[Tactique] Peter Bosz, le nouveau général de Dortmund

Alors que Thomas Tuchel a été évincé par les dirigeants du Borussia Dortmund, les Jaune et Noir n’avaient pas le choix pour son successeur : il fallait quelqu’un d’ambitieux et de reconnu pour faire oublier cette affaire. Premièrement, le club a décidé de se tourner vers Lucien Favre, ancien candidat lors du départ de Klopp. Les négociations étaient excellentes entre l’entraîneur helvète et Dortmund (accord trouvé entre les deux parties), mais ce n’était pas le cas avec Nice. Ils ont décidé de ne pas le lâcher vu la saison qu’il avait effectué et le futur du club (3e tour de la Ligue des Champions). Du coup, le club de la Rhur avait une marge de manœuvre réduite et un seul candidat crédible pouvait prétendre au poste : Peter Bosz.

L’ancien entraîneur de l’Ajax Amsterdam a pu se faire remarquer cette saison avec une équipe basée sur des idées offensives, le tout couronné par des résultats plus que satisfaisant. Il arrive surtout à amener l’institution néerlandaise en finale de la Ligue Europa, 22 ans que le club n’avait pas atteint ce stade dans une compétition européenne (finale contre la Juventus en LDC perdue aux TAB).

Ambitieuse, avec une philosophie offensive respectée depuis des années, la relation entre Dortmund et Peter Bosz était la meilleure possible pour les deux parties.

La saison n’a même pas débutée que le club n’a pas à être déçu de son choix.

Une légion à sa disposition

Arrivé le 6 juin 2017, Peter Bosz arrive dans une équipe où ce n’est pas un effectif qu’il l’attend pour la reprise, mais plutôt une armée.

L’effectif de Bosz lors de son arrivée au club

Composé de 34 joueurs, le club de Watzke a enregistré plusieurs arrivées avant l’arrivée de son nouveau coach : Toprak (en provenance de Leverkusen pour 12M€), Dahoud (en provenance de Monchenglabach pour 12M€), Zagadou (en provenance de Paris gratuitement) et Philipp (en provenance de Fribourg pour 20M€).

Déjà assez garni la saison dernière, l’entraîneur néerlandais a l’embarras du choix pour le choix de ses joueurs. Mais au cours de cette préparation, le club a montré à son nouvel entraîneur ses ambitions avec la gestion de plusieurs cas.

Premièrement, la densité de l’effectif. Malgré une nouvelle chance donnée à chaque joueur avec cette arrivée sur le banc, certains ont dû faire leurs valises pour gagner du temps de jeu ailleurs ou alors pour avoir une nouvelle expérience.

C’est le cas de Ginter, ancien couteau suisse sous Tuchel, qui a été transféré à Monchenglabach dès son retour de la Coupe des confédérations, pour 17M€.

Un autre joueur, et pas des moindres, a été contraint de quitter le Westfalenstadion : c’est Sven Bender. Ancien taulier de l’ère Klopp, l’international allemand de 28 ans n’a pas réussi à garder une régularité sous les ordres Tuchel que ce soit en terme de performance ou de condition physique. De ce fait, il a décidé de se diriger vers le Bayer Leverkusen pour 15M€ et de former un futur duo au milieu (ou en défense) avec son frère jumeau Lars.

Concernant les prêts, un jeune espoir du centre de formation est parti du côté de Stuttgart pour gagner du temps de jeu, Dzenis Burnic tandis que Mikel Merino s’est envolé du côté de Newcastle pour travailler avec son compère espagnol : Rafael Benitez. A l’heure où l’on parle, des rumeurs envoient d’autres joueurs en prêt comme Emre Mor (suivi par 16 clubs selon la presse turque) ou Alexander Isak (AIK)

Ayant des joueurs avec un fort potentiel, Dortmund subit chaque été des rumeurs de départ concernant ses cadres ou ses pépites.

Cette année, deux joueurs ont été la cible de cette propagande : Dembélé et Aubameyang.

Le club a vite été catégorique pour le premier, annonçant dès le début des rumeurs que le jeune international français allait rester sous les couleurs Jaune et Noir pour la saison prochaine et que toute offre allait être refusée.

