Interview Jonatan MacHardy (1/2) : « Pour moi, Rudi Garcia c’est Michel 2.0 »

Présent les week-ends pour balancer des avis violents comme un crochet du droit d’El Macho Monzon, Jonatan MacHardy fait aujourd’hui partie du paysage de l’émission « After Foot » sur RMC. Autant apprécié pour son franc-parler que détesté pour son assurance, il déchaîne les passions chez les Afteristas. Interview d’un des consultants les plus méconnus mais aussi les plus intéréssants du journalisme-jeu.

Bonjour Jonatan, on t’entend de plus en plus souvent dans l’After foot notamment le week-end avec Ali Benarbia, François Manardo et Gautreau entre autres, raconte-nous un peu ton parcours avant de débarquer dans l’after.

Les premiers contacts ont eu lieu quand je terminais mes études. Je revenais d’un voyage à Buenos Aires pour mon mémoire de fin d’études. J’ai eu un master de relations internationales et communication politique. Je décide de prendre le sujet « la manière dont le superclassico Boca-River fractionne la dynamique sociale de Buenos Aires ». Je rentre en contact avec RMC pour avoir quelques avis et rapidement je me rends compte qu’il n’y a pas grand monde qui suit le football argentin. Une année passe et quand je veux finir mon master de communication politique, je prends comme sujet « la communication de Raymond Domenech durant l’Euro 2008 », je recontacte pour avoir des entretiens et j’ai rencontré Daniel Riolo par ce biais et on a gardé contact comme ça. Pour la Coupe du Monde 2010, RMC n’avait personne pour suivre l’Argentine et on m’a proposé de couvrir l’Albiceleste, et c’est comme ça que j’ai integré l’équipe RMC.

Dans ta bio, la première chose qu’on lit c’est que tu suis l’Amérique du Sud et que tu es un amoureux de l’Argentine et de Boca. Tu entretiens quel lien avec ce continent et ce pays?

Ma fascination pour l’Argentine n’a rien à voir avec le football. Le sport que je pratique depuis mes 6 ans, c’est la boxe. J’ai beau être un amateur de foot, mon idole a toujours été Carlos Monzon. J’ai toujours été un grand fan de lui, mon idole de jeunesse, mon super-héros n’était pas un footballeur, c’était ce boxeur. Je ne l’ai jamais vu boxer évidemment, j’étais trop jeune, mais mon grand-père et mon père m’ont parlé de lui. Des tonnes de cassettes, d’histoires et d’anecdotes. Mon premier entraîneur de boxe me parlait de lui, j’ai une vraie fascination pour Monzon et son destin tragique. Dès que j’ai eu l’occasion, grâce à mes études, d’aller en Argentine, ça me semblait comme une évidence de découvrir le pays et de sparrer avec des boxeurs locaux.

Et puis quand j’ai découvert les ambiances des tribunes sur place, j’ai eu l’impression de redécouvrir ce que c’était que d’aller au stade. La passion qui se dégageait, la ferveur, la manière dont les gens se réunissent, ça m’a vraiment touché. J’ai pu faire les stades de Boca, River, Newells, Central, Velez, San Lo, Belgrano… Dès que j’ai l’opportunité d’aller en Argentine j’y vais. C’est un pays vraiment fascinant. Buenos Aires c’est une ville extraordinaire parce qu’elle conjugue le charme de l’Amérique latine avec le classicisme européen. Le reste du pays est aussi à faire ; c’est une destination que je conseille à tout le monde et pas qu’aux fans de foot.

Est-ce que bosser dans un pays aussi fermé et étroit d’esprit que la France n’est pas un peu handicapant quand on est spécialiste sud-am ?

Oh oui bien sur, il y a très peu de médias majeurs qui suivent l’actualité du championnat argentin. T’en as beaucoup qui font du très bon travail, et je salue leur travail. Je pense que plus les gens parlent de ces championnats dont on a pas l’habitude de parler, que ce soit Chili, Argentine, Afrique, Asie, USA, et mieux ça ira. Ça ne peut faire que du bien d’élargir la culture football de notre pays, qui est assez centré sur lui même. Si le recrutement des joueurs en L1 est aussi stéréotypé, même si il y a du mieux cette année, c’est parce qu’on n’est pas assez ouvert sur le reste du monde. Tout cela se traduit par une fermeture et par un niveau de football qui devient prévisible.

Tu penses quoi du corporatisme en France et plus particulièrement du traitement qu’a pu subir Marcelo Bielsa lors de son passage à l’OM ?

Forcément j’ai été choqué par le traitement dont a été victime Marcelo Bielsa, on avait l’impression que c’était devenu le sport national des consultants que de cracher sur lui. Ce qui m’a le plus énervé, c’est que toutes les personnes qui ont mal parlé de lui ont fait comme si elles connaissaient tout de lui alors qu’elles ne connaissaient RIEN DU TOUT. Je pense que pour comprendre, appréhender, expliquer, analyser le travail d’un homme aussi complexe, il faut au moins savoir d’où il vient et quel est son backgroung. J’ai pas la prétention de le connaître mieux que les autres, mais j’ai admiré son travail à Newell’s, avec la sélection argentine et chilienne. J’ai le mérite de savoir quelle était sa tactique, sa personnalité et à partir de là, c’est beaucoup plus simple de comprendre le personnage, de comprendre ce qu’il a essayé de mettre en place sur le terrain. Si tous les autres consultants avaient fait ce travail préparatoire, leurs avis auraient certainement été différents. Se limiter à « Marcelo Bielsa  est un taré, il est pas fiable etc », c’est d’une malhonnêteté intellectuelle notable, point.

