L’an dernier, les CAN de quartiers rythmaient la vie des banlieues. Avec le déconfinement, le football reprend ses droits et les quartiers prennent vie.
En temps normal, nous évoquerions les finales de Ligue Europa et de Ligue des Champions. Mais, la crise sanitaire liée au Coronavirus a chamboulé le calendrier. Les ligues de quartier prennent donc le relai. Non, il ne s’agit pas d’affrontements de bandes rivales mais de matches de football organisés sur un terrain synthétique ou « City stade ». Que dire ? Que penser de tels rassemblements alors que la crise est loin d’être finie ?
Affirmer son identité
Certains quartiers se définissent par un attachement profond à leur identité ainsi qu’à leur ancrage territorial. Si le confinement a contraint chacun à s’isoler, l’assouplissement des mesures permet le retour de certains rassemblement. Officiellement, la jauge maximale est fixée à 10 personnes en ce qui concerne les lieux publics. La pratique de sport en plein air est quant à elle plus strictement encadrée car 5 mètres d’écart sont requis en cas d’activité modérée et 10 mètres si l’activité physique est intense. Les sports collectifs sont interdits par décret mais il n’y a eu à ce jour aucune intervention des forces de l’ordre face à ce phénomène naissant.
Ces ligues de quartiers ont un aspect viral sur les réseaux sociaux. C’est l’occasion de briller, d’afficher ses potes ou d’affirmer la maitrise technique et collective pour les plus rodés. Certaines séquences ont déjà fait le tour de la « twittosphère » comme celle d’une opposition à Vitry-sur-Seine.
https://twitter.com/issoka944/status/1261756180818526208?s=21
« On a tous grandi ensemble »
Dans les Yvelines, ces ligues permettent à des équipes issues de quartiers différents de se retrouver sur un demi-terrain en 7 contre 7. L’idée est de s’amuser avant tout, taquiner ses amis et voisins. « La notion de partage est véritablement le fil conducteur de cette démarche même s’il existe parfois une part de provocation » nous dit Joel, spectateur avisé de ces évènements. « À côté de ça, tout le monde se connait. Les joueurs et les organisateurs des matches ont grandi ensemble. Ils se sont souvent côtoyés en club ou au lycée » poursuit-il.
Dans les faits, le déroulement est bien souvent en auto-gestion. La question de la sécurité sanitaire se pose assez naturellement. À l’heure actuelle, aucun cluster de contamination n’a été détecté en marge de ces évènements, mais une intervention des autorités n’est pas à écarter. Ce fut le cas à Lausanne où suite à des plaintes répétées des riverains, la police a dû retirer les buts.
Buts retirés et patrouilles de police, #Lausanne veut éviter de nouveaux matchs de foot sauvages dans le quartier des Boveresses, comme celui qui a réuni un millier de jeunes jeudi #coronavirushttps://t.co/NiivThQIAp
— RTSinfo (@RTSinfo) May 23, 2020
« Malheureusement les gestes barrières ne sont pas adoptés par tous »
Originaire des Yvelines et témoin de ce phénomène, Sofiane a accepté de décrypter le développement de ces ligues. « Cela prend la forme de défi lancés sur les réseaux sociaux comme Snapchat. Un quartier défie celui de la commune voisine et ainsi de suite. Ce sont des petits derby. Les supporters des quartiers voisins se déplacent. Malheureusement, les gestes barrières ne sont pas adoptés par tous. Les gens oublient qu’il y a l’épidémie du Covid-19 qui sévit. Les plus sensibilisés sur ces questions portent un masque et les joueurs évitent de se saluer. Ce genre d’évènement fait plaisir à la communauté. Les gens en ont eu marre de rester chez eux. Ils peuvent retrouver ceux qu’ils n’ont pas vu depuis longtemps. Il y a d’ailleurs plus de monde au stade que lorsque le club local joue ».
« Restart project »
À l’heure où la majeure partie des ligues européennes luttent pour reprendre la compétition, motivés par la manne des droits télé, la question de l’exemplarité peut se poser. Le football professionnel est la vitrine de ce sport, les joueurs sont des modèles pour les amateurs de ballon rond… Avec cette crise sanitaire, la logique économique a pris le pas sur le sportif.
Super ! Le football revient à la télé ! Les stades sont vides mais les diffuseurs paient la note. Les joueurs « justifient » à nouveau leurs salaires… Où est donc passée l’essence de notre sport ? Où sont les sweats pour former les cages et le terrain sans limites définies ? La beauté de ce sport réside dans sa simplicité.
Difficile d’en vouloir aux gamins quand le monde professionnel manque à son devoir d’exemplarité. Difficile d’incriminer des gamins dans un monde où l’argent des télévisions prime sur la santé publique. Il y a trop d’argent de le foot ? Nul ne peut le nier. La dépendance aux revenus audio-visuels devrait nous interpeller. Il est temps de repenser nos modèles, placer le football là où il doit être : au cœur de nos communautés. Cela impliquera une redistribution plus équitable des revenus générés. Davantage d’action sociale, plus d’accessibilité. Qu’importe les millions, le foot… le vrai, se joue en centre-ville, sur un terrain vague en pleine campagne ou sur un City stade.
Un message pour nos quartiers
Il me semble important de rappeler aux jeunes qui nous lisent la nécessité de respecter les gestes barrières et les recommandations sanitaires le temps de l’état d’urgence sanitaire. Les temps que nous vivons sont inédits et il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de la pandémie. Attendons la levée progressive des restrictions pour nous retrouver et kiffer ces instants précieux autour de notre cher ballon rond.
Crédit photo : Icon Sport