Concernant le second, le dossier fut un peu plus complexe. Désireux d’un nouveau challenge et de jouer la victoire en Ligue des Champions, le meilleur buteur du club a été mis sur le marché par les dirigeants mais à un prix précis : 70M€. Tout proche d’un départ au PSG lors du début du mercato, l’international gabonais n’a, par la suite, reçu aucune offre concrète au niveau européen mais a eu une opportunité de se diriger vers la Chine, qui répondait aux critères financiers du club et du joueur.

Conscient du marché actuel, et particulièrement pour les attaquants, Dortmund a vite abandonné l’idée de lâcher son joueur en ayant la peur de se retrouver sans un grand attaquant pour la saison.

Pour Peter Bosz, c’est vraiment du pain béni. Malgré le fait qu’il n’ait pas eu la possibilité de recruter des joueurs qu’il voulait, son staff et lui ont maintenant à leur disposition un groupe de joueurs où la qualité est certaine et la quantité suit. Les postes sont doublés, voir triplés grâce à la polyvalence des joueurs, ce qui va lui permettre d’être dans les meilleures conditions pour préparer la saison.

Des stratégies de combat à mettre en place

Comme vous le savez tous, le Borussia Dortmund a toujours été une équipe ambitieuse dans sa philosophie de jeu. Si on prend les chiffres de la saison dernière, l’équipe du nord de l’Allemagne a marqué 72 buts en 34 matchs de championnat, faisant d’elle la seconde meilleure attaque du pays derrière l’ogre bavarois. Sur la scène européenne, c’est du même niveau : 28 buts marqués en 10 matchs joués.

Les dirigeants n’allaient pas prendre un entraîneur avec une idée de jeu totalement différente de ce que propose le club depuis des années. L’admirateur de Guardiola et de Cruyff est venu pour continuer à faire progresser cette équipe et en gardant la ligne directrice du jeu.

Lorsque l’on se remémore le jeu de l’Ajax sous Bosz, plusieurs aspects étaient pour le moins marquants.

Premièrement, l’une des forces de cette équipe résultait de l’utilisation des joueurs excentrés, et plus particulièrement de ses ailiers. Avec leurs énormes qualités de percussions (Younes, Traoré, Kluivert), ses joueurs avaient la capacité de combiner avec leurs coéquipiers dans l’axe du terrain pour apporter une plus grande densité numérique par exemple. De plus, ils étaient toujours positionnés sur leurs faux pied (droitier à gauche et inversement) : cela permet au joueur de pouvoir rentrer sur son pied fort et d’enclencher une frappe à tout moment.

Avec Dortmund, l’ancien entraîneur du Maccabi a l’embarras du choix et peut se faire un plaisir énorme dans ce secteur du terrain. L’ancienne équipe de Jurgen Klopp dispose d’énormément de joueurs aux postes d’ailiers capables de répondre aux mêmes attentes. Avec Reus, Dembélé, Pulisic, Mor et Schurrle, l’armée des jaune et noir peut avoir une première ligne explosive.

La première séquence de la vidéo le montre. Emre Mor, généralement joueur focalisé sur la percussion grâce à ses qualités d’appui et de vitesse, effectue un déplacement intéressant.  Mobile, il efface 3-4 adversaires et lâche rapidement le ballon vers une solution courte. Mais le plus intéressant reste ce qu’il propose après cette passe. Il se place dans l’interligne face au but pour être une solution pour ses partenaires, et surtout pour être le 3e homme.

C’est l’une des idées de base de Bosz, les déplacements et la possibilité de créer une situation avec un 3e homme libre qui va permettre automatiquement de créer des décalages.

Ce sont des choses qui commencent à se mettre en place progressivement grâce aux excentrés mais aussi grâce à l’attaquant de pointe. Malgré les critiques sur Aubameyang et au jeu que Dortmund développe, sa pré-saison est pour le moment très intéressante. Toujours en mouvement, le joueur est devenu utile à ses partenaires en n’hésitant pas à décrocher pour donner une solution d’appui ou à créer des variations dans ses appels. Il n’est plus le joueur figé à un profil et ne bougeant quasiment pas. Malgré une défaillance technique qui doit être comblée, les intentions sont bonnes et prometteuses pour la suite de la saison.

