À travers le monde du jeu video, les aficionados du football retrouvent quelques sensations proches de leur sport chéri. Si Football Manager est la référence du football de gestion, c’est FIFA qui domine la simulation. Est-ce une si bonne chose?
Chaque année, la rengaine se répète. Ci-tôt le mois d’août achevé, les nouvelles saisons des différents championnats débutées, le mercato clos et les effectifs bouclés, les joueurs console n’attendent qu’une chose : la nouvelle mouture de FIFA.
Les espoirs sont aussi grands que les déceptions l’étaient à propos du FIFA précédent : mode en ligne scandaleux, mauvais serveurs, jeu trop rapide, situations incompréhensibles, défense très difficile, absence de contenu pour le mode carrière etc..
Chaque année donc, on se surprend à jeter un oeil aux Aperçus de jeuxvideo.com et leur barre “Très bon” qui indiquent qu’un nouveau grand FIFA se prépare…. Chaque année, EA invente un nouveau procédé au nom savant type “Pressure Control” qui doit permettre de franchir, enfin, le pas de la next-gen (elle qui, fallait-il le rappeler, a débuté en 2012 et va s’achever l’an prochain avec la PS5 et la nouvelle Xbox) et donner aux joueurs de football la même sensation de plaisir qu’ont les fans de basket, eux qui ont connu de si beaux NBA2K.
Des espoirs toujours déchus
Et pourtant, c’est la sempiternelle carotte qui se reproduit. EA Sports se complait à utiliser une technique pas très sympathique qui consiste à montrer de jolis bonbons pour mieux attirer l’enfant dans la camionnette blanche. Les bonbons? Une démo toujours bonne, bien équilibrée et à laquelle il faut ajouter un budget “marketing” qui doit probablement dépasser le budget “développement” tant les trailers sont jolis, choukis, sympatoches, ce que vous voulez.
La camionnette blanche, elle, c’est le jeu post sortie. Ci-tôt la première mise à jour de 3 Go (parce qu’il est bien connu que tout le monde a la Fibre chez lui et peut télécharger ça en 5 minutes, cré vindiou!) et le joli petit pavé explicatif de tout plein de trucs soit-disant contenus dans le fichier, et voilà. La messe est dite et le jeu devient alors exécrable.
Chaque année, le jeu est trop rapide. Chaque année, il est bourré de bugs incompréhensibles et de gardiens au quotient intellectuel digne de passer dans une émission de la si culturelle, si cool et si branchée NRJ12.
Ce qui est fabuleux depuis 3 ans, c’est qu’en plus des traditionnels nouveaux bugs dûs aux minuscules nouvelles features du jeu (type les coup-francs pouvant être tirés de différentes façons ou un mode volta complètement oubliable et à des années lumières du vrai FIFA Street 2) viennent s’accumuler les anciens bugs.
Une insulte permanente aux joueurs
L’introduction de la touche de protection de balle par exemple. Depuis son intronisation, sur FIFA 18, elle n’a eu de cesse de provoquer des mouvements totalement fantaisistes de la part des joueurs et de créer l’incompréhension au sein de celui qui contrôle l’équipe adverse. Comment est-il possible qu’en dépit de la pression de la bonne touche, celle de l’interception debout, le joueur soit totalement passé au travers d’une simple protection de balle?
La défense, tiens. Dans sa volonté, parce qu’il faut bien le relever, de passer d’un jeu de simulation à une espèce de fantaisie/bouillie, FIFA a totalement déséquilibré son jeu au profit, évidemment, de l’attaque. Ainsi, en plus du fameux geste technique qui permettait de faire un arc-en-ciel suivi d’un retourné acrobatique en moins d’une seconde et demi (on est sur Galaxy Football? C’est quoi le projet là?), EA s’est dit que ce serait une formidable idée d’avantager, pas un peu, pas beaucoup, d’avantager à l’extrême, l’usage de la fameuse touche triangle/Y et ses passes en profondeur.
C’est ainsi qu’il vous suffit, en dépit du fait que votre défense soit bien placée et que vous sachiez correctement jouer, qu’un triangle/Y soit fait à un ailier un peu rapide et technique et c’est fou-tu.
Impossible de le rattraper, même en se déplaçant en diagonale, impossible de l’intercepter, impossible de faire quoi que ce soit d’autre que de sortir son gardien en priant pour qu’il réussisse à faire une parade improbable.
Du football ou du City Stade?
Les gardiens, justement. Sur leur ligne, ils sont, la plupart du temps, injouables sur les frappes lointaines, sur les corners, sur les frappes venues de face. C’est ainsi que FIFA 20 a relancé, dans les différentes modes en ligne, la bonne vieille technique du passe-tir qui, couplée, évidemment, à la passe en profondeur, est une arme létale.
