« Accomplir sa Légende Personnelle est la seule et unique obligation des hommes » L’Alchimiste

Quand on évoque le football, on pense forcément à la magie, aux émotions que ce merveilleux sport nous procure au quotidien. Le football fait partie intégrante de nos vies. Il est par moments atroce, nous emmène dans des états seconds, nous fait vivre des dramaturgies dignes des plus grands films Hollywoodiens, nous transporte dans un monde parallèle où cruauté et exploit sont cousins, où injustice et génie sont frères, et où bon et mauvais n’ont point de frontières.

Ce sport n’en reste pas moins fabuleux, car malgré ces grands moments de détresse, de désarroi, de colère, d’incompréhension, le bonheur de contempler 22 joueurs s’opposer reste bel et bien intact, et renforce notre sentiment d’appartenance à un groupe qui est le nôtre, celui des amoureux du ballon rond.

Cependant, comme toutes les belles choses, le football connaît des hauts et des bas. Blessures et injustice viennent parfois entacher cette incroyable discipline.

Un exemple cristallise à lui tout seul une grande partie des caractéristiques de ce sport. Le côté obscur a pris inéluctablement le dessus sur le côté lumineux de ce joueur si élégant, de cette belle personne, de ce génie majestueux et de ce si grand Monsieur qu’est Abou Diaby. En raison de blessures à répétition venues mettre continuellement un coup d’arrêt dans sa quête de réaliser sa Légende Personnelle, ce génie, ce poète tant avec les mots qu’avec les pieds, a vu au fil du temps s’éloigner inlassablement les étoiles du succès. 

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Abou était un joueur atypique, présenté comme un box-to-box, poste dont les Anglais raffolent. Il était l’archétype même d’un joueur capable de tout. Il était très facile avec le ballon et doté d’une puissance physique difficilement comparable, ce qui lui permettait de casser les lignes avec une facilité déconcertante et nous offrir des percées assez ébouriffantes. Joueur multitâche, il pouvait aussi se muer en buteur, et le faire avec une beauté inqualifiable, lui qui possédait une qualité de finisseur nettement supérieure à la moyenne. Il était capable d’envoyer des frappes lointaines en pleine lucarne et de conclure des actions comme les bons 9 à l’ancienne. Il était doté d’une vision de jeu faisant frissonner la concurrence, lui permettant de réaliser des amours d’assists. Un joueur qui au-delà donc de ses qualités techniques et physiques naturelles, nous épatait dans l’art de contrôler son secteur de jeu, de tenir la dragée haute aux meilleurs milieux d’Outre-Manche et du vieux continent et qui était destiné à figurer parmi les meilleurs joueurs à son poste. Il aurait également pu écraser toute concurrence au sein des Bleus, où sa présence aujourd’hui nous ferait le plus grand bien, et ce malgré le nombre pléthorique de joueurs français excellant à ce poste.

C’est gratuit, c’est cadeau, voici quelques-unes de ses actions et buts mémorables, qu’on regardera soit avec bonheur en tant qu’amoureux de ce sport, soit avec mélancolie et amertume lorsqu’on se met à la place d’Abou, qui aurait pu atteindre les sommets de son sport et devenir le porte-parole du milieu complet à tous les niveaux.

En dépit de blessures toujours plus longues, toujours plus tragiques, il n’en reste pas moins, un joueur ayant marqué les esprits, en France et Outre-Manche, un diamant qui ne demandait qu’à se polir, pour illuminer et éclabousser de son immense talent les pelouses du Vieux Continent.

Natif d’Aubervilliers, le jeune Abou fait ses premières gammes de footballeur du côté du CM Aubervilliers, club de sa ville. Par la suite, il rejoint successivement le Red Star et le centre de formation du Paris Saint-Germain. Mais notre première rencontre avec le prodige d’Aubervilliers se fait à l’INF Clairefontaine en 1986, où il prend part au célèbre reportage « A la Clairefontaine » en compagnie d’un certain Hatem Ben Arfa pour ne citer que lui. En raison d’un manque de rapidité pour envoyer une lettre d’engagement aux parents du petit phénomène, Abou s’engage libre en faveur d’Auxerre, où l’entraîneur au poste n’est autre qu’un certain Guy Roux, excusez du peu. Les premières folles enjambées du longiligne Abou débutent donc un soir d’août 2004 face au Stade Rennais, avec une victoire 3-1 à la clé. Malgré un temps de jeu assez famélique, il inscrit la saison suivante son premier but dans l’élite de nouveau face au Stade Rennais. Cependant, n’arrivant pas à gagner la confiance du coach de l’époque, Jacques Santini, il fait le grand pas vers l’Angleterre en janvier 2006 et cède face aux sirènes des Gunners et de l’équipe la plus frenchie du Royaume.

Le début d’une belle histoire d’amour entre Abou et Arsenal, mais aussi avec son coach, Arsène Wenger. Cette signature annonce une carrière idyllique pour le jeune joueur originaire de la Cote d’Ivoire. Son avenir s’annonce radieux avec les Gunners, équipe alors en vogue tant sur la scène nationale qu’européenne, puisqu’ils échouent en finale de la plus prestigieuse des compétitions européennes cette même année face aux Blaugranas de Ronaldinho 2-1.

Il prend notamment part à 12 rencontres de Premier League, et réussit même l’exploit d’inscrire un but pour lancer sa carrière anglaise. Malheureusement, le premier d’une longue liste de drames survient le 1er mai 2006 à Sunderland, où il est victime d’un tacle assassin de la part de Dan Smith qui le prive des terrains pendant près de 8 mois et freine irrémédiablement sa progression.

Malgré tout, il dispute un nombre de matchs à peu près correct lors des saisons 2007-2008 et 2008-2009, avant de s’installer solidement à une place de titulaire à partir de l’exercice 2009-2010. L’année 2010 est sa saison la plus remplie : Abou est l’auteur d’une saison 2009-2010 très convaincante avec les protégés d’Arsène Wenger. Ses bonnes performances lui permettent de participer notamment au fameux Mondial 2010 dans la peau d’un titulaire.

Malheureusement, la suite on la connaît. En dépit de prestations satisfaisantes sur le plan individuel, l’ancien Auxerrois vit une énième mésaventure. Cette fois le mal est bien plus profond : le destin d’Arsenal et Abou semblent liés, et ils voient leurs plus vieux démons ressurgir de plus belle dès la saison suivante. Une saison où les Gunners jouent le titre pendant une grande partie du championnat avant de craquer comme d’habitude sur la fin. Une saison où Abou pense enchaîner afin de montrer à l’ensemble des observateurs le milieu de classe qu’il est, une saison où malheureusement les blessures lui rendent visite plus d’une fois… C’est le début d’une nouvelle longue et sinueuse route pour le joyau français, qui éprouve les pires difficultés du monde à retrouver des sensations et une forme physique optimale.

Jusqu’à juin 2015, date de la fin de son contrat avec le club du Nord de Londres, il passe plus de temps à l’infirmerie que sur les terrains, et ses nombreux espoirs de rebondir se dissipent tout aussi vite que son faible temps de jeu. Il sera « l’un des plus gros gâchis » de la carrière d’Arsène Wenger, qui regrettera amèrement toutes ces blessures et le fait de n’avoir pu tirer le meilleur d’un joueur de ce calibre, d’un Monsieur toujours exemplaire en dehors des terrains, d’un espoir qui avait tout pour être le grand remplaçant de Patrick Vieira.

Pour illustrer la grande fragilité physique d’Abou Diaby, il faut savoir qu’entre 2006 et 2015, il se blesse 42 fois, cumulant 1554 jours d’absence ce qui équivaut à 222 semaines, mais aussi à 4 années sans jouer selon le Daily Mail (presque la moitié de sa période à Arsenal). Malgré toutes ces blessures, il aura tout de même participé à 180 rencontres et inscrit la bagatelle de 19 buts pour Arsenal.

