La crise de gouvernance du football français

Alors que l’arrêt définitif de la saison continue de faire débat, l’ambiance en coulisse ne cesse d’interpeller. La voix du Président de la FFF (Noël le Graët) ne cesse de prendre de l’épaisseur. Retour en quelques points sur cette crise qui semble désigner comme grand gagnant le patron du football français. 

Le coup de force d’un nouvel acteur, Première Ligue

À la fin de l’été 2015, 19 des clubs évoluant en Ligue 1 s’associent pour former le syndicat Première Ligue. L’idée est de défendre les intérêts des clubs de l’élite au sein des instances du football français. Née de divergences profondes avec le syndicat historique des clubs professionnels (UCPF) autour des montées et relégations, cette organisation a pour ambition de faire passer un pallier au football français. L’idée étant de limiter les risques économiques en pérennisant les clubs parmi l’élite et en multipliant les revenus. Ainsi est soumise l’idée d’un directeur général exécutif issu du monde de l’entreprise dont la mission consisterait à développer la partie commerciale. Une augmentation des droits TV est espérée aussi bien à l’échelle domestique qu’internationale. Le Président de la Ligue (LFP) conserverait la présidence du Conseil d’administration et des fonctions de représentation. Diviser pour mieux régner ?

Une Ligue à deux visages

Le projet du syndicat Première Ligue finit par se concrétiser début 2016 avec une réforme des statuts de la Ligue et la démission du Président Thiriez, à la tête de la Ligue depuis 2002. Didier Quillot est nommé Directeur Général exécutif et Nathalie Boy de la Tour est élue à la Présidence de la Ligue pour quatre ans en novembre 2016. 

Sur le papier les rôles semblent clairement définis mais dans les faits, chacun ne se cesse d’empiéter sur les prérogatives de l’autre. Certains acteurs s’étonneront en coulisses du non-respect des rôles tels que définis par les statuts.

Dans un tel contexte, difficile de s’exprimer d’une seule voix. Fin 2017, Noël le Graët analysera la situation lors d’une assemblée fédérale « quand on est deux, c’est compliqué. Il faut toujours faire attention à qui fait quoi, qui communique sur quoi, qui décide ». 

La crise sanitaire ravive les tensions

Dans un premier temps, la suspension des compétitions liée au Covid-19 a cristallisé les tensions autour du projet de reprise de la compétition. Ce coup d’arrêt, censé être temporaire, ne pouvait pas marquer l’arrêt définitif de la saison. Cependant, au fil des décisions du gouvernement, la LFP a dû ajuster son projet de reprise jusqu’à l’abandon complet de celui-ci à l’annonce du programme de déconfinement.

Pendant que les politiques effectuaient des arbitrages, certains acteurs ont tenté de jouer de leur influence. Ainsi, Sylvain Kastendeuch (UNFP) a publié une tribune dans Le Monde en faveur de l’arrêt définitif des championnats de Ligue 1 et Ligue 2. En parallèle, Jean-Pierre Rivère (président de l’OGC Nice) milite pour l’aménagement du calendrier sur l’année civile mais il se heurte aux échéances des contrats conclus pour la retransmission des rencontres. Le risque de passer à côté de la manne promise par Mediapro étant trop important, cette idée ne sera pas retenue. 

L’arrêt définitif du championnat fait les affaires des clubs qualifiés pour les coupes d’Europe ainsi que de ceux qui étaient à la lutte pour le maintien. Pour les autres, la fin de saison constitue un moindre mal à l’exception des trois grands perdants : l’Olympique Lyonnais, Amiens et Toulouse. Ces derniers ont d’ailleurs vu leur recours devant le Tribunal Administratif de Paris être rejeté. 

« La France a fait une erreur »

Du côté de Lyon, le président Aulas a usé de son influence pour que le championnat reprenne coûte que coûte. Selon lui, le football français est le grand perdant de la crise et souffrira à terme d’un manque de compétitivité. Les voisins européens ont entériné la reprise des compétitions et bénéficieront de l’intégralité des droits TV. Sa campagne médiatique vise avant tout à préserver les chances de l’OL de figurer en Coupe d’Europe la saison prochaine. Très actif sur Twitter, le président lyonnais compte désormais sur son entourage et des élus locaux pour faire relayer ses messages. Il est en effet ignoré à la fois par le premier ministre et la ministre des Sports. Cette dernière invite J.M. Aulas à « faire un film » puisque les salles de cinéma ouvriront prochainement.

La position lyonnaise peut surprendre tant l’équipe a fait preuve d’irrégularité cette saison. Capable de coups d’éclats sur un match, comme face à la Juventus en Champions League, le septuple champion de France s’est incliné face à ses concurrents directs dans la course à l’Europe. Sportivement, il n’y a pas match. Cependant, la propension des Lyonnais à critiquer la position de la Ligue soulève un certain nombre de questions concernant la gouvernance du football professionnel français.

Noël Le Graët règne en maitre

Entre crise sanitaire et gouvernance du football français, Noël le Graët est sur tous les fronts. Ancien président de l’En Avant-Guingamp, ancien président de la LFP, le président de la Fédération Française de Football connait tout ou presque des instances. Son expérience et sa longévité dans le monde du football constituent des atouts indéniables. 

Au milieu des polémiques et des batailles de chiffres, il possède la seule voix audible du football français. Écouté et consulté directement par le gouvernement, il collabore activement dans la mise en œuvre des différentes phases de déconfinement. Il a d’ailleurs obtenu le retour progressif des entrainements d’ici fin juin. Côté football, le Président Le Graët fait preuve de fermeté et d’autorité quand les circonstances l’imposent. Son rejet du passage de la Ligue 2 à 22 clubs en est l’illustration. Son dogme : l’intérêt supérieur du football français. On y retrouve également une part d’équité vis-à-vis du monde amateur. 

Pour ce qui est de la gouvernance de LFP sa position est claire. Dans un courrier adressé au Premier Ministre, il précise qu’il « apparaît indispensable d’en simplifier l’organisation. La fusion annoncée des deux syndicats de clubs (Première Ligue et UCPF) est nécessaire. La réforme en gestation du format des organes décisionnels doit amener de la sérénité ».

Crédit photo : IconSport

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