’Équipe de France version « DD », l’attaquant, nouveau joueur d’Arsenal, va être le pivot des Bleus. Son physique va être utilisé dans un premier temps afin de porter une menace continuelle dans la surface de réparation adverse. Mais également pour permettre à d’autres joueurs, plus vifs et adroits ballon au pied, de graviter autour de lui et de jouer d’une manière plus libre sur le devant de l’attaque.
Entouré année après année de joueurs de grande qualité, Giroud va se mettre en lumière en étant aussi décisif que possible. Grâce à sa taille et son sens du placement, il aide les Bleus à se sortir de plusieurs situations compliquées, notamment face à des équipes de niveau inférieur, qui évoluent avec un bloc défensif bas et regroupé. Les éliminatoires et les amicaux sont son terrain de jeu. Et même quand il joue moins avec Arsenal, Deschamps lui témoigne une confiance infaillible, permettant à l’avant-centre de se relancer à maintes reprises.
Après la Coupe du Monde 2014, et alors qu’il partageait jusque là le front de l’attaque avec Benzema, Giroud se retrouve comme étant le seul buteur de formation dans le noyau dur de joueurs de Deschamps. L’affaire de la sex-tape de Mathieu Valbuena ayant eu raison de la carrière internationale de KB9, « Oliv’ » se retrouve pris au milieu d’interminables débats sur l’animation offensive des Bleus, déviant très (trop) souvent vers le communautarisme. Jugé intrinsèquement moins bon que Benzema, il devient la tête de turc des fans de l’attaquant du Real Madrid. Les railleries sont fréquentes, tout comme les sous-entendus disant que performer au plus haut niveau avec Giroud et sans Benzema serait presque criminel. Malgré tout, l’Équipe de France n’est pas à la peine.
Après 2 années pré-Euro 2016 à jouer des matchs amicaux, les Bleus se hissent jusqu’en finale de « leur » Euro, manquant le titre de peu. Deux ans plus tard, comme tout le monde le sait, ces mêmes Bleus (à quelques exceptions près), viennent remporter le Mondial. Tout cela avec Olivier Giroud comme avant-centre titulaire. Suffisant pour faire taire les critiques, pourrait-on penser. Ce ne sera pas le cas. Momo Henni s’en est donné à cœur-joie tout l’été avec ses « Allez Gi-Gi, allez Rou-Rou, allez Giroud !! » et les critiques habituelles se sont focalisées sur le manque d’efficacité du chambérien durant les compétitions internationales.
Un point important, tant il n’a jamais surnagé, que cela soit pendant l’Euro ou la Coupe du Monde. Plus effacé qu’à son habitude, Giroud n’a su se montrer qu’épisodiquement. Un constat qui ne prend par contre pas en compte l’aspect vital du buteur qui joue aujourd’hui à Chelsea dans le système mis en place par Deschamps. Antoine Griezmann et Kylian M’bappé auraient-ils pu autant se montrer cet été si « Oliv’ » n’était pas là pour peser sur les défenses, attirer les défenseurs avec lui et créer des espaces ? Rien n’est moins sûr…
Avec deux buts en deux matchs éliminatoires pour l’Euro 2020, Olivier Giroud n’est plus qu’à 6 longueurs de Michel Platini et pourrait d’ici à sa retraite internationale dépasser son illustre aîné. La question de sa légitimité à se retrouver au milieu de grands joueurs tels que Platini donc, mais aussi Zidane, Henry ou Trezeguet, se pose. Il semble difficile de croire que Giroud pourrait un jour se positionner au même niveau que ces joueurs légendaires pour la plupart en terme d’accomplissements. Sa carrière, plus proche de la fin que du début, ne sera jamais celle d’un Thierry Henry par exemple.
Pour autant, Giroud semble mériter la place qu’il a aujourd’hui. Il est arrivé là où il en est aujourd’hui sans jamais tricher, en donnant au quotidien le meilleur de lui-même. Il s’est imposé comme le buteur de cette décennie chez les Bleus, celui qui aura été de toutes les aventures de l’ère Deschamps. Son profil, différent de celui de ses concurrents, lui aura permis de s’imposer à un niveau où on ne l’attendait pas, celui de titulaire d’une équipe championne du monde, et cela, on ne pourra jamais lui enlever…
Crédit photo: FRANCK FIFE / AFP