Durant sa saison à l’OM, on l’a vu changer de schéma plusieurs fois, renier certains de ses principes ; c’est un entraîneur extrêmement intelligent et qui est le meilleur entraîneur en activité pour moi. Mais le vrai problème, c’est que les médias veulent des matchs intéressants, pour que les gens regardent, en parlent et pour que nous, on fasse de l’audience. Et pour ça, Bielsa était une bénédiction. C’était vraiment cracher dans la soupe parce qu’il t’amène du spectacle toutes les semaines. C’était un manque de respect pour un mec intègre, droit, un génie de sa profession, et surtout envers eux-mêmes. Et de plus, on lui reproche son bilan à la fin de sa saison à l’OM, mais il termine 4ème, il ramène la ferveur au stade et il a permis à l’OM de rester à flot financièrement parlant.

Faut pas oublier qu’il t’a valorisé un mec moyen comme Lemina que tu vends à la Juventus le double de ce que tu l’as payé, Imbula 20 millions, même Djadjedje a trouvé un point de chute. Quand des Simeone, Veron, Guardiola lui dressent des louanges, je préfère être de leur côté que de celui des consultants. On fait la même erreur avec Emery. Dès que ça vient de l’étranger, on devient malhonnête. Quand on essaye d’analyser une situation, un recrutement, un match, les politiques institutionnelles qu’ont les clubs, il faut rester un minimum objectif et j’ai l’impression que dès qu’il s’agit d’un étranger, il y a cette espèce de corporatisme qui influe sur le raisonnement.

La twittosphere s’était insurgée lorsque tu as défendu la cause de Pep Genesio. Tu ne t’es pas tellement expliqué depuis, que penses tu de l’entraîneur lyonnais ?

Ah je vais enfin pouvoir me justifier ! Mais c’est la magie des réseaux sociaux ça.  Pour recontextualiser, c’est après un match contre Montpellier où Genesio propose une équipe en 3-5-2, c’est la première fois qu’il propose ça en L1 et on trouve pas ça dégueulasse dans l’After (la première sortie du 3-5-2 était 3 jours avant contre Zagreb). Il y avait beaucoup de points positifs après ce match, notamment défensivement. Je trouvais ce changement intéressant tactiquement, le problème c’est que ce système, il faut le bosser, et à Lyon, ils ont arrêté de le bosser.

Ça s’est vu qu’ils ne l’ont pas suffisamment travaillé aux entraînements dans la durée, les autres sorties ont été un désastre. Je n’ai jamais dit que Génésio était un grand entraîneur, je n’ai jamais dit que c’était un grand tacticien, j’ai juste dit que j’avais trouvé son équipe intéressante et qu’il en a encore sous la semelle. Ce qui voulait dire que si il voulait imposer ce 3-5-2 et qu’il continuait de le bosser de semaine en semaine, je pense qu’avec les joueurs qu’il a, ça pouvait très bien marcher.  Il avait les joueurs pour imposer ce schéma, Morel qui connaissait le schéma, Mammana, Nkoulou, les latéraux qui sont plus des contre-attaquants que des défenseurs comme Rybus ou Rafael. Il avait le matos au milieu avec Darder, Tolisso et Fekir derrière les deux attaquants. Après il a pas bossé cela, maintenant on peut lui taper sur les doigts et dire qu’il fait de la merde mais je n’ai JAMAIS été fan de Genesio, c’était juste ponctuel sur un match.

À contrario, tu ne portes pas Rudi Garcia dans ton cœur et tu penses même que c’est une supercherie. Tu lui reproches quoi ?

Pour moi Rudi Garcia, c’est Michel 2.0. C’est à dire qu’il parle beaucoup, il se vend bien, il se vante bien, mais quand il perd, c’est jamais de sa faute, il se trouve toujours des excuses. C’est quelqu’un qui aime bien se mettre en avant et être la star de l’équipe, notamment à la Roma ou sur son compte Twitter, c’était tout et n’importe quoi. Pour ma part, j’essaye d’analyser en étant le plus objectif possible. Il arrive à Lille, c’est super ce qu’il fait, l’équipe joue bien, il est champion, il a des résultats avec des joueurs qu’il n’a pas choisi, on peut rien lui reprocher.

A la Roma, on retient quoi ? Son super début de saison, record de points de l’histoire du club, il est certes distancé par la Juventus mais c’est prometteur. La saison d’après, le recrutement qu’il fait lui est catastrophique. A la fin de son passage, les supporters n’en pouvaient plus, c’était devenu le pleurnicheur de service.  Pour moi, ça reste un « bon » entraîneur, c’est pas un tocard non plus attention mais il n’a pas la mentalité d’un grand entraîneur. Depuis son arrivée à l’Olympique de Marseille, il y a des incohérences tactiques criantes. Le match aller contre Monaco, c’était un scandale, c’est pareil contre le PSG au retour. Il a un potentiel pétage de boulon très fort, dès qu’il se sent en confiance, il peut péter une durite. Il n’a pas l’air de supporter la pression,  ce n’est pas l’entraîneur qu’il faut à l’OM, c’est pas en termes de qualité mais surtout en termes de personnalité que ce n’est pas compatible.

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Crédits photos :  PikoPress

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»