Mais alors, où peut rebondir ce génie après tant d’années douloureuses en Angleterre ? De nombreux clubs doivent le pister, mais le risque est tout aussi grand que son talent, et peu de clubs se bousculent dans la course finale à la signature d’Abou. Contre toute attente, il rallie le Sud de la France et s’engage pour l’Olympique de Marseille. Une signature qui divise l’ensemble des supporters et observateurs de l’Olympique de Marseille. Deux écoles s’affrontent. D’un côté, les amoureux du ballon rond voient en Abou un joueur d’un calibre tout bonnement exceptionnel débarquant sur la Canebière, et son association avec un autre revanchard Lassana Diarra en laissent rêveur plus d’un. D’autre part, sans être sceptique quant aux qualités évidentes du grand milieu français, certains se posent des questions sur sa capacité à enchainer les matchs, à être épargné par les blessures, et de ce fait, à retrouver un semblant de niveau et apporter une plus-value conséquente dans le jeu Olympien. En l’espace de deux ans, il prend part à seulement six rencontres, au cours lesquelles il ne peut tirer son épingle du jeu, étant bien trop diminué physiquement, et rechutant de manière incessante face à son pire ennemi.

Un départ lors de l’été 2017 semble une nouvelle fois inexorable pour l’ancien prodige d’Arsenal. Il quitte Marseille sans faire de bruit, en gardant malgré tout un bon souvenir du club phocéen et en continuant de suivre ses anciens coéquipier, signe de son exemplarité et de sa reconnaissance infaillible envers l’ensemble des clubs et staffs qu’il a côtoyés durant sa carrière.

L’exemplarité pêche en revanche du coté de nombreux journalistes, consultants mais aussi spectateurs, qui prennent un malin plaisir à ridiculiser et à vanner les blessures et épreuves qu’affronte Abou. Une mode complètement idiote, dénuée de respect envers une personne qui souffre en silence, sans dire un mot, depuis plus d’une décennie. Sans grande surprise, ces moqueries et railleries à répétitions arrivent aux oreilles du principal intéressé qui s’empresse, à juste titre, d’en recadrer quelques un, dont le célèbre humoriste Julien Cazarre « qu’on embrasse ».

« L’Ame du Monde se nourrit du bonheur des gens. Ou du malheur, de l’envie et de la jalousie » L’Alchimiste

« Cependant, à mesure que le temps s’écoule, une force mystérieuse commence à essayer de prouver qu’il est impossible de réaliser sa Légende personnelle » L’Alchimiste

« Ce sont des forces qui semblent mauvaises mais qui en réalité t’apprennent comment réaliser ta légende personnelle. Ce sont elles qui préparent ton esprit et ta volonté qui que tu sois et quoi que tu fasses, c’est que ce désir est dans l’Ame de l’Univers. C’est ta mission sur Terre. » L’Alchimiste

Garçon plein d’ambition, Abou Diaby a encore plusieurs possibilités, comme retrouver un club si l’occasion se présente dans quelques temps, ou se lancer dans d’autres domaines, à savoir faire des études en théologie et préparer un MBA comme il l’affirmait il y a peu sur SFR Sport. Le tout sans jamais se lamenter sur son sort, bien au contraire. Il y a plus d’un an, il déclarait au CFC avoir énormément appris de cette longue traversée du désert, des épreuves qui l’auront « fait mûrir et forgé en tant qu’homme. ».

Abou, tu n’auras pas eu la carrière que tu voulais, ni celle qu’on voulait que tu aies. Mais qu’importe, en dépit des nombreuses épreuves et des moments de profonde solitude que tu as dû affronter au cours de ta carrière, tu auras marqué les esprits tant pour ton talent balle au pied que pour ton exemplarité et ta sagesse dont on ne parle que trop peu. Tu auras marqué de ton empreinte le club d’Arsenal, et nul doute que l’ensemble des supporters des Gunners gardent un excellent souvenir de toi, le joueur qui, sans ses nombreuses blessures aurait pu les ramener à la place qu’ils méritent. Tes possibles associations avec Jack, Mesut, Aaron, Alex Song en faisaient saliver plus d’un, et nul doute que le football illuminé l’Emirates en présence de si grands artistes.

Tu resteras dans les mémoires, et nous te souhaitons bonne chance dans tes futurs projets, quels qu’ils soient, pour que tu puisses accomplir ta Légende Personnelle, et que ton sourire et ta joie de vivre restent bel et biens intacts.

A bientôt l’Artiste !

 

Photo credits : AFP PHOTO / CHRIS RATCLIFFE

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Sinon, c'est si cool que ça d’être champions ?