L’on croyait la France, ce grand pays d’Europe de l’Ouest développé faisant partie des fameux « cinq grands championnats », totalement imperméable au « mur de l’argent » comme le disait Léon Blum en campagne en 1936. Toutefois, les polémiques et controverses se succèdent depuis plusieurs mois que ceux-ci concernent la Fédération, la Ligue, le football amateur, la Ligue 1, la Ligue 2,… Bref, l’ensemble du football français se voit contaminé par le pouvoir financier, certains diraient même le « Grand Capital ». Mais quels sont les symptômes de cette situation qui place le football français sous la tutelle de grands groupes et de grands propriétaires et comment, dès lors, s’en sortir ?
Entre namings et sponsors, la difficile recherche de fonds
La dernière nouvelle date du mercredi 12 juin de cette année, elle est toute fraîche mais n’est pas marquée par sa fraîcheur : la Ligue 1 Conforama deviendra la Ligue 1 Uber Eats à partir de la saison 2020-2021. Après s’être posé dans le canapé, on se commande à manger ! En plus de faire de la pubicité pour une plateforme incitant à consommer principalement de la « malbouffe » alors qu’on nous bassine à longueur de journée sur le fait de manger cinq fruits et légumes par jour, de pratiquer une activité physique régulières, … Mais soit, passons. Le problème essentiel réside en ce que la Ligue, pour gratter une petite dizaine de millions d’euros (qui sont absolument dérisoires à l’échelle de ses recettes) dénature le nom des championnats pour des raisons purement comptables. Plus grave encore lorsque c’est le nom d’une filiale qui contribue à la précarisation des travailleurs et ne paie pas ses impôts en France qui est choisi pour le nom de la première division française. Le même problème concerne par ailleurs les clubs avec le naming de leur stade : Allianz Riviera à Nice, Matmut Atlantique à Bordeaux, Orange Vélodrome à Marseille, MMArena au Mans et même Centre d’entraînement Ooredoo au PSG…
Concernant le sponsoring des clubs, cette question n’est évidemment pas spécifique au cas français mais la majorité des clubs français, ne disposant pas de recettes importantes, voient leur maillot totalement inondés de sponsors en tout genre. Qui ne se souvient pas du « WatiB » inscrit à l’arrière du shorts du Montpellier Héraut SC il y a quelques années ? Ainsi, des équipes telles qu’Amiens ou Toulouse en Ligue 1 et à peu près toutes les écuries de Ligue 2 voient leur maillot quasiment perdre de son identité en raison de ces symboles publicitaires qui n’en finissent pas. Cette dictature de l’argent pour garder hors de l’eau sportivement pose aussi un problème non négligeable d’esthétique.
La DNCG, gendarme financier de la Ligue
Une autre décision est tombée ce mercredi 12 juin (décidément !) : la relégation administrative de Nancy et Sochaux, normalement pensionnaires de Ligue 2 pour la saison 2019-2020, en National 1 suite à des bilans financiers jugés trop poreux par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Loin d’être les premiers et sans doute pas les derniers, les joueurs, le staff, les supporters paient une gestion à priori mauvaise des finances du club par la direction. Concernant le cas du FC Sochaux Montbéliard, cette décision est d’autant plus injuste qu’elle est liée au désinvestissement massif du groupe Peugeot qui, années après années, a totalement délaissé le club alors qu’il en était l’actionnaire majoritaire. Le paradoxe de cette organisation est qu’elle avait initialement pour but d’exercer une sorte de fair-play financier à échelle réduite en vérifiant que l’endettement des clubs ne soit pas tel que le fossé sportif se creuse entre les clubs dépensiers et ceux qui le seraient moins. Cependant, c’est l’effet inverse qui s’est produit puisque les clubs les plus riches voient leurs dépenses largement compensées par leurs recettes grâce au sponsoring, à la billetterie et aux droits TV principalement là où les plus modestes, bien qu’ils dépensent moins en volume, dépensent plus en valeur car leurs recettes sont beaucoup moins élevées proportionnellement.
La DNCG, qui devait originellement sanctionner les clubs les plus aisés, se retrouve finalement à sanctionner les plus pauvres. L’on peut être en accord ou pas avec le fait de sanctionner les clubs « trop » endettés, mais même si l’on s’accorde sur le fait qu’il doit y avoir sanction, celle-ci ne pourrait-elle pas être financière et rétroactive plutôt que sportive et immédiate ? Au lieu de condamner les clubs à des relégations administratives et à payer immédiatement ce qu’il leur manque, pourquoi ne pas les maintenir dans leur division en leur interdisant des dépenses supplémentaires en vue d’un remboursement dans le futur ? Le fait que des solutions alternatives plus viables existent est aussi l’un des facteurs qui cause ce ressentiment envers la DNCG, perçue, vraisemblablement à raison, comme une bête tyrannique.
La solution : entre auto-gestion et régulation
En résumé, le football français (le football en général également, mais l’on se penche ici sur la France) est aujourd’hui confronté à trois problèmes majeurs : le financement des clubs, la gestion de ceux-ci et l’administration des instances qui peut sembler trop technocratique et trop ancrée dans une logique comptable. L’idée ici est de proposer des esquisses de solutions aux deux dernières problématiques (la première étant difficile à résoudre dans un système capitaliste).
Pour gérer les clubs de manière plus horizontale et en s’assurant que l’aspect sportif passe avant l’aspect financier, pourquoi ne pas faire s’inscrire les supporters dans le processus décisionnel en allant dans le sens du système de socios qui existe déjà dans plusieurs pays comme l’Espagne ou le Portugal ? Pourquoi même ne pas aller plus loin en ne les limitant pas qu’au choix du président et à diverses votations finalement assez superflues ? Ces supporters pourraient à titre d’exemple voter pour la signature, ou pas, d’un joueur au club, d’un entraîneur, se prononcer sur l’arrivée d’un nouveau sponsor,…
Une fois ce système établi, un socio pourrait par exemple être désigné au sein de chaque club pour siéger dans une instance supérieure qui remplacerait la Ligue. Cette instance siégerait chaque semaine pour prendre les décisions en lien à la journée de championnat écoulée et se verra preneuse de décisions majeures pour les différents championnats de France de football. Evidemment, ce ne sont que des pistes peu étayées qui ne font office que d’axes de réflexion en vue de repenser un football français trop vertical et pas assez à l’écoute de ceux qui font le football aujourd’hui.
Bien que relativement complète cette liste de problèmes du football français en lien avec la sphère financières reste largement non exhaustive : l’écart entre les clubs à gros budget et les autres ne cesse de se creuser, voilà que des problèmes de paris sportifs refont surface en Ligue 1 et en Ligue 2, le football amateur n’a jamais été aussi précarisé depuis cinquante ans,… En somme, le mal est grand et sa résolution, si résolution il y a, sera longue et difficile.
Crédit photo: FRANCK FIFE / AFP