Trois raisons pour lesquelles Arsenal a bien fait de choisir Mikel Arteta

Fin novembre, Arsenal annonçait la démission d’Unai Emery. Après une deuxième partie de saison 2018-2019 très poussive et un début de saison 2019-2020 chaotique, sans jamais réussir à créer une identité ou à impulser ses idées, le désormais ex-entraîneur d’Arsenal a quitté l’Emirates Stadium. Après plusieurs semaines passées à sonder le marché des entraîneurs, le choix des dirigeants d’Arsenal s’est porté sur un ancien de la maison : Mikel Arteta. Bien que ce choix soit risqué de par son manque d’expérience, particulièrement quand on sait que des noms comme ceux de Carlo Ancelotti ou bien Mauricio Pochettino ont longuement circulé, voici trois raisons pour lesquelles Arsenal a bien fait de choisir Mikel Arteta alors que le club végète actuellement dans le milieu de tableau à l’orée de la difficile période du Boxing Day.

Parce que Mikel Arteta connaît bien la maison

Je suis de retour à la maison.” Une des première phrases prononcées par Mikel Arteta lors de la conférence de presse suivant son officialisation. Pour ceux qui ne le connaissent pas, voici un court récapitulatif de la carrière du natif de San Sebastian au parcours atypique : formation à la Masia, prêt au Paris Saint-Germain puis signature au Rangers. Retour dans ses terres natales avec une signature à la Real Sociedad en 2004, puis grand départ définitif pour le continent britannique avec une signature à Everton en 2005. C’est du côté de la Mersey que la créativité et l’intelligence de jeu de Mikel vont vraiment se révéler aux yeux du monde. Puis, en 2011, alors qu’Arsenal se trouve en pleine crise après les départs de cadres comme Nasri ou Fabregas, Arsène Wenger se doit alors absolument de renforcer son milieu de terrain. Son choix va se porter sur l’Espagnol. Le 31 août 2011, l’arrivée d’Arteta du côté de l’Emirates est officialisée. Le joueur acceptera même de baisser son salaire pour que le transfert se réalise. Ce dernier, bien que critiqué à l’époque car certains fans ne voyaient pas en Mikel Arteta un joueur capable de palier qualitativement au départ de Cesc Fabregas pour Barcelone, a fini par se révéler être un des transferts les plus importants réalisés par Arsenal durant cette décennie.

Durant sa première année au club, Arteta sera aligné au milieu de terrain dans un profil plutôt de relayeur aux côtés de joueurs comme Alex Song, Aaron Ramsey ou encore Tomas Rosicky, et participera activement aux différentes qualifications du club en Ligue des Champions. Après le départ de Song, Arteta occupera un poste plus reculé, à vocation plus défensive, et gérera cette transition avec brio grâce à sa justesse technique et sa grande intelligence de jeu. Il sera un des hommes forts d’Arsenal de 2011 à son départ en 2016. Mais outre ses performances purement footballistiques, c’est dans un autre domaine que Mikel Arteta va se démarquer : le leadership. Très tôt, des qualités évidentes de futur entraîneur émanent du natif de San Sebastian, qui devient, dans ses dernières années au club alors qu’il subit de nombreux pépins physiques, un véritable prolongement de la pensée Wengerienne auprès de ses coéquipiers.

Que ce soit à l’entraînement, en conférence de presse, au niveau de l’intégration des jeunes pousses ou bien dans l’explication de détails tactiques à ses coéquipiers, le rôle de Mikel est multiple, et on peut déjà sentir se dégager de lui une certaine maturité. Humble, avec un gros souci du détail et de l’investissement collectif général, il incarne parfaitement ce que représente Arsenal, et en a très bien apprivoisé les valeurs. C’est sûrement ce qui explique que déjà à la fin de la saison 2017-2018, alors que le départ d’Arsène Wenger venait d’être acté, Mikel Arteta était le favori pour le remplacer. Mais après un revirement de dernière minute du panel de sélection composé de Sven Mislintat (ancien responsable du recrutement pour Dortmund qui a quitté le club depuis), de Raul Sanllehi et du ô combien génialissime Ivan Gazidis (dont l’arrivée au Milan en septembre 2018 coïncide avec le déclin encore plus prononcé du club), c’est finalement Unai Emery qui a été choisi, notamment pour son expérience.