C’est l’un des plus gros changements depuis son arrivée qui annonce les ambitions du chauve helvète.

Si on parle d’un coach qui s’inspire de Cruyff et de bloc haut, quelle est la relation de ses deux notions ? Le pressing. Comme avec ses joueurs d’Amsterdam, Bosz a l’ambition de ne pas subir face à ses adversaires. La seconde séquence de la vidéo le prouve. L’agressivité des joueurs est importante dans le jeu de Bosz car cela peut provoquer plusieurs phases de transition en cas de récupération du ballon.

« Lorsque nous perdons la balle, nous avons mis en place la règle des cinq secondes. Chaque joueur doit faire en sorte d’avoir récupéré la balle dans les cinq secondes qui suivent sa perte en pressant immédiatement l’adversaire »

Cette règle vient de Barcelone version Guardiola (c’était 3 secondes pour son équipe) : l’idée est que l’adversaire n’est jamais en bonne position lorsqu’il récupère le ballon. De ce fait, les équipes qui mettent en place cette idée utilisent ce temps intermédiaire pour récupérer le ballon et créer un déséquilibre chez l’adversaire. Les joueurs ont cette qualité de percussion en plus d’être rapide : c’est un atout qui peut faire extrêmement mal aux défenseurs dès la perte du ballon.

Lorsque l’on parle de rapidité, Dortmund est l’une des équipes qui effectue le mieux possible ses transitions défensives offensives depuis l’ère Klopp. Et bien-sûr malgré l’arrivée d’un nouveau coach, rien n’a changé.

Sous Tuchel, l’équipe avait une habitude particulière concernant le positionnement de ses ailiers. Quand on voyait Reus ou Dembélé titulaire ensemble, les deux avaient tendance à dézoner pour apporter cette supériorité dans l’axe.

Sur certains matchs, Dortmund avait du mal à déséquilibrer le jeu car la largeur du terrain était souvent doublée par le repositionnement de l’ailier adverse. De ce fait, le latéral jaune et noir se retrouvait seul face à deux joueurs et devait attendre le soutien d’un joueur pour créer un décalage.

Cette fois ci, Bosz a mis directement une idée en place qu’il compte respecter tout le long de la saison. Les ailiers seront sur leur positionnement initial : le bord de la ligne de touche.

Cette idée dans le placement va permettre plusieurs choses. Premièrement, le bloc équipe adverse va devoir s’étirer et couvrir un espace plus large si les ailiers collent parfaitement la ligne. Par conséquent, l’idée initiale d’un bloc compact et mobile peut être ruiné car des espaces peuvent automatiquement se créer.

De plus, Dortmund possède des latéraux qui ont une faculté à se projeter vers l’avant pour être une solution. Ça crée encore plus d’incertitude dans le placement du défenseur qui ne peut pas agir mais qui doit réagir.

La séquence de jeu qui se conclu par le but de Nuri Sahin peut être une action de référence pour Dortmund. On voit bien que le ballon passe de gauche à droite avec cette intention de déstabiliser le bloc adverse sur les côtés. Les deux ailiers sont très proches de la ligne de touche permettant d’écarter un maximum et les milieux axiaux n’hésitent pas à se projeter vers l’avant pour s’engouffrer dans les halfspaces. Et lorsque l’on voit cela, on peut s’imaginer que des joueurs comme Götze ou Dahoud peuvent aussi prendre un malin plaisir à utiliser tous ces décalages.

Enfin, le nouveau tacticien montre des signes de pragmatisme dans ses choix et dans son animation. Lors du match contre Urawa, il n’a pas hésité à modifier son système de jeu pour s’adapter à un adversaire qui était très compact et Dortmund n’arrivait pas à les déséquilibrer. L’animation en 4-3-3 traditionnel disparaît pour mettre en place un 3-4-3 que les joueurs connaissaient déjà très bien : Dortmund jouait de la sorte l’an dernier. Le système permet de garder le principe de base du jeu sous Bosz avec l’idée du 3e homme avec des ailiers intérieurs et un double pivot mobile.

