[Equipe de France] Ils risquent de rater la Russie

À désormais quatre mois de la Coupe du Monde, l’état de forme des internationaux français va être scruté de près, et devrait peser lourd dans la balance de Didier Deschamps, au moment de cocher les 23 noms qui voyageront en Russie.

Comme tous les deux ans à l’approche de la liste fatidique, medias et observateurs auront matière à spéculer sur les fameuses surprises de dernière minute, même si, comme tous les deux ans, Didier Deschamps ne devrait pas vraiment faire dans l’originalité, et conserver le noyau dur du groupe qui s’est qualifié sans difficulté pour le mondial. Ne resteront alors que quelques places précieuses à distribuer, notamment à des postes où l’Equipe de France est légère depuis des années.

Ils sont en danger

Areola, une demi-saison pour convaincre

Depuis l’Euro 2016, Alphonse Areola a pris une longueur d’avance sur Benoit Costil. Le gardien de Bordeaux n’a retrouvé la sélection que lorsque l’un de ses trois concurrents était blessé, et n’a jamais semblé être en capacité de renverser la hiérarchie. La donne peut-elle changer à quatre mois de la Coupe du Monde ?

Lorsqu’il avait perdu sa place de titulaire en club la saison dernière, Areola avait conservé la confiance de Didier Deschamps. Mais à l’époque, Steve Mandanda ne jouait plus du côté de Crystal Palace. En difficulté ces derniers temps avec le Paris Saint-Germain, Areola aura donc du pain sur la planche pour rester dans les petits papiers du sélectionneur, même si l’on sait que le rôle de troisième gardien, de par ses spécificités, est différent des autres et que les critères de sélections ne sont par conséquent par forcément les mêmes qu’à certains postes.

Jallet – Kurzawa – Digne, position latérale d’insécurité

Parmi les différentes pistes de réflexion, le poste de latéral, droit comme gauche, est celui qui est le plus ouvert aux débats. Si en défense centrale, les noms des quatre sélectionnés, sauf forfait, ne font guère de doutes, sur les côtés, c’est quasiment l’inverse. À droite, seul Djibril Sidibé est assuré, sauf blessure évidemment, de partir en Russie cet été. Derrière lui, Christophe Jallet, qui a pris part à la majorité des rassemblements post-Euro 2016, fait plus figure de choix par défaut, et s’avère plus être un élément important du groupe grâce à son côté tonton beauf de repas de Noël qu’une véritable option sportive. Sur ce point là, il est évident qu’il n’a plus sa place, et Deschamps devrait continuer son brainstorming à un poste où il est bien compliqué de trouver des doublures crédibles à Sidibé. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il avait appelé Benjamin Pavard en novembre, à la surprise générale.

À gauche, la blessure de Benjamin Mendy a redistribué les cartes. Layvin Kurzawa est redevenu le choix n°1. Deschamps lui a même récemment réitéré sa confiance malgré quelques délicatesses extra-sportives. Mais ses prestations sportives, proches du néant quand il n’inscrit pas un triplé pour cacher ses lacunes, peuvent-elles remettre en cause la place du Chris Brown de Fréjus ? Il faut dire que derrière lui, Lucas Digne ne casse pas non plus des briques. Avec le Barça, il se contente des quelques miettes laissées par Jordi Alba pour gratter du temps de jeu. Des prestations loin d’être flamboyantes, souvent sérieuses mais qui souffrent clairement de la comparaison avec celles d’Alba, qui effectue une saison stratosphérique. Une chose est sûre cependant, Tonton Pat ne sera pas de la partie.

Dimitri Payet, bis repetita ?

En 2014, la saison en demi-teinte de Marseille, combinée à la montée en puissance d’Antoine Griezmann avaient coûté à Dimitri Payet sa place dans l’avion pour le Brésil. En 2016, il avait failli passer à côté d’un Euro à domicile, malgré une saison exceptionnelle de sa part. Cette année, le danger plane de nouveau sur le capitaine de l’OM. Il faut dire qu’en quatre ans, la concurrence aux postes offensifs s’est considérablement améliorée, passant de Valbuena, Rémy, et Cabella en 2014, à Martial, Dembélé, Mbappé, Coman, Lemar ou encore Thauvin en 2018.