En dressant le bilan final du coach basque un an et demi après son intronisation, le constat est simple : son expérience n’a pas aidé. La connaissance et l’amour que porte Arteta pour Arsenal pourraient compenser ce manque d’expérience alors que l’ancien adjoint de Pep Guardiola s’apprête à vivre la première étape de son “job de rêve” cet après-midi contre Bournemouth.

Parce que Mikel Arteta a été à (très) bonne école

Il est absolument évident que le manque d’expérience d’Arteta pourrait devenir un problème. Mais s’il n’a jamais été entraîneur principal, l’Espagnol a eu, durant ses années d’adjoint à Manchester City, un des plus grands entraîneurs de l’histoire pour mentor. Déjà durant son passage à Arsenal, Arteta, dans un rôle de capitaine très investi effectuant une liaison permanente entre son coach et ses coéquipiers, a eu l’occasion d’en apprendre plus sur la vision footballistique d’une des grandes figures du ballon rond : Arsène Wenger. Mais c’est certainement aux côtés de Pep Guardiola que Mikel en a le plus appris. Le désir de Guardiola de s’attacher les services d’Arteta ne date pas d’hier.

Dans un livre détaillant le succès du Manchester City de Guardiola intitulé “Pep’s City, the making of a Superteam” on y apprend que cette volonté remonte à presque sept ans. Au courant des connaissances tactiques dont dispose Arteta, Guardiola appellera ce dernier afin de recevoir son avis alors qu’approche une rencontre de Ligue des Champions contre Chelsea en 2012. Impressionné par l’analyse d’Arteta, il le motivera plus tard, en 2015, alors qu’il est en partance du Bayern Munich, à devenir son adjoint dans son futur club : Manchester City. En 2016, alors qu’il met un terme à sa carrière de footballeur, son profil intéresse particulièrement 3 grandes figures du football mondial : Arsène Wenger, qui lui offre un poste d’entraîneur dans l’académie d’Arsenal, Mauricio Pochettino, son ancien coéquipier au Paris Saint-Germain qui lui offre un poste d’adjoint et enfin Pep Guardiola, qui le connaît bien depuis son passage à la Masia (les deux hommes entretiennent une relation proche depuis), qui lui propose aussi un poste d’adjoint à Manchester City. Début juillet 2016, Arteta devient officiellement l’adjoint de Pep Guardiola. Et bien que les fonctions attribuées aux adjoints dépendent d’un club à un autre, Mikel aura une grosse part de responsabilités à Manchester City.

Ses idées progressistes et son attachement au détail en font une personnalité très respectée, et il travaillera avec l’effectif aussi bien collectivement qu’individuellement. Ses connaissances en matière de football en feront également une figure très appréciée. L’impact qu’a eu Arteta durant son passage à Manchester City se ressent particulièrement dans le documentaire “All Or Nothing : Manchester City” dans lequel on voit très souvent Arteta essayer de faire comprendre à des milieux de terrains comme Kevin de Bruyne comment bien se positionner entre les lignes, ou à des ailiers plus atypiques comme Leroy Sané comment bien attaquer les espaces. Interrogé sur le rôle d’Arteta à City, ce dernier a déclaré : “Je m’entends très bien avec Mikel. Il a toujours raison. […] Il m’a donné plein de conseils. On parle beaucoup de mes mouvements, comment attaquer les espaces derrière la défense, ce que je dois faire balle au pied et le moment clé où je dois adapter ma vitesse.”

Ainsi, Arteta semble disposer des armes tactiques nécessaires pour devenir un très grand entraîneur. C’est une pensée partagée par ses trois “professeurs” : Mauricio Pochettino, Arsène Wenger et Pep Guardiola.. Interrogé sur la nomination de son ancien coéquipier, Pochettino a ainsi déclaré : “Il était très jeune quand j’ai joué avec lui au PSG. Il est arrivé à 17 ans et était déjà génial. Pas seulement grâce à son talent, mais également grâce à sa maturité sur le terrain, sa capacité à être un leader, sa connaissance du football m’a vraiment marqué parce que c’était un jeunot capable de parler comme un joueur de 30 ans. Pour moi, ce sera un très grand entraîneur quand il décidera d’en devenir un. Il peut devenir l’un des plus grands.