C’est une preuve montrant l’ouverture d’esprit du coach néerlandais qui ne reste pas figé sur ses idées et qui peut trouver d’autres alternatives à sa philosophie de départ.

Mais il reste encore du travail et des choses à améliorer.

Attention aux points faibles

Partout dans le monde du football, les entraîneurs doivent effacer le plus de défauts possibles pour que leurs équipes puissent être un rouleau compresseur.  C’est très compliqué et peu d’équipes arrivent à atteindre ce stade là, mais au fur et à mesure, les coachs arrivent à couvrir des points faibles.

Pour Peter, il doit se focaliser sur l’aspect sans ballon de l’équipe. Depuis des années, les équipes dirigées par Klopp ou Tuchel avaient des difficultés sur cet aspect là. On voyait souvent des matchs spectaculaires ou Dortmund encaissait 2-3 buts face à des adversaires de faible qualité. Pour une équipe comme le Borussia, ce n’est pas possible de continuer de la sorte.

On entend souvent que l’attaquant est le premier défenseur. C’est important d’avoir une équipe investie lors des phases sans ballon pour avoir un bloc équipe le plus compact et le plus mobile possible.

Le souci se trouve dans l’investissement des joueurs. On peut se retrouver avec des joueurs capables de couvrir des espaces grâce à leur intelligence de jeu mais d’autres se font absorber par le déplacement du ballon ou d’un joueur. L’équilibre doit être formé par le coach permettant de coordonner chaque mouvement.

Sur la vidéo, on voit très bien les difficultés que les Jaune et Noir rencontrent. Certes, ce n’est qu’un match amical mais cela montre les axes de travail que Bosz doit affronter.  Les joueurs offensifs de l’équipe ne sont pas assez impliqués dans leurs tâches défensives ce qui crée un déséquilibre énorme. Lorsque l’on regarde, Dortmund a encaissé 10 buts en 6 matchs lors de cette préparation estivale dont 6 ont été pris après une phase de transition offensive/défensive.

L’adepte du pressing voit son équipe en difficulté dès que le pressing a été effacé, créant en même temps un déséquilibre du bloc équipe. C’est le risque pris par cette intention de récupérer le ballon aussi vite qu’on l’a perdu mais ça a dû mal à se mettre en place.

L’autre zone de travail pour Bosz concerne l’utilisation du ballon. Avec les joueurs qu’ils disposent et la réputation que le club a, le néerlandais va très souvent affronter des équipes très bien regroupées avec une mise en place tactique solide. Des équipes comme Espagnol cet été ou Urawa sont des prémisses de ce que l’on peut voir durant la saison.

La passmap montre les difficultés que Dortmund a vécu très régulièrement : une possession de balle stérile. On arrive à se trouver entre joueurs mais la dernière passe n’est pas régulière, créant des possessions en U, redoutés par tout les entraîneurs du monde.

Des joueurs comme Dembélé ou Pulisic essaient de porter le ballon pour créer des différences mais l’animation autour d’eux ne leur permet pas d’avoir une efficacité en plus dans leurs mouvements. Les supporters se souviendront des matchs sous Tuchel où l’équipe n’arrivait pas à créer des décalages durant 90min et arrivait à perdre 1-0.

L’ambition du jeu est présente mais il faut du temps pour que tout soit bien mis en place et que ça roule parfaitement. Lors de son passage à l’Ajax, Bosz a dû attendre 3 mois pour que ses joueurs déroulent parfaitement ses idées.

La préparation a pu mettre en évidence ce que le néerlandais veut : garder cette équipe offensive en utilisant les ailiers comme force initiale et l’aisance technique. Ce samedi, les Jaune et Noir affrontent le Bayern pour le compte de la Supercoupe d’Allemagne. Ce sera la première représentation officielle de l’ère Bosz, permettant de refléter ses idées aux yeux de tous et ce qu’il va mettre en place.

Monsieur Peter, bienvenue au Westallenstadion et bon courage pour votre mandat.

(Credit photo : Getty Images)

 

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Le football est une véritable partie d'échec.