Pjanic – Arthur : Barça et Juventus, à qui profite le deal ?

C’est désormais officiel, Miralem Pjanic va rejoindre le FC Barcelone. Quant à Arthur, il fera le chemin inverse en direction de la Juventus au mois d’août. Une transaction qui, bien que dans les tuyaux depuis plusieurs mois, laisse encore sans voix beaucoup d’observateurs, notamment côté blaugrana. Logique, la motivation sportive de l’opération semblant très relative, poussant à s’interroger sur le bénéfice qu’en tireront les clubs et les joueurs sur ce plan. Car oui, c’est surtout l’aspect financier qui a primé dans ce dossier. Mais alors à quelle fin ?

Les rumeurs comme les réactions auront eu le temps de se multiplier au cours du dernier mois écoulé. L’incompréhension, la surprise à la vue des noms évoqués. Certains auraient préféré croire à une mauvaise blague ou à une exigence de la Juventus qui ne lui serait jamais accordée par Barcelone. Puis à mesure que le dossier avançait, plus de doutes : Arthur est poussé dehors par sa direction et le projet semble satisfaire les deux clubs.

Ma question préférée : qu’est-ce qu’ils vont faire de tout cet oseille ?

Si les chiffres de l’opération ont semblé ridiculement élevés, ils viennent en fait expliquer son existence même. Miralem Pjanic rallie la Catalogne pour 60 millions d’euros auxquels s’ajouteront potentiellement 5 autres millions de bonus divers. Arthur, lui, file à la Juventus contre 72 millions, plus 10 autres éventuels. Somme à laquelle il faudra déduire 2,5 millions en ce qui concerne le Barça, cette partie étant destinée à l’ancien club du joueur, le Grêmio de Porto Alegre.

Des chiffres déraisonnablement grands malgré la qualité des deux joueurs. Mais c’est bien là tout l’intérêt de la chose. En faisant une telle surévaluation, les deux clubs ont la possibilité d’arrondir selon leur bon vouloir leurs bilans pour la saison en cours, lesquels se clôturent ce mardi 30 juin. Explication : un joueur étant considéré comme un actif pour son club (comprenez « entreprise »), la somme de la vente sera notée comme directement acquise dans le bilan, bien qu’en réalité, elle ne sera réglée qu’en plusieurs fois, autant que le nombre d’années couvertes par le contrat du joueur.

À l’inverse, la dépense, elle, sera bien enregistrée comme partielle. Là, vous devez commencer à comprendre où tout cela mène. Côté Juve, on enregistre une rentrée d’argent de 60M€, bien que seuls 15 millions arriveront en réalité dans un premier temps, puisque le contrat de Pjanic au Barça court sur quatre ans. En retour, elle enregistrera une première dépense d’environ 14 millions (le contrat d’Arthur porte sur cinq ans). De quoi créer de belles marges sur le papier, sans même prendre en compte la plus-value réalisée par les clubs sur les joueurs de leur côté.

Un pur jeu d’écriture qui permet possiblement d’achever la saison avec un bilan présentant des bénéfices. La Juventus est désormais coutumière du fait, elle qui avait réalisé une opération similaire avec l’échange Cancelo-Danilo l’an dernier. Mais comment le Barça se retrouve-t-il à devoir composer avec de telles méthodes, alors que le club est l’un de ceux qui bénéficie des plus grosses entrées d’argent d’autres sources que les droits TV et revenus des compétitions ? La réponse se trouve en partie dans la crise liée au coronavirus, comme pour beaucoup d’autres. En partie seulement.

Une élection en question

En effet, les gros bénéfices du club barcelonais lui ont permis de se sortir de la période COVID-19 malgré les problèmes liés à la baisse tardive des salaires ou de l’absence de paiement des droits télés. En revanche, un trou estimé à 150M€ subsiste. Pas un énorme danger direct pour le FCB qui a, sous la présidence de Bartomeu, multiplié les prêts pour des montants similaires afin d’éponger au mieux sa dette.

Mais problème pour l’homme à la tête de l’institution : les élections à venir. Déjà pris dans un conflit ouvert avec les joueurs, la présentation d’un bilan pareil pour la saison juste avant les élections pour la présidence en 2021 serait un sacré coup dur. Pire encore, si trou dans la caisse il devait subsister, ce serait en théorie à lui-même ainsi qu’à son conseil d’administration de combler le manque de leur poche. C’est ainsi que prévoit le fonctionnement d’un club appartenant aux socios comme le Barça.

Bien sûr, hors de question pour JMB et sa bande d’en arriver à de telles extrémités. Aussi, il faut bien trouver l’argent quelque part et la source est toute trouvée : les transferts. Et entre les Dembélé et Coutinho ne trouvant pas preneur, les Umtiti, Firpo ou Rakitic vissés au club ou pas assez rentables, la solution préférentielle est vite devenue Arthur. Pas spécialement essentiel à l’effectif, à l’ancrage dans le vestiaire encore fragile avec une valeur marchande élevée. C’est donc très tôt, dès l’hiver dernier, que le Barça s’est mis en quête d’un partenaire pour faire affaire. La Juventus a répondu à l’appel, et a commencé à échanger des capitaux à l’occasion de l’échange entre les jeunes Matheus Pereira et Alejandro Marques.

Bartomeu va donc pouvoir réduire les pertes des derniers mois et arriver un peu plus sereinement aux élections, si tant est que cela soit possible. À dire vrai, la fin de saison catalane sur les terrains pourrait s’avérer déterminante malgré l’image désastreuse donnée depuis plusieurs mois par le président en poste. Mais malgré tout, pour rappel, ses déboires judiciaires liés aux fraudes sur le transfert de Neymar n’avaient pas pesé bien lourd face au brillant triplé des hommes de Luis Enrique, lui assurant une élection confortable. Sauf que cette fois, le Barça n’est que second de Liga, encore loin d’être en quarts de C1, et brisé de l’intérieur.

Le football veut sa commission

Comme déjà décriés un peu partout, les problèmes financiers ont été les principaux motivateurs de cet échange. Et malheureusement, on aurait aimé que ce soit moins le cas concernant le passage de joueurs entre deux clubs aussi grands que la Juve et le Barça. Principaux concernés, Pjanic et Arthur voient leurs carrières respectives prendre un tournant majeur, mais là encore, il sera difficile de ne pas parler de gros sous à un moment où à un autre.

Le Brésilien, annoncé comme étant opposé à l’idée de quitter la Catalogne voit donc l’avenir en grand qui lui était promis se délocaliser à Turin. La Juve voit donc débarquer un joueur a qui était promis l’avenir de l’entrejeu délaissé par la génération dorée de la Masia, mais ayant encore tout à prouver au très haut niveau. En revanche, à long terme, il est facile d’imaginer que les Bianconeri y gagneront, que ce soit par l’explosion d’un profil dont ils avaient bien besoin, soit par une belle revente en cas d’échec.

Le cas de Pjanic se trouve être bien différent, puisqu’il quitte Turin avec le statut de top joueur mondial, certes émoussé par des années de surexploitation et d’absence de concurrence comme de remplaçant, mais collant plutôt bien à l’idée de jeu prônée au Barça. Une nouvelle tunique prestigieuse sera donc endossée par le Bosnien, même si il est sans doute difficile de dire comment il sera intégré au groupe catalan. Si une place de titulaire avec Busquets et De Jong l’attend certainement, on ne peut pas dire qu’un tel trio brillerait vraiment par sa complémentarité de prime abord.

Enfin, le Barça, en plus de cette utilisation qui donnera bien des maux de tête au staff technique, devra répondre aux problématiques à long terme de l’opération, sportives et économiques. Si Pjanic est un joueur confirmé avec plusieurs belles années encore devant lui, il vient se greffer à la longue liste de trentenaire peuplant l’effectif, avec de surcroît un salaire lourd de près de 8 millions d’euros. De quoi constituer un nouveau frein à l’intégration des jeunes comme Riqui Puig, chose déjà problématique depuis le début de l’ère Bartomeu.

Au final s’il fallait désigner des gagnants, il serait assez juste de dire tous, ou presque. La Juventus évacue un joueur avec un gros salaire, qui malgré toute sa qualité semble avoir fait son temps habituel de presque cinq ans très satisfaisants dans son club. En récupérant au passage un type de joueur qui, même s’il présente moins de garanties dans l’immédiat, ne pourra pas être un échec sportif et financier à la fois et a encore de grandes chances de révéler un très grand niveau. Une bien belle opération quand on sait la marge de manoeuvre plutôt limitée de Fabio Paratici comparé aux nombreux manques de l’effectif turinois.

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Pjanic, lui, va pouvoir passer à une nouvelle phase, se renouveler dans un top club après avoir sans doute atteint le bout du chemin en Italie. Arthur, malgré la déception de ne pas avoir pu concrétiser le rêve de prendre la succession directe de Xavi et Iniesta, échappe à un contexte qui l’aurait sans doute rattrapé à un moment où à un autre dans cette quête, tout en doublant son salaire, de 2,5 à 5 millions d’euros par an.

Quant au Barça, difficile de dire qu’il y gagne quoi que ce soit, hormis le rendement sportif à court terme de Pjanic. Car celui qui bénéficiera en premier de l’opération, c’est Josep Maria Bartomeu. Un pari sportif qui n’a rien de risqué, voire présente un avantage en faveur du Barça sur la période allant d’aujourd’hui aux élections à venir, avec bien sûr un chèque qui peut en partie lui sauver la mise en prime. Mais le club lui, y gagne surtout un nouveau poids dans la balance d’une masse salariale au bord de l’implosion. Et même si Bartomeu devait perdre la présidence, son successeur ne récupèrerait qu’un chantier financier insondable caché derrière une belle façade.

Crédit photo : Spi / Icon Sport

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