Après 30 années passées à entraîner, Gernot Rohr est aujourd’hui à l’aune du plus grand challenge de sa carrière. Lui qui a connu les joies d’un parcours européen comme de véritables désillusions se trouve aujourd’hui devant la montagne appelée Coupe du Monde. L’un des derniers grands challenges d’une carrière de coach bien remplie.
15 mai 1996. Jusqu’à aujourd’hui, cette date résonne comme le highlight de la carrière de Gernot Rohr. Ce jour-là, ses Girondins de Bordeaux retrouvent pour le match retour de finale de Coupe UEFA le grand Bayern Munich, avec 2 buts à remonter. Après une défaite 2-0 à Munich, les coéquipiers de Zizou se voient, à Lescure, offrir une chance de rééditer l’exploit réalisé quelques semaines plus tôt contre le Milan AC, et ce, pour s’offrir un titre européen, trois ans après celui de l’Olympique de Marseille.
Si tout ne se passe pas comme prévu, Scholl et Kostadinov réduisant à néant les espoirs bordelais, cette date résonnait jusqu’alors comme le plus bel achievement de Gernot Rohr, malgré le fait que ce dernier soit arrivé sur le banc en cours de saison. La « rimonta » contre l’immense Milan AC, c’est lui. Cette finale perdue, c’est aussi la sienne. Et elle venait couronner une légende de la maison scapulaire, qui n’a jamais rechigné tant quand il était joueur que quand il devait jouer les coachs pompiers après sa retraite sportive.
Pendant près de 15 ans, le coach franco-allemand voguera au gré des propositions sportives pas toujours alléchantes, de piges en piges, sans réel succès sportif ni stabilité. De Nice à Ajaccio en passant par Berne, Sousse, Créteil ou Nantes, Rohr tentera de rééditer une perf, en vain.
Alors après 15 années d’échecs en club, Rohr passe aux sélections nationales. Première étape : le Gabon, en 2010 avec l’objectif de réaliser une belle performance lors de la CAN 2012, co-organisée au pays. Emmenés par Rohr, la bande à Aubam égalera la meilleure performance de son histoire, tombant en quart de finale, sur un TAB manqué de la gazelle de la Ruhr.
Après le Gabon, Rohr tentera la mission Niger, une mission extrêmement compliqué tant les performances du pays sur la scène footballistique se comptent sur les doigts d’un manchot. Sans succès. Son rebond éclair au Burkina Faso le sera également. Et puis, depuis maintenant deux ans, le Nigéria …
Été 2016, Salisu Yusuf est nommé sélectionneur des Super Eagles. Pour compléter son coach nigérian, la fédération nigériane souhaite incorporer au staff un directeur technique, ayant obligation de résidence au pays. Longtemps pressenti pour le poste, Paul le Guen le refuse. Au grand bonheur de Gernot Rohr, qui saute sur l’occasion.
Positionné dans un groupe de qualifications composé de la Zambie, de l’Algérie et du Cameroun, le Nigéria fait office d’outsider dans ce groupe de la mort. Déjouant les pronostics, grâce à un parcours à domicile des plus fringants (3 victoires, 8 buts marqués, 1 encaissé), le Nigéria se classera premier du groupe, accompagnant ainsi la Tunisie, le Maroc et le Sénégal en Coupe du Monde.
Aujourd’hui, Gernot Rohr n’est plus le simple « conseiller technique », il est LE boss nigérian. Lui et Yusuf forment un duo qui fait revivre le football au pays, un football qui semblait manquer de liant depuis la génération « Kanu-West ». Le duo a surtout permis l’avènement de la nouvelle génération, pétrie de talent : Ndidi, Musa, Iwobi, Iheanacho …
Dans quelques jours, les hommes de Rohr rencontreront la Croatie, l’Islande puis enfin l’Argentine (leur bête noire en Coupe du Monde). Pas une partie de plaisir donc. Mais comme en éliminatoires, ils seront outsiders. Eux qui ont tout à gagner se verraient bien rééditer l’exploit de 98, où ils avaient terminé premiers d’un groupe relevé composé du Paraguay, de l’Espagne et de la Bulgarie. Gernot, lui, est devant son plus beau défi. Après des années de vache maigre, il a là l’occasion de montrer que 96 n’était pas un hasard.
Pour tout savoir de l’équipe du Nigéria 2018, ça se passe ici :
Crédits photos : AFP PHOTO / Kirill KUDRYAVTSEV