Des 8-3, des 6-5, des 9-6… les scores improbables s’enchaînent. Le plaisir, lui, n’est jamais présent, même dans la victoire. On joue par fierté, par orgueil après une défaite, parce qu’on a eu un niveau “compétitif” il n’y a pas si longtemps en arrière, parce que nos amis jouent aussi et que le jeu vidéo est une façon comme une autre de se retrouver pour des moments sympas. Finalement, on ne joue jamais juste pour passer un bon moment.
Parce que ces petits plaisirs la n’existent plus. Ils ont été sacrifiés par EA Sport sur l’autel de FIFA Ultimate Team et ses paiements intégrés. Ils ont été détruits par EA Sport au profit de sa nouvelle clientèle, les pré-adolescents (ou aussi appelés “pyjamas”, pour les intimes) qu’il faut rapidement rendre accrocs à la soi-disant référence en matière de simulation à l’aide d’un petit script (fallait-il encore prouver leur existence) de rééquilibrage qui permet à ces jeunes là de ne pas se faire détruire face aux joueurs plus expérimentés.
Le légendaire script.
Le script, tiens. Sa simple évocation fait rire ou crier. Similaire au monstre du Loch Ness, tout le monde l’a vu, l’a expérimenté une fois, mais personne ne peut en prouver l’existence. En parler, ce serait aussi grave qu’insinuer qu’une certaine communauté est constituée en lobby, que tel évènement est un complot, un hoax, une manipulation ou autre parole d’une si grande gravité. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : EA Sports, dans sa volonté de spectacle (et non de réalisme, pour définitivement en terminer avec ce débat), favorise certaines actions à certains moments.
Un script évident, par exemple, est celui du but qui survient immédiatement suite à un but. C’est un moment fort dans lequel l’attaque (celui qui a le ballon suite au but) est plus rapide, plus technique, plus précise, et la défense, elle, quelque peu plus lente. On ne marque pas de façon automatique, évidemment, mais il est bien plus simple de le faire.
Un autre script assez récurrent, celui des buts avant la mi-temps, après la mi-temps et avant la fin du match. Ce sont des “moments-clefs” qui, dans l’esprit des développeurs, donnent un petit côté “Epique” à chaque match. Dans tous les cas, c’est raté et le plaisir, lui, est decrescendo, à mesure que le jeu, aussi, devient daté graphiquement.
PES, au secours!
La victoire d’EA Sports sur la génération de consoles précédente (Xbox 360 et PS3) était méritée. Leur jeu était bien pensé, bien équilibré, se réinventait constamment, disposait d’une bonne ambiance (la bande son est, elle aussi, en recul permanent) et de toutes les licences déjà prêtes, à la différence de son rival historique, PES (devenu depuis eFootball PES) qui a totalement loupé sa transition post-Playstation 2 et Xbox avec PES 2008 et les suivants.
Devenu depuis lors incontournable, disposant d’un budget d’achat de licences et de marketing immensément plus important que les japonais de chez Konami, FIFA a été seul leader de longues années et s’est reposé sur ses lauriers, n’innovant donc que partiellement et rarement dans le bon sens.
Pendant ce laps de temps là, PES, lui, s’est réinventé. Il a clairement pris le parti du réalisme (et uniquement les bons côtés puisque, fallait-il le rappeler, un match virtuel de 5 minutes ne sera jamais équivalent à un match réel de 90 et tant mieux) avec une physique de balle absolument ahurissante. C’est qu’en l’absence de licences clefs, ce n’était que par le gameplay que les japonais pouvaient rivaliser avec les étasuniens et force est de constater que les progrès sont immenses.
Évidemment, il ne s’agira pas de dire ici que PES est le jeu parfait tandis que FIFA n’a que des défauts. PES, par exemple, propose toujours une animation quelque peu robotique des joueurs, la faute à l’absence de position “Marcher” pour les joueurs qui sont donc en espèce de sprint permanent. Ils ont donc un plus faible nombre d’animations de mouvement par rapport à FIFA, ce qui entraîne un rendu visuel quelque fois étrangers.
Mais pour autant, et parce qu’EA Sports, et plus globalement EA, dans sa logique marchande, continuera à se reposer encore longtemps sur ses lauriers et à proposer des moutures en recul constant si tant est que les ventes demeurent positives, il serait peut être temps d’envisager une nouvelle migration, de quitter le puissant FIFA pour le rebelle PES ci-tôt la nouvelle génération de consoles arrivée. C’est le dernier mécanisme de pression dont dispose le joueur et la dernière façon pour lui d’inciter les développeurs à, enfin, respecter les joueurs. Après tout, c’est ça ou l’option du retour sur ISS version Super Nintendo…