[Analyse] Le RB Leipzig de Julian Nagelsmann

Il est souvent dit du RB Leipzig de Julian Nagelsmann qu’il s’agit d’une équipe de transition, mettant en place un jeu ultra rapide basé sur la verticalité, comme pouvait très bien l’illustrer Timo Werner. Qu’en est-il réellement ? Que peut-on attendre de cette équipe ? Analysons.

Crédit photo : imago images / Jan Huebner

La vision d’un entraîneur

Julian Nagelsmann n’est plus à présenter. Il fait aujourd’hui déjà partie des meilleurs entraîneurs en Europe. Tout le monde sait au minimum cela sur lui : il est très jeune, ses équipes jouent bien au football et il incarne cette nouvelle génération d’entraîneurs qu’on a, par endroits, appelée « laptop coaches ». Cette dernière appellation, sonnant presque péjorative, a au moins le mérite d’avoir raison sur un point précis. Nagelsmann, en plus d’être entraîneur, est un analyste. Il a une vision du football qu’il s’est créée grâce à plusieurs sources d’inspiration, qu’il conceptualise et qu’il n’hésite pas à décrire avec des termes techniques certes, mais nécessaires.

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Il définit d’abord les « principes » comme des « règles indépendantes du système et de la position des joueurs, qui s’appliquent toujours, quel que soit le résultat, l’adversaire ou la situation correspondante. » Ces principes prennent vie, selon lui, à travers des modèles de jeu variables ou non, que les joueurs devraient toujours suivre.

Quels sont donc les principes et les modèles de jeu que prône le Leipzig de Nagelsmann ?

« Il faut pouvoir contrôler le jeu et les espaces grâce à la maîtrise du ballon et à des changements de rythme. Il faut chercher à récupérer le ballon sans passer par le duel. »

Cette idée, bien que raccourcie pour les médias et le public, nous sert malgré tout de fondement dans l’analyse de son RB Leipzig.

Récupérer le ballon en évitant au maximum les duels, c’est forcer l’adversaire à commettre une erreur en lui laissant le moins d’options possibles et en le forçant à se précipiter.

Nagelsmann et ses joueurs arrivent à transposer cette idée sur le terrain. Il faut savoir que le dispositif tactique, à savoir le positionnement des joueurs au coup d’envoi d’un match, n’est que d’une importance minime pour le technicien allemand.

Lors de cette saison 2019/2020, nous les avons vus évoluer en 4-4-2 losange ou à plat, en 4-2-2-2 et plus récemment en 5-3-2/3-5-2 (avec une sentinelle et deux 8) ou 5-2-2-1/3-4-2-1 (avec deux milieux devant la défense, et deux « numéros 10 » occupant les interlignes devant eux).

Comme il l’a toutefois annoncé, le plus important, ce sont les principes et les modèles de jeu. Intéressons-nous donc à quelques modèles de jeu observés au cours de la saison.

Des modèles sans ballon

D’une défense à 5 sur le papier à une défense à 4 dans certaines situations :

quand le ballon est sur un côté, le latéral/piston côté ballon (souvent Mukiele ou Angeliño) va pousser et chercher haut, tandis que le latéral opposé resserre pour former une ligne de 4 avec les 3 autres défenseurs centraux (dont un qui couvre le latéral sorti).

Cela a plusieurs effets recherchés. Tout d’abord, cela permet à l’attaquant de ce côté de continuer à bloquer la relation entre le latéral et le défenseur central, ce qui représente une zone de pression importante pour le RB. Ensuite, les milieux vont pouvoir venir s’intercaler sur les autres lignes de passes et enfermer complètement le détenteur du ballon, qui n’aura plus d’autre choix que de tenter l’exploit individuel, de jouer long ou de revenir de très loin sur son gardien.

En plus de cela, Nagelsmann alignent souvent des latéraux de formation aux postes d’axiaux excentrés (Klostermann et Halstenberg). Ceux-ci possèdent les pré-requis pour pouvoir défendre ce genre de situations, où ils sont amenés à s’exporter vers un côté.

quand le ballon se situe dans l’axe du terrain, plus proche de la surface du RB, la ligne arrière reste une ligne de 5, compacte, donnant la liberté à un central d’intervenir s’il le juge nécessaire.

De plus, dans un match, Leipzig cherche toujours des périodes clés prédéterminées pour étouffer son adversaire