En pleine crise, l’OL peut compter sur le fer de lance de son attaque : Memphis Depay. Leader incontesté de son club et de sa sélection, il arrive enfin à maturité, après un début de vie et de carrière semé d’embuches.
19 mai 2018, Lyon joue sa qualification en Ligue des Champions à domicile, contre Nice. Au Groupama Stadium ont lieu les dernières foulées d’un sprint final haletant mêlant l’OL, Monaco et l’OM. L’équipe de Bruno Genesio peine et est même menée au score, mais un homme fait tout basculer. Memphis Depay, d’un bon déplacement dans la surface, d’un coup-franc glissé sous le mur et d’une course dans le dos de la défense inscrit un triplé synonyme de podium de Ligue 1. Un an et demi après son arrivée dans le Rhône, c’est bien ce soir-là qu’il rentre dans le cœur des supporters lyonnais. La route fut longue, sinueuse et laborieuse. Mais le Néerlandais semble enfin tracer la sienne. Il était temps.
Un besoin de réussir
« Memphis avait le football. C’est ça qui l’a sauvé », a avoué sa mère. Après une enfance difficile, notamment suite à l’abandon de son père lorsqu’il n’avait que trois ans, Memphis Depay a une soif de vaincre énorme. Et une ambition débordante. Surdoué, il a très vite tapé dans l’œil des plus grands clubs européens. « Je savais qu’il deviendrait un joueur professionnel », s’est persuadé l’un de ses entraîneurs chez les jeunes du Sparta Rotterdam, son club lorsqu’il n’avait qu’une dizaine d’années. C’est aussi à cette période que son grand-père, sa figure paternelle, décède. « Sa tristesse, il l’évacuait par la colère » analyse sa mère. Et sa colère, c’est par le football qu’il s’en libérait.
« Aux entraînements, c’était le dernier arrivé, mais c’était aussi le dernier à rentrer chez lui. Il restait à s’entraîner devant le but, à tirer les coup-francs… », se rappelle Jetro Willems, son ex-coéquipier au PSV. C’est à 21 ans, après deux saisons pleines au PSV Eindhoven et une nomination pour le trophée de meilleur jeune du Mondial 2014, qu’il rejoint le mythique Manchester United, contre 34 millions d’euros.
Une mutation en leader
Le meilleur buteur d’Eredivisie 2014/2015 (22 buts) ne s’impose pas Manchester United. Le poids du numéro 7 des Red Devils est trop lourd à porter pour lui. A peine 18 mois plus tard, subissant un temps de jeu en chute libre, il est envoyé à Lyon pour se relancer. Le club de Jean-Michel Aulas en fait directement la star de l’équipe, qui va vivre les départs de Lacazette et Tolisso quelques mois plus tard. Si ses premiers mois sont frustrants, sa deuxième saison va relancer une carrière trop neutre pour un joueur de sa qualité.
En début de saison, Bruno Genesio avait besoin de piquer son joueur néerlandais. Tantôt titulaire, tantôt remplaçant, ce dernier sera même laissé en tribune. De mieux en en mieux au fur et à mesure de la saison, il marquera 10 buts entre la 30e et la 38e journée de cette Ligue 1 serrée comme rarement. En plus de son triplé face à Nice, il a offert des victoires dans les derniers instants contre le PSG et l’OM. Il finit la saison meilleur buteur (19 buts) et passeur (9 passes décisives) de Lyon en Ligue 1.
Cette année, suite au départ de Fekir notamment, il prend le leadership de l’OL, que ce soit sur le terrain ou dans le vestiaire. « Il y a des moments difficiles. Nous devons être plus agressifs. C’est aux joueurs de prendre leurs responsabilités. On a besoin du soutien de nos supporters pour surmonter cette période difficile. J’ai eu une bonne conversation avec eux », avait-il déclaré après la défaite lyonnaise contre Nantes.
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S’il est performant avec le maillot lyonnais, c’est avec une tunique orange que Memphis tutoie des sommets. Lors des trêves internationales, le numéro 10 des Pays-Bas s’impose comme le leader offensif de cette jeune génération batave. Il est l’un des quatre seuls titulaires de cette équipe à avoir vécu l’épopée de 2014 (3ème place au Mondial). A seulement 25 ans, le joueur aux 51 sélections fait parler son vécu et son talent pour briller et faire briller les autres.
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Au cœur du jeu pour s’exprimer pleinement
Si c’est avec sa sélection que le talent de Memphis s’exprime le mieux, c’est en partie dû à son positionnement sur le terrain. Il est replacé dans l’axe du jeu par Ronald Koeman, son sélectionneur au Pays-Bas. « A Lyon, il est plutôt utilisé comme un ailier. Peut-être qu’il est plus heureux dans le rôle qu’il occupe en sélection ? », se demande ce dernier. Qu’en pense le principal intéressé ? « C’est vrai qu’en jouant numéro 10 ou attaquant, j’ai plus de liberté pour m’épanouir, demander le ballon… », analyse-t-il. En effet, le joueur aux 120 buts en carrière a désormais besoin que le jeu passe par lui pour réguler au mieux son équipe. C’est son boulot. Celui d’un joueur supérieur.
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A Lyon aussi, tout ou presque passe par son numéro 11. Aligné soit à gauche, soit en tant qu’attaquant, il jouit d’une liberté de tous les instants pour être le principal décideur du jeu lyonnais. Fort dans la dernière passe, pour prendre la profondeur ou même pour finir des deux pieds dans la surface, il arrive désormais à avoir une importance loin du but et dos au jeu, où ses progrès dans ses déviations dans des petits espaces témoignent de l’évolution de son jeu. Memphis arrive même à se mettre au diapason du collectif et faire les efforts défensifs nécessaires. Bien loin du footballeur qu’il était à son arrivée dans le Rhône.
Les défauts de ses qualités
Destiné à devenir l’un des meilleurs footballeurs de cette planète, Memphis en est encore loin. Malgré sa progression constante. De son propre aveu, il « doit devenir plus régulier » pour définitivement passer un cap. S’il refuse probablement de se l’avouer, il doit également purifier son jeu. Conscient de son talent, Memphis tente beaucoup. Quand ça marche, comme sa frappe de 50 mètres contre le TFC par exemple, c’est magique. Mais beaucoup d’échecs sont également à souligner. Trop pour un joueur qui prétend à devenir le meilleur.
Il n’a d’ailleurs jamais caché son ambition débordante. Quitte à paraitre arrogant ou pire, à vexer ses propres supporters. « Je veux aller dans un club comme le Real Madrid, le FC Barcelone, Chelsea, Manchester City, le Paris Saint-Germain ou le Bayern Munich », avait-il annoncé, en janvier dernier, au magazine néerlandais Helden. Son comportement parfois nonchalant sur le terrain mêlé à ce genre de déclarations peut faire jaser dans les tribunes du Groupama Stadium. A raison.
Mais force est de constater que le joueur, également musicien/chanteur grâce à l’influence de son grand-père, fait de plus en plus l’unanimité. « On ne peut que l’aimer, même si quelques fois il nous fait frémir », a parfaitement résumé Jean-Michel Aulas. Engagé contre le racisme, il avait notamment attaqué Bonucci quand ce dernier avait chargé Moise Kean, pourtant victime de cris racistes. Personnalité à part entière sur et dehors des terrains, Memphis ne laisse pas indifférent. Pour le meilleur comme pour le pire. Mais la tendance tend quand même vers le meilleur. Ce n’était qu’une question de temps.
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