Auteur d’une saison poussive l’année dernière, il a ensuite dû déclarer forfait pour deux des trois derniers rassemblements des Bleus en début de saison, ce qui a énormément fragilisé une place qui semblait pourtant intouchable après l’Euro. Face à une telle concurrence, Dimitri Payet devra considérablement augmenter son niveau de jeu lors de la seconde partie de saison olympienne s’il veut rester dans les plans d’un Didier Deschamps qui risque d’être bien embêté lorsqu’il devra faire ses choix en mai.

Olivier Giroud, réellement indéboulonnable ?

Depuis plus de deux ans, le cas Olivier Giroud est toujours le plus épineux à aborder lorsque l’on évoque l’équipe de France. Le Gaulois de Chambéry a beau avoir des statistiques plus que flatteuses en Bleu, il souffre toujours de la comparaison avec Karim Benzema, dont l’absence est l’objet de débats sans fin à chaque rassemblement. S’il a de nouveau su se rendre décisif lors des dernières rencontres de l’EDF, son statut semble lui aussi s’être légèrement fragilisé.

 

 

Avec Arsenal, le champion de France 2012 a d’abord perdu sa place de titulaire, au profit d’un autre français, Alexandre Lacazette. Ce qui avait ouvert un nouveau débat : comment un joueur n°2 en club peut se retrouver n°1 en sélection et vice-versa ? L’atout principal de Giroud est son profil, unique en EDF, et particulièrement apprécié par DD. Cependant, le sélectionneur a également récemment tenté une nouvelle animation offensive, plaçant Lacazette seul en pointe des Bleus, comme en Bulgarie, où il n’avait alors pas hésité à laisser Giroud sur le banc pour un match pourtant décisif, ou plus récemment contre l’Allemagne.

Face à l’énorme concurrence qui s’annonce en attaque, la situation de Giroud sera à surveiller de très près. Cet été, il n’avait pas souhaité quitter Londres, où sa famille est bien installée. En signant à Chelsea en janvier, il a profité d’une opportunité unique, à moins de quatre mois de la la liste définitive. Avec les Blues, il retrouvera la Ligue des Champions, et un coach proche de Deschamps, Antonio Conte. Mais il devra là aussi faire face à la concurrence, celle d’Alvaro Morata plus précisément. Si son temps de jeu s’améliore, il ne devrait alors pas avoir trop de souci pour rester dans le groupe.

Ils seront à l’affut

Depuis l’auto-mise en retrait de Stéphane Ruffier, le poste de troisième gardien de but se joue entre deux personnes : Alphonse Areola & Benoit Costil. Sportivement, aucun des deux n’impressionne vraiment cette saison. Et comme ce rôle nécessite avant tout un gardien de confiance, capable de parfaitement s’intégrer dans le groupe, il est donc très peu probable de voir une surprise à ce poste. Le portier de Bordeaux serait alors le seul concurrent d’Areola…

À droite de la défense, les prétendants se font nombreux, mais aucun ne se détache vraiment. Benjamin Pavard a l’avantage d’avoir eu l’occasion de se montrer lors du dernier rassemblement. Du côté de Séville, Sébastien Corchia s’est discrètement imposé et connait déjà les Bleus, même s’il n’avait pas réussi à s’imposer lorsque Deschamps avait fait appel à lui. Pour sa première à Saint-Etienne, Mathieu Debuchy a été très en vue, et pourrait prétendre à un retour après presque quatre ans s’il enchaîne les matchs. À moins que l’alternative menant à Bouna Sarr devienne de plus en plus crédible avec le temps…

 

(Crédit photo: kicker.de)

 

Dans l’axe, sauf surprise ou blessure, les quatre places seront occupées par les habituels (Varane, Koscielny, Umtiti, Kimpembe). La concurrence devrait néanmoins s’accroître maintenant qu’Aymeric Laporte a rejoint Manchester City, et qu’il aura donc l’occasion de se frotter à l’exigence du très haut niveau et à la Ligue des Champions. Enfin, dernière option, Adil Rami. Le marseillais s’est affirmé comme le patron de la défense de l’OM, et est un des principaux artisans de la très bonne saison olympienne. Difficile d’imaginer qu’il pourrait coiffer tout le monde sur le poteau… mais il l’a déjà fait en 2016.

À gauche, victime d’une rupture des ligaments croisés mi-septembre, Benjamin Mendy a entamé une véritable course contre-la-montre pour revenir à temps sur les terrains. Son retour, prévu pour le mois d’avril sera ainsi déterminant. S’il prouve qu’il est revenu en forme, il sera très certainement convoqué par Didier Deschamps. Mais le cas Nabil Fekir, qui avait connu la même mésaventure, à la même période avant l’Euro 2016, incite à la prudence. Mendy connait donc la hauteur du défi qui l’attend.

Et s’il n’y arrive pas, c’est Jordan Amavi qui pourrait bien en profiter. Après avoir retrouvé le niveau qui avait fait de lui l’un des latéraux les plus prometteurs de L1 à l’époque de Nice, le neo-Marseillais sait qu’il est suivi de près par le staff de l’équipe de France, puisqu’il avait été convoqué en renfort lors du rassemblement du mois d’octobre. Avec une deuxième partie de saison du même acabit que la première, il pourrait très bien arracher un billet pour la Russie.

Dans l’entrejeu non plus, il ne faudra pas s’attendre à ce que Deschamps ne change ses plans. La seule véritable incertitude concerne le nombre de milieux défensifs que le finaliste malheureux de la Ligue des Champions 2004 décidera d’emmener. Depuis l’instauration de son 4-2-3-1, DD a pris l’habitude de choisir 5 milieux à vocation défensive pour 7 joueurs offensifs. L’embouteillage en attaque pourrait le conduire à ne choisir que 4 récupérateurs, laissant une place offensive supplémentaire, et doubler tous les postes d’un 4-2-3-1. Mais cela impliquerait qu’il devrait se passer d’un joueur entre Tolisso, Rabiot voire de Matuidi, et que la possibilité de changer de schema pour un 4-3-3 serait alors plus compliquée.

Ils seront donc une bonne dizaine d’attaquants à se disputer les sept places disponibles dans l’avion pour la Russie. Parmi eux, Kylian Mbappé et Antoine Griezmann sont les seuls à être assurés, sauf blessure, d’en faire partie. Si Ousmane Dembélé n’est plus embêté par ses soucis musculaires d’ici le mois de mai, sa participation ne sera certainement pas remise en cause non plus.

À droite, tout dépendra de la manière donc Deschamps décidera d’utiliser Mbappé. Depuis le début de la saison, le joueur parisien a principalement été utilisé sur l’aile droite. Mais le potentiel retour de Dembélé pourrait changer la donne. Dans ce cas, une place se jouerait entre Florian Thauvin et Kingsley Coman. Le Marseillais a les stats qui parlent pour lui, mais l’expérience internationale est du côté du joueur du Bayern. L’ancien Parisien est revenu à un bon niveau depuis que Jupp Heynckes a retrouvé le banc bavarois en début de saison, et son temps de jeu lors des derniers rassemblements lui donne un avantage conséquent sur le phocéen.

À gauche, la méforme de Dimitri Payet devrait profiter à Anthony Martial qui brille à Manchester United cette saison, et qui avait fait forte impression face à l’Allemagne en novembre. Resteraient alors deux places : une pour un meneur de jeu, à distribuer entre Thomas Lemar et Nabil Fekir. Le profil de Lemar, capable de jouer comme ailier plus organisateur que dynamiteur, voire comme relayeur, donnerait des possibilités supplémentaires aux Bleus  contrairement à celui de Fekir, dont le profil se rapproche plus d’un Griezmann. Mais le capitaine de l’OL effectue une saison exceptionnelle, alors que le meneur de jeu de Monaco est en délicatesse et enchaine les pépins physiques.

La dernière place se disputerait donc entre Alex Lacazette et Olivier Giroud. Les deux attaquants apparaissent désormais comme des seconds choix en club, et ils auront fort à faire pour convaincre leurs entraineurs respectifs, ainsi que leur sélectionneur. Avantage cependant à Giroud, qui bénéficie du crédit équipe de France.

Des surprises, vraiment ?

On le sait, Didier Deschamps n’est pas forcément un adepte des surprises de dernière minute, et considère la vie de son groupe comme une des priorités à la réussite d’une compétition internationale. En 2014, comme en 2016, les suprises n’étaient pas venues des 23 sélectionnés mais des 7 réservistes. Certains d’entre eux (Schneiderlin, Cabella en 2014 ou encore Umtiti en 2016) avaient finalement gagné leur place suite à des blessures. 2018 ne devrait pas déroger à la règle, et il est possible que l’on voit de nouvelles têtes venir renforcer les Bleus durant les premiers stages de préparation.

Choisir des nouvelles têtes parmi les réservistes, c’est aussi s’éviter des casse-têtes avec les réguliers du groupe, qui devront gérer leur frustration de ne pas prendre part à la coupe du monde, pendant que leurs collègues s’apprêtent à la disputer. C’est par exemple dans cette optique qu’en 2014, Cabella avait fait partie des réservistes alors que Payet, pourtant présent durant toute la phase de qualifications, n’avait pas été appelé.

Alors, peut-on s’attendre à voir de nouveaux noms dans la liste des sept bouche-trous qui auront la chance de récupérer un survêt de la FFF ? Certains profils colleraient bien aux critères, comme celui de Benjamin Lecomte. S’il ne possède pas l’expérience pour prétendre à une place de troisième gardien, celui qui est à la tête de la deuxième meilleure défense de L1 derrière le PSG effectue une saison remarquable et pourrait en être récompensé.

En défense, le staff de l’EDF a prouvé qu’il tournait ses yeux vers la Bundesliga lorsqu’il a appelé, à la surprise générale, Benjamin Pavard. Ca tombe bien puisque deux autres français s’y révèlent cette saison : le central de Leipzig, Dayot Upamecano, issu de la génération 1998 comme Kylian Mbappé, déjà suivi de près par le Barça ; mais aussi le joueur de Mayence, Abdou Diallo. Ce dernier est d’ailleurs le capitaine de l’équipe de France U21, très régulièrement surveillée par Didier Deschamps. Formé à Monaco, il est devenu un habitué des équipes types de la semaine outre-Rhin, et ses prestations ont d’ores et déjà tapé dans l’œil d’Arsenal, qui pourrait tenter une offensive l’été prochain.

Au milieu de terrain, la polyvalence d’un Morgan Sanson pourrait lui permettre d’accéder au groupe France. Aussi à l’aise dans un 4-3-3 que dans un 4-2-3-1, son profil pourrait être utile à Deschamps en cas de changement de système en cours de compétition, comme cela avait pu être le cas à l’Euro. Si Deschamps privilégie l’expérience, ou un profil plus défensif, il pourrait une nouvelle fois se tourner vers Steven Nzonzi, qui a retrouvé sa place de titulaire à Seville.

Notre pronostic, à quatre mois de la liste :

Gardiens : Lloris, Mandanda, Areola

Défenseurs : Sidibé, Pavard – Varane, Umtiti, Koscielny, Kimpembe – Kurzawa, Mendy ou Amavi

Milieux : Kante,  Pogba, Tolisso, Matuidi, Rabiot, Lemar

Attaquants : Dembélé, Mbappé – Griezmann, Giroud – Martial, Fekir

Réservistes : Lecomte – Amavi ou Sarr – Diallo – Nzonzi – Sanson – Thauvin – Lacazette

 

Crédit photo: AFP PHOTO / CHRISTOPHE SIMON

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