Son ancien coach à Arsenal, Arsène Wenger s’est également exprimé sur la question : “Il a un grand avenir. Il a beaucoup appris en tant qu’adjoint et il devra ensuite gérer son manque d’expérience à ce niveau. Il devra surtout être bien entouré, avoir un bon environnement au sein du club. Je pense que le plus important, c’est que chaque club, spécialement Arsenal, est construit sur certaines valeurs et, au sein du club, les gens doivent y faire attention.” Enfin, Pep Guardiola s’est également exprimé sur le sujet. “Il a décidé de partir là-bas. Vous savez, quand vous avez un rêve, c’est dur de vous arrêter. Il faut suivre ses rêves, et bien sûr Arsenal a joué un rôle important dans sa carrière, retourner à la maison était important pour lui, c’est une des meilleures équipes d’Angleterre. Je lui souhaite beaucoup de succès et je suis sûr qu’il va faire un excellent travail. »

Si le manque d’expérience ne plaide pas en faveur d’Arteta, trois mastodontes du football mondial partagent le même avis : il a ce qu’il faut pour réussir à Arsenal. Et parfois, la réussite professionnelle ne passe pas forcément par le recours à l’expérience : un jeune surdoué adoubé par trois grands professeurs reconnus offre au moins autant de garanties de réussite qu’un aguerri dont l’expérience est le principal atout. Et dans le cas d’Arsenal, le choix de l’après-Wenger qui a grandement été motivé par l’expérience n’a pas payé. Peut-être que le salut d’Arsenal passera par un vent de fraîcheur soufflant sur la pelouse de l’Emirates Stadium.

Parce que Mikel Arteta a le profil qui correspond

Un des gros points négatifs du mandat d’Emery à Arsenal résidait dans sa communication. En effet, malgré une volonté claire et respectable d’apprendre la langue de Shakespeare, la réussite linguistique de l’Espagnol n’a jamais vraiment convaincu. Bien souvent les conférences de presse d’Emery ont laissé un goût d’inachevé avec des journalistes n’ayant pas de réponses claires à leurs questions. Pire encore, son anglais a souvent été la cible de moqueries aussi bien de la part des fans d’Arsenal que des fans d’autres clubs de Premier League. Si ce problème linguistique n’en a pas été un durant les premiers mois d’Emery au club, notamment durant sa série de 22 matches sans défaites, le vent a rapidement tourné. C’est ce qui a motivé le board d’Arsenal en charge de la sélection du prochain entraîneur à privilégier un entraîneur capable de parler très bien anglais.

Mikel Arteta étant bilingue grâce à ses années passées Outre-Manche, il correspond parfaitement à un des premiers critères de sélection. L’autre critère principal était d’officialiser un entraîneur qui connaît très bien le club. Il connaît très bien Arsenal et sait ce que signifie fouler la pelouse de l’Emirates Stadium. C’est ce qui explique que Patrick Vieira, actuel entraîneur de Nice et ancien joueur d’Arsenal ait également été considéré pour le poste. Mais selon des sources proches du club, le panel de sélection a été beaucoup plus convaincu par Arteta. Raul Sanllehi, membre important de ce panel, a ainsi déclaré : “Je pense qu’en fait, il possède beaucoup d’expérience. Il a beaucoup d’expérience en Premier League, il connaît très bien le championnat, tous les entraîneurs et toutes les équipes. Il a passé du temps avec un entraîneur qui est sans doute un des meilleurs au monde, et il n’a pas eu un rôle passif. Il a été impliqué de manière très active. Et ça, je l’ai appris de lui, et de beaucoup d’autres sources.

Parmi les autres candidats à la succession, d’autres noms revenaient avec insistance. Celui de Vieira, ou encore celui de Brendan Rodgers qui a complètement revitalisé Leicester mais pour qui un départ aussi précoce semblait très peu probable. Le nom de Nuno Espirito Santo, actuel entraîneur de Wolverhampton a également circulé.

