Que penser de la vision du foot de Jacques-Henri Eyraud ?

C’était il y a une semaine. Mardi 30 octobre, Jacques-Henri Eyraud, le président de l’Olympique de Marseille, a participé à une conférence sur le futur du ballon rond intitulée « Football du futur : des innovations qui pourraient bouleverser le football dans les années à venir » lors du Sport Innovation Summit à Paris. Un bouleversement serait effectivement causé si les idées du Harry Potter de la Canebière venaient à être mises en place, cela ne fait aucun doute. Toutefois, serait-il vraiment positif et profitable au football et à ses valeurs ou même aux valeurs plus générales du sport ? Rien n’est moins sûr…

Une vision élitiste et autarcique du football

Dans l’avenir, le football européen by JHE, c’est finalement une NBA avec les pieds. Deux conférences : une Nord et une Sud, 18 équipes par conférence issues du « big five » (la Ligue 1 ou la Serie A sur le même pied d’égalité que la Premier League ou la Liga, seriously ?) avec une répartition des équipes par quotas : sept équipes en Espagne, six en Angleterre et en Allemagne, quatre en Italie et trois en France. Plusieurs questions sont soulevées par cela. D’abord, il semblerait que les équipes dans ce championnat soient fixes (JHE a par exemple cité le PSG, l’OL ou l’OM dans les clubs français).

Cela pose un problème de compétitivité : comment des clubs peuvent-ils ne jamais risquer de ne plus participer à ce tournoi ? Ensuite, sur quels critères détermine-t-on les équipes qui y participent ? Le classement en championnat ? Il apparaît tout de même qu’une équipe comme Monac (19ème) soit plus à même à rivaliser avec les cadors européens pour plusieurs facteurs que le Montpellier du génie Der Zak’ ou le LOSC du professeur Cricri Galtier. Sur l’aspect financier ? Cela marquerait dès lors la fin d’un processus de gap important entre les équipes à gros budget. Cela signifierait qu’une équipe qui ne dispose pas des fonds nécessaires serait inévitablement condamnée à croupir dans son championnat national…

Enfin, le système de quotas par championnat est absurde. Six équipes en Bundesliga ? Eyraud a-t-il seulement vu un seul match de Buli depuis cinq ans où le niveau décroît sans cesse ? On prend ici le cas de la Bundesliga mais, hormis la Premier League et peut-être la Liga (et encore), l’ensemble des championnats européens perdent en niveau d’année en année. A la rigueur, une ligue avec les vainqueurs ou le podium de tous les championnats européens semble plus juste et peut-être plus cohérente sur le plan sportif.

Par cette idée – bien que ce ne soit encore qu’une idée – il y a une volonté d’élitiser le football en ne permettant l’accès au niveau qu’à un cercle très fermé de clubs. Certes, ce phénomène est en train de se produire en Ligue des Champions avec le redécoupage des places attribuées à chaque championnat mais ce n’est pas une raison pour suivre dans cette voie. Bien sûr, Jacques-Henri a, à sa décharge, le fait qu’il fait ainsi passer les intérêts de l’OM au premier plan puisque l’accès à cette ligue serait une aubaine financière importante pour n’importe club qui y participerait. Toutefois, c’est une vision particulièrement restreinte de ce qu’est le football et de ce qu’il véhicule socialement. A long terme, c’est une vision qui peut même potentiellement s’avérer dangereuse avec des clubs de « bas niveau » laissés pour compte au profit des clubs les plus importants financièrement (ce qui est déjà en train de se dérouler d’ailleurs).

La douteuse « éloge du style »

Autres règles avancées par l’ami Jacques-Henri : le fait qu’un but marqué sur une frappe à plus de 18 mètres des buts compte double, qu’un but bonus soit accordé en cas de victoire par au moins trois buts d’écart ou la mise en place de tirs au but si égalité après 90 minutes en championnat pour éviter les matchs nuls (comme en basket, finalement). Facilement compréhensible, il prône un jeu tourné vers l’avant qui favoriserait les buts et le spectacle. En soi, pourquoi pas. Néanmoins, une perte de qualité de jeu semble incontournable pour arriver à ces principes. Ajoutons à cela, qu’une forme d’idéologie dominante s’imposerait à toutes les équipes : celle qui veut que l’attaque doit passer avant la défense.

« La meilleure défense c’est l’attaque » dit-on, mais il ne faut pas oublier que le poste de défenseur existe. Et s’il existe, ce n’est pas juste pour faire mumuse, c’est aussi parce que les défenseurs ont un rôle : défendre. On pourrait évidemment avoir le débat sur les latéraux modernes qui peuvent pratiquement jouer ailier ou les centraux qui assurent parfois les transitions entre le milieu et l’attaque, mais là n’est pas la clé. La clé, c’est qu’il y a un désir d’en finir avec les styles de jeu marqués par la solidité défensive comme c’est le cas de l’Atlético Madrid par exemple. Tout aussi efficaces que des visions du foot plus offensives, le foot plus défensif a déjà fait ses preuves et montré qu’il était possible de parvenir à des résultats sans pour autant mener des attaques avec huit joueurs dans les trente derniers mètres adverses.

Autre point à noter avec ces trois possibles réformes et notamment celle des tirs au but en cas d’égalité : le fait qu’une équipe inférieure qualitativement vienne chercher le match nul face à une équipe plus forte. Il ne faut pas se méprendre, bien que cela puisse sembler un peu regrettable, pour certains clubs, c’est le seul moyen de grappiller des points qui permettent de ne pas être relégués à la fin de la saison. Évidemment, ces équipes peuvent s’en sortir victorieuses puisqu’une séance de tirs au but fait entrer en jeu une part de hasard. Mais cela reste tout de même incertain. Cela peut paraître fantaisiste mais psychologiquement, aller arracher un 0-0 sur la pelouse d’un concurrent au titre lorsque l’on joue le maintien peut relancer une saison. Briser tous les efforts tactiques puis physiques d’une équipe est dès lors terriblement cruel. #LibertéPourLesEntraineursDuVentreMouDeLaLigue1

Crédit photo : Bertrand Langlois / AFP

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4-4-2 losange et presunto comme exutoires.