Le football est parfois hollywoodien. Oubliez les stars récompensées par de nombreux Oscars que les plus grands producteurs s’arrachent à prix d’or. Aujourd’hui, l’acteur principal, c’est le latéral. Une chose est sûre, le scénario promet du lourd.
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… le latéral se contentait de défendre. Aujourd’hui, ce temps est révolu et son impact est bien plus large, le poste prenant une toute nouvelle dimension au fil des années. Le latéral rêvait juste de briller, comme une étoile. Voilà chose faite.
Retour vers le futur
Réglons notre DeLorean sur l’année 2020 et oublions cette vision restrictive du latéral qui se contente de bloquer son couloir. Les hommes de côtés sont désormais des pierres angulaires dans la construction du jeu. Pour ce faire, c’est avant tout la polyvalence qui prime. Le bon latéral est un latéral complet. D’abord, une qualité physique est nécessaire. Le poste impose un gros volume de courses, autant dans la projection vers l’avant que les retours défensifs. C’est aussi leur vitesse qui impressionne, par exemple Achraf Hakimi ou Alphonso Davies, flashés à plus de 36 km/h en Bundesliga.
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Mais c’est aussi par sa qualité technique et son apport offensif que le latéral rayonne. Sa capacité à la passe est mise à l’épreuve, en position basse ou haute. En qualité de premier relanceur, le latéral doit être capable de casser les premières lignes de pressing et trouver ses coéquipiers dans les intervalles. C’est d’autant plus marquant avec le jeu court désormais autorisé à l’intérieur de la surface sur une sortie de but, qui favorise la construction de derrière pour de nombreuses équipes. Lorsque le bloc est plus haut sur le terrain, les latéraux peuvent combiner avec l’ailier, servir un coéquipier dans les demi-espaces (voir La révolution des half spaces par Vestiaires magazine) ou profiter de leur jeu long pour centrer ou renverser et déséquilibrer le bloc adverse. On ne compte plus les latéraux qui se chargent des coups de pied arrêtés, pour bon nombre capables de jouer milieu de terrain grâce à leur QI foot et une palette technique complète.
Dans les 5 grands championnats, Alexander-Arnold est dans le top 20 des joueurs effectuant le plus de passes clés (passe avant un tir) avec 2,3 unités par match. Le jeune Red excelle dans un domaine historiquement réservé aux milieux offensifs et incarne cette nouvelle génération de latéraux au toucher soyeux. Mais le latéral le plus productif dans cet exercice n’est autre que Christian Gunter, qui en réalise quelques centièmes de plus que TAA. Avec 8 passes décisives cette saison, le gaucher de Fribourg est l’homme fort de son équipe.
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En plus de la passe, de très bons dribbleurs émergent à ce poste. En Ligue des champions, Alphonso Davies se place sur le podium des joueurs réussissant le plus de dribbles par match avec 4,8. Au Real Madrid, une équipe très équilibrée cette année, le second meilleur joueur à ce petit jeu est Ferland Mendy. Les latéraux n’ont plus peur d’oser et profitent de leurs accélérations supersoniques et changements de rythme rapides pour créer des différences.
Enfin, c’est bien entendu à travers le jeu sans ballon que le latéral s’exprime. Il peut d’abord s’excentrer, écarter le jeu et attirer le joueur de couloir adverse. Ceci est fort utile lorsque le défenseur central est à la relance, libérant l’espace et fixant un premier adversaire. À l’inverse, il peut aussi repiquer dans l’axe et apporter le surnombre, densifiant ainsi la zone et libérant le côté pour l’ailier. Les traditionnels appels dans le dos pour couper l’intervalle sont vieux comme le monde, mais toujours aussi efficaces.
Gravity
Ce qui a profondément changé dans la manière d’appréhender ce poste, c’est sa nouvelle compréhension des espaces. Pour apporter le surnombre, le latéral ne se contente plus de dédoubler dans le dos de l’ailier. La projection vers l’avant se fait à présent aussi par l’axe et est compensée par le retour d’un milieu ou d’un troisième défenseur central. Ce qui nous amène à un point essentiel : le rôle de piston. Ce poste demande un énorme volume de jeu ainsi qu’une vision et une technique au-dessus de la moyenne.
Le Borussia Dortmund a évolué en 3-4-3 en deuxième partie de saison. Si ce schéma a métamorphosé la bande de Lucien Favre, c’est notamment grâce aux pistons, Hakimi et Guerreiro. Leur heatmap est éloquente. Les deux gaillards sont partout. Attaque, défense, de la droite à la gauche.
Le schéma à trois défenseurs permet à l’équipe de sortir très haut. Le piston va directement cadrer le latéral adverse et déclenche un pressing très avancé sur le terrain. De cette façon, le bloc adverse recule et le gardien est finalement contraint de dégager sous la pression. La montée du piston est compensée par un milieu et si un attaquant adverse décroche, c’est à l’un des trois centraux de suivre. La limite de cette formation réside dans les renversements de jeu qui peuvent totalement déséquilibrer le groupe. C’est donc au piston d’anticiper à la perte et lire les trajectoires dans son dos.
À la realisation, Pep Génésio Guardiola
Notre cher Pep est précurseur dans cette nouvelle dimension spatiale prise par les latéraux. En cause, son célèbre 2-3-5, faisant des hommes de côté de vrais joueurs axiaux. Son principe est simple : ailier et latéral ne doivent pas être dans le même couloir. Pour cela, les deux latéraux vont coulisser dans l’axe et abandonner les ailes en phase offensive. Cela a deux avantages. D’abord, Guardiola s’offre une ligne d’attaque de cinq joueurs pour déséquilibrer le bloc défensif adverse. Ensuite, il densifie son axe avec trois milieux et deux joueurs en couverture en cas de contre-attaque. En revanche, il faut penser à vérifier que les deux mecs en soutien parlent la même langue.
La Piramide invertida del Manchester City
— Nico Pedrucci (@Takesh1Tatsum1) June 23, 2020
« (…) Lo ideal es tener al lateral por dentro y al extremo abierto para pasarle directamente a él. Si el pase sale bien has logrado saltar todo el centro del campo enemigo»
Pep Guardiola pic.twitter.com/PpEVzVE9se
Ici avec City, le 4-3-3 en phase défensive prend la forme d’un 2-3-5 lorsque l’équipe a le ballon. Fernandinho couvre l’axe avec Otamendi tandis que Zinchenko et Cancelo apportent leur présence au milieu. Cette formation pyramidale impose une grosse pression sur le bloc adverse et crée le surnombre en attaque. On trouve des décalages entre les lignes et on combine dans les half-spaces chers à Guardiola.
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Beaucoup d’équipes ont adopté cette façon de recentrer les latéraux. Mais le tacticien catalan n’est pas le seul à innover. L’Europe est cette saison tombée sous le charme de l’Atalanta. Les hommes de Gasperini impressionnent par leur incroyable flexibilité tactique. Les centraux sont capables de décrocher très très haut, se retrouvant parfois à deux au-dessus des milieux de terrain. C’est alors les latéraux qui coulissent dans l’axe pour compenser. Un pressing dense et étouffant dans lequel les pistons ont des airs de couteaux suisses, tant capables d’aller cadrer très haut les côtés adverses que couvrir la montée des centraux.
Les latéraux sont finalement aujourd’hui les dépositaires du jeu, au même titre que ne l’était le numéro 10 à l’époque de nos grands frères. Certains pourraient d’ailleurs très bien prétendre à ce poste, si tant est qu’ils ne l’occupent pas déjà. Que ce soit par ses différences individuelles ou la force collective qu’il insuffle, le latéral est létal.
Crédit photo : PA Images / Icon Sport