Enfin, trois autres grands noms ont également souvent été cités par la presse, mais ne correspondaient pas forcément au profil type pour réussir à Arsenal. Ainsi, on peut citer celui de l’ancien entraîneur de la Juventus, Massimiliano Allegri. Malgré un CV plus que très solide, le choix d’Allegri aurait pu poser un problème culturel, comme l’a fait celui d’Emery avec son “pragmatisme” et sa volonté de se focaliser sur l’adversaire plutôt que sur le développement d’une identité de jeu. Le football à vocation plutôt défensive d’Allegri aurait été compliqué à introniser dans une équipe qui, sous Wenger, a toujours prôné un football fluide et offensif. De plus, il y aurait certainement eu un gros décalage entre les volontés d’Allegri et la réalité de l’effectif : il n’est en effet pas possible en l’état d’instaurer une assise défensive fiable et efficace à Arsenal du fait du niveau très moyen des défenseurs centraux actuels du club. Le nom d’un autre grand entraîneur italien a également circulé : celui de Carlo Ancelotti. Mais après deux passages plutôt compliqués au Bayern puis à Naples, le désormais nouvel entraîneur d’Everton ne possédait pas non plus un profil correspondant, bien que ce dernier sache parler anglais. En effet, Carlo Ancelotti peut être vu comme appartenant à la caste des entraîneurs “d’une autre époque” (propos évidemment à relativiser), et à part pendant son passage au Milan AC, il n’est jamais resté plus de 3 ans dans le même club. Cela causait un problème pour le board d’Arsenal qui souhaitait embaucher un entraîneur pour un projet à long-terme. Enfin, le supposé “laxisme” d’Ancelotti pendant les entraînements aurait également pu poser problème dans un vestiaire d’Arsenal qui apparaît de plus en plus comme compliqué à gérer. Le dernier nom qui a circulé avec insistance était celui de Mauricio Pochettino. Ce dernier ne posait pas de problèmes particuliers en matière de profil, et aurait également pu s’avérer être un coup très excitant, malgré le fait qu’il ait été l’entraîneur de Tottenham pendant de longues années. Cependant, il a fait le choix d’attendre l’été pour étudier ses options, et Arsenal ne pouvait pas attendre alors que Freddie Ljungberg assurait l’intérim sans staff. Au final, de tous les noms qui ont été cités depuis le licenciement d’Emery, Mikel Arteta semblait avoir le profil le plus adapté pour devenir l’entraîneur du club du Nord de Londres.

Ce jeudi, Mikel Arteta affrontera son premier défi en tant qu’entraîneur d’Arsenal. En réalité, il s’agit du deuxième. L’ex-joueur de la Real Sociedad a en effet passé le premier durant son “baptême du feu”, soit pendant la conférence de presse qui a suivi son officialisation en tant qu’entraîneur du club. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a réussi haut la main cette première épreuve, dans un style très Wengerien, mélangeant humilité et assurance, et en offrant les premiers aperçus de la vision qu’il souhaite imposer.

Faisant un constat clair de la situation du club à l’heure actuelle, Mikel semble comprendre l’importance des échéances, aussi bien à court terme qu’à long terme. “Nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous entraîner, pour parler, parce qu’il y a des matches très importants qui arrivent. Il faut créer la bonne atmosphère, avec la bonne énergie, et tout le monde doit se sentir privilégié d’être ici. Il n’y a pas d’autre moyen.” Des mots forts, traduisant bien une volonté de créer quelque chose de nouveau à insuffler du côté de l’Emirates, et un constat simple : quiconque ne partagera pas sa vision sera libre de quitter le navire. Concernant son manque d’expérience, Mikel le reconnaît, et rassure les personnes dans le doute : “Je comprends complètement leurs préoccupations. C’est la seule chose que je peux dire, mais je vais essayer de les convaincre que je suis prêt, que je ne serais pas assis là si je ne pensais pas que j’étais prêt pour prendre cette responsabilité.

S’exprimant dans un très bon anglais, Mikel rassure et pose les fondations de ce que sera son Arsenal. Ses conclusions sur les problèmes actuels du club, il préfère les garder pour lui. Ce qu’il désire, dès son arrivée, c’est un respect mutuel, et des joueurs qui prennent leurs responsabilités et ne se cachent pas. Avec un discours clair aussi bien sur le fond que sur la forme, la première sortie publique de Mikel Arteta a été un succès. Mais une chose est sûre, sa réussite passera obligatoirement par un sentiment d’unité généralisé dans un club où la division a très souvent primé au cours des dernières années.

Ce jeudi, il officiera pour sa première en tant qu’entraîneur du club à Bournemouth, et les esquisses du tableau qu’il souhaite peindre pourront être observées. Arriver à une période aussi compliquée que le Boxing Day dans un club végétant dans le ventre mou malgré des échéances très importantes et sans jamais avoir coaché pourrait s’apparenter à une mission suicide, mais Mikel Arteta semble être une personnalité d’exception, aussi bien pour sa connexion spéciale avec Arsenal que pour les années passées en tant qu’adjoint de Pep Guardiola pendant lesquelles il a pu approfondir ses connaissances footballistiques. Reste à espérer que ce qui pourrait devenir une très belle histoire tienne plus du conte de fées qu’à un nouveau scénario cauchemar qui verrait Arsenal plonger encore plus profondément dans les abysses du désespoir.

Crédit photo : BPI / Icon Sport

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