[Espagne] Ter Stegen, la force tranquille

Après deux ans dans l’ombre de Claudio Bravo, Marc-Andre ter Stegen s’est révélé la saison dernière dans les buts catalans. Malgré une saison en demi-teinte, qui s’est tout de même soldée par une victoire en coupe du Roi, le portier allemand a été l’une des rares satisfactions. Cette saison, il a encore franchi un palier, et il n’est désormais plus étonnant de voir son nom associé à celui du gratin mondial.

Il faut dire que le dernier rempart barcelonais a su attendre son heure. Lorsqu’il a quitté son Mönchengladbach natal pour le soleil et la mer méditerranée, à seulement 22 ans, « MATS » a pris le temps d’apprendre, aux côtés de l’expérimenté Claudio Bravo. Doublure en championnat, c’est donc lors des matchs de coupe qu’il s’est dans un premier temps développé. Dès sa première saison, il a ainsi eu l’occasion de s’illuster en coupe du Roi et en Ligue des Champions, participant activement au triplé catalan.

À 23 ans, l’Allemand soulevait sa première coupe aux grandes oreilles. Mais ce succès européen n’a pas pour autant redistribué les rôles et ter Stegen se contentait encore des miettes laissées par le portier chilien en championnat, cette fois-ci sans connaitre une grande réussite en Europe. C’est lors de l’été 2016 que tout va s’accélérer. Courtisé par le Manchester City new-look de Guardiola, l’ancien gardien de Gladbach en profite pour s’en servir comme moyen de pression. Le Barça décide alors logiquement de miser sur la jeunesse et en fait son titulaire. Ironie du sort, c’est finalement Bravo qui prend le chemin de l’Angleterre.

Depuis, le numéro 1 du FCB est devenu indispensable au jeu de son équipe. Zubizarreta, qui l’avait déniché à l’époque, ne s’est pas trompé : l’ancien gardien de Gladbach possède en effet le profil idéal pour évoluer dans les buts barcelonais. Solide dans les face à face, il possède également un des meilleurs jeux au pied de la planète, si ce n’est le meilleur, à son poste.

Premier relanceur…

Un des poncifs préférés des entraineurs est de dire qu’une équipe doit pouvoir défendre à onze et attaquer à onze. S’il est compliqué d’impliquer tous ses joueurs dans le travail défensif, on remarque cependant que les gardiens sont de plus en plus impliqués dans le jeu offensif de leur équipe. Pour pratiquer son jeu, le Barça a toujours eu besoin d’un gardien sachant avant tout relancer. Un jeu au pied au-dessus de la moyenne est donc indispensable pour pouvoir porter le maillot catalan. Et dans ce domaine-là, ter Stegen est une référence.

Le gardien est le premier relanceur barcelonais. À vrai dire, il fait quasiment office de onzième joueur de champ lorsque son équipe a le ballon : la défense s’appuie régulièrement sur lui lorsqu’elle est pressée et il est fondamental dans l’organisation du jeu. Il n’hésite d’ailleurs pas à dézoner de ses buts lorsqu’il le juge nécessaire, afin de venir en soutien et offrir une solution à ses coéquipiers.

Pour accepter ce rôle parfois ingrat, il est nécessaire d’avoir un grain de folie en plus des autres. Un grain de folie qui pousse à prendre des risques parfois démesurés, comme tenter de lober un attaquant qui vient au pressing pour relancer proprement, quitte à se faire contrer. L’erreur fait partie du métier. Mais c’est également ce grain de folie qui peut pousser à dribbler un joueur à 80 mètres de ses buts et obtenir un coup-franc décisif, à la 94e minute d’un huitième de finale de LDC.

Cette qualité technique, Marc Andre ter Stegen la tient de sa jeunesse. Jusqu’à ses douze ans, l’international allemand évoluait comme joueur de champ. Si sa justesse technique était déjà louée par ses éducateurs, notamment par sa capacité à jouer des deux pieds, il a finalement dû se résoudre à descendre de quelques crans sur le terrain à cause de sa manière de courir. Selon son entraineur, il n’était pas suffisamment rapide. Une décision, que le récent vainqueur de la coupe des confédérations considère, avec le recul, comme « plutôt bonne ».

Aujourd’hui, ter Stegen possède sans surprise la meilleure relance de Liga avec 82% de passes réussies, sur une distance moyenne de 29 mètres. En Ligue des Champions, son total s’élève même à 85%. En Europe, seul Ederson, le gardien de Manchester City, fait mieux que lui. S’il est aussi fort du pied droit comme du gauche, c’est surtout sa tranquillité balle au pied qui impressionne et qui rassure.

 

…et dernier rempart

Si ter Stegen est reconnu pour être un excellent relanceur, il démontre cette saison être également un véritable mur. Outre le jeu au pied, l’autre qualité peut-être indispensable pour être le portier titulaire du FC Barcelone est la capacité à gérer les un contre un. Lorsqu’une équipe est aussi offensive que le Barça, chaque perte de balle peut mener à une contre-attaque fulgurante. Le gardien se retrouve ainsi livré à lui-même face à l’attaquant adverse. Et là encore, Marco ter Stegen figure assurément parmi les meilleurs du monde sur cette phase de jeu, si ce n’est le meilleur.

Toujours sur ses appuis, le gardien allemand sait parfaitement à quel moment se jeter dans les pieds de l’attaquant adverse ou comment lui bloquer l’angle de la meilleure des façons. Avec son style plutôt atypique, semblable par moment à celui d’un gardien de handball pour sa faculté à utiliser ses pieds, il ne laisse rien filtrer et attend toujours le dernier moment, ce qui ne permet pas à l’attaquant d’anticiper un éventuel plongeon.

La saison dernière, il avait déjà écœuré bon nombre d’attaquants dans cette phase de jeu. Il avait d’ailleurs été décisif à deux reprises lors de la fameuse Remontada, face à Cavani puis Di Maria, alors que le Barça ne menait encore que 3-1 et que l’exploit semblait bien utopique. Cette saison, sa réussite est similaire, et ce ne sont pas les attaquants de La Liga qui diront le contraire.

Mais si le FC Barcelone n’encaisse en moyenne qu’un but tous les deux matchs, c’est aussi car ter Stegen a énormément progressé sur des phases de jeu plus basiques. Il est devenu un gardien de but complet, en gommant certaines lacunes, notamment sur sa ligne. Aujourd’hui, il est avec Leo Messi le symbole de la réussite actuelle d’un Barça qui, sous la houlette de Valverde, est en train de retrouver son identité de jeu, tout en sachant se montrer pragmatique par moment.

Les stats parlent pour l’allemand : en seize journées, il n’a encaissé que sept buts, et délivré pas moins de dix clean sheets en championnat. Le bilan est tout aussi impressionnant en Ligue des Champions, avec quatre clean sheets en cinq journées. Si l’on ajoute ses deux clean sheets en quatres sélections avec l’Allemagne, on arrive donc depuis le début de la saison à 16 rencontres sans encaisser de but en 25 matchs ! Une solidité qui le propulse parmi les tout meilleurs.

 

De l’importance de Ter Stegen.

 

Sur les images ci-dessus, on aperçoit ainsi un des exemples de la progression fulgurante du mur de Mönchengladbach.  À gauche, on retrouve le second but de Paulo Dybala lors du quart de finale entre la Juve et le Barça. Légèrement masqué, le gardien allemand est battu à son premier poteau, malgré un angle quasiment fermé. À droite, on retrouve pratiquement la même situation, cette fois-ci lors du match retour de la phase de poules. Mêmes équipes, mêmes joueurs : bis repetita, à la réception d’un centre en retrait, Dybala enroule sans contrôle son ballon au premier poteau. Encore une fois masqué, ter Stegen sort cette fois-ci le ballon, au prix d’un superbe réflexe.

L’Argentin, qui pensait marquer, avait d’ailleurs commencé à célébrer son but. À l’issue de la rencontre, il s’est exprimé sur son adversaire : « Je lui ai demandé comment il avait fait pour la voir, car il y avait beaucoup de joueurs devant lui, et le ballon était très bien placé au ras du poteau mais ter Stegen est dans une très bonne période. Je suis beaucoup de matchs espagnols, et je crois qu’il est en très bonne forme ». Une performance qui lui a d’ailleurs valu la une du quotidien catalan Sport, le qualifiant de « meilleur gardien du monde ».

L’été dernier, il avait profité de la blessure de Manuel Neuer, et du renouvellement d’effectif de Joachim Löw, pour s’imposer comme un des cadres de la Nationalmannschaft qui s’est imposée en Russie lors de la coupe des confédérations. Depuis, il est resté le titulaire du poste pendant que le gardien du Bayern se soigne.

Mais il est quasiment impossible de voir le natif de Mönchengladbach bouleverser la hiérarchie si Neuer revient à 100% à temps. Où se situe réellement ter Stegen dans la hiérarchie actuelle des gardiens mondiaux ? Malgré une année 2017 quasiment blanche à cause de ses pépins physiques, Manuel Neuer reste un OVNI et, s’il revient à 100% il ne sera pas inquiété, notamment en vue de la Coupe du Monde.

Derrière lui, plusieurs gardiens se tirent la bourre : en cette première partie de saisons, ‘MATS’ est celui qui s’est le plus distingué, aux côtés de David De Gea. Le portier de Manchester United s’affirme comme le meilleur gardien de Premier League. On peut également citer Jan Oblak et Thibaut Courtois. Malgré des résultats moins satisfaisants que la saison dernière avec leurs équipes respectives, les deux joueurs restent des valeurs sûres.

Aujourd’hui, le Barcelonais est donc devenu une référence à son poste. Reconnu par de nombreux observateurs comme le meilleur gardien de Liga, il fait désormais parti de la cour des grands, au point d’entrer dans tous les débats lorsque l’on se demande quel est le top 3 à son poste. Cependant, malgré son statut en en Catalogne, il n’a pas encore acquis le même en sélection. Comme il l’a fait au Barça, Marc Andre ter Stegen devra donc attendre son heure avant de garder les buts de la Mannschaft.

Pendant ce temps, il devra faire face à de nombreux défis avec son club : retrouver le titre de champion d’Espagne perdu face au Real, mais également mettre fin à la domination madrilène en Europe. Après deux saisons en dent de scie sur l’échelle européenne, le Barça aura besoin de son gardien au meilleur de sa forme pour retrouver le dernier carré. Et ce samedi au Bernabeu, il aura l’occasion de permettre à son équipe de frapper un grand coup dans la course au titre.

Crédit photo: Jose Breton / NurPhoto
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Fervent supporter du champion du monde 2017 du Kikadi