Munich 1958, épisode 2 : Duncan Edwards, celui qui aurait dû être le meilleur joueur du monde

(Première partie du dossier sur Munich 1958)

Parmi les victimes du crash de Munich se trouve Duncan Edwards. On lui prédisait le meilleur avenir, certains s’aventurant à dire qu’il deviendrait le meilleur joueur du monde. Pourtant quinze jours après l’accident, il s’éteignit dans son lit d’hôpital, laissant son club et sa ville orphelin de tout espoir. Retour sur le parcours de celui qui aurait dû être le meilleur joueur du monde.

« His name is Duncan Edwards, of Dudley. » C’est avec ces mots que le mythe est né. Un simple fax de Jack O’Brien pour le coach Matt Busby et le début d’une histoire tragique qui a laissé une trace indélébile dans la mémoire de tous les passionnés de football. Le jeune Duncan n’a alors que douze ans mais il fait déjà partie de l’équipe scolaire d’Angleterre. Son destin aurait pu être tout autre s’il avait décidé d’aller à ce fichu festival de danse traditionnelle plutôt que de participer à un match d’essai avec les meilleurs écoliers footballeurs du pays.

Mais le jeune Edwards avait décidé que le football était ce qu’il y avait de plus important dans la vie, qu’il y dévouerait son amour, qu’il y laisserait la vie s’il le faut. Et quand à 14 ans, le gamin se retrouve capitaine de son équipe au beau milieu de Wembley, il n’y a plus de doutes sur ses chances de devenir footballeur, c’est un surdoué, un ange qui illumine la vie déjà bien sombre des Edwards, eux qui ont perdu leur fille, la sœur de Duncan, deux semaines seulement après sa naissance. Alors quand les recruteurs de Manchester United se rendent à Dudley pour toquer à la porte des Edwards et proposer un contrat au jeune fils avant qu’un autre club ne le fasse, on accepte sans hésiter, on abandonne les études de charpentier et on embrasse son rêve, celui de vivre de sa passion, de rencontrer ses idoles et de marquer l’histoire.

Duncan Edwards débarque à Manchester en 1952, à 16 ans, où il intègre l’équipe des jeunes avec laquelle il va remporter, cette même année, la première édition de la FA Youth Cup. Mais le gamin est pressé, il n’a pas de temps à perdre et dès le printemps 1953 il intègre l’effectif professionnel pour jouer son premier match contre Cardiff, une défaite 4-1, une gifle pour celui qui devenait alors le plus jeune joueur de première division.

Pourtant, malgré les défaites et la perte inéluctable du titre, Matt Busby n’en démord pas, c’est avec les jeunes qu’il a envie de construire cette équipe, avec Edwards, Blanchflower, Pegg ou Viollet. Peu à peu la moyenne d’âge de l’effectif chute et les jeunes joueurs sont rapidement amenés à prendre des responsabilités. Duncan Edwards est discret, pas du genre à hausser le ton, mais c’est par le football qu’il s’impose comme un leader. Il devient titulaire régulier la saison suivante tout en continuant de jouer pour l’équipe de jeunes avec laquelle il remporte pour la deuxième année consécutive la FA Youth Cup. A 18 ans, Duncan Edwards semble déjà faire partie des valeurs sûres de son club mais son ascension est encore loin d’être terminée.

L’année suivante il joue son premier match pour la sélection Anglaise, une victoire 7-2 contre l’Ecosse et encore de belles promesses pour celui qui au milieu de tous ces matchs d’adultes enfilent pour une dernière fois la tunique des jeunes mancuniens et gagne une troisième FA Youth Cup d’affilé. Mais il est désormais temps pour lui de ne plus être un jeune-homme. Duncan Edwards s’en va faire son service militaire avec un autre jeune de Manchester qui n’a pas encore connu d’apparition en équipe première, un certain Bobby Charlton. Heureusement pour lui, Edwards a la permission d’aller jouer les matchs le weekend et c’est ainsi qu’il gagnera son premier titre de champion d’Angleterre.

Manchester renoue avec le succès quatre ans après leur dernière victoire et Duncan Edwards n’y est pas pour rien. La saison suivante repart sur les mêmes bases, à la différence près que Manchester participe pour la première fois à la Coupe des Clubs Champions. Duncan et ses coéquipiers dont fait désormais partie Bobby Charlton survolent le championnat qu’il remporte pour la deuxième fois consécutive. Malheureusement, ils perdent en finale de la FA Cup et en demi-finale de Coupe d’Europe contre le Real Madrid, mais l’essentiel est là : la victoire en championnat et la promesse d’un avenir encore plus radieux.

 

Manchester United manager Matt Busby and two of his players, John Berry (left) and Duncan Edwards (right) photographed on a happier occasion – in the dressing-room at Bournemouth after they had qualified for the FA Cup semi-final in March, 1957.

 

La saison 1957-1958 doit être l’année de la suprématie pour les mancuniens. S’il y a bien une équipe qui peut faire tomber le grand Real Madrid en Coupe d’Europe, c’est bien le club du Nord de l’Angleterre. Il faut dire qu’avec son effectif de jeunes joueurs qui jouent ensemble depuis désormais plusieurs années et dont certains sont déjà des tauliers, tous les espoirs sont permis.

Duncan Edwards est, de son côté, bourré d’ambition, on lui promet le capitanat de l’équipe nationale pour bientôt et les grandes écuries européennes commencent à lorgner sur lui. Mais lui ne pense qu’à jouer. Avec son physique, avec sa technique, on ne sait pas vraiment très bien quel est le poste d’Edwards, lui-même ne le sait pas, il joue tout simplement, il s’amuse et fait étal de son talent. Et autour de lui, le talent ne manque pas non plus. Manchester déroule et accumule les prestations plus spectaculaires les unes que les autres comme ce 1er février 1958 où les Red Devils se rendent à Highbury, dans l’antre des Gunners pour un match mémorable.

Mémorable déjà parce qu’il y a eu 5-4 pour les joueurs de United. Mémorable aussi parce que ce jour-là, les londoniens ont pu contempler le talent de cette bande de gamins qui alignent but sur but. Charlton, Taylor, Viollet, Edwards. Ils sont tous là pour rendre grâce au football. Mémorable, enfin, parce que ce match là sera le dernier. Le dernier de cette génération. Le dernier des Busby Babes. Le dernier avant ce voyage à Belgrade. Le dernier de Edwards.

Que serait-il advenu s’il était encore là une semaine plus tard ? Tout le monde lui prédisait le meilleur avenir possible. Aurait-il éclipsé les Pelé, les Di Stefano ? Aurait-il empêché la consécration de Bobby Charlton, la naissance de George Best ? Duncan Edwards s’en est allé après quinze jours d’agonie sur un lit d’hôpital, quinze jours où tout le monde ne pensait qu’à son retour, quinze jour, pas un de plus car le 21 février, celui qui aurait dû être le meilleur joueur du monde est mort des suites de ses blessures, emportant avec lui toutes ses questions qui resteront sans réponses, emportant avec lui tous les espoirs qui était nés dix ans plus tôt : « His name is Duncan Edwards, of Dudley ».

CREDITS PHOTO : Kickstarter

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Quand les gens sont d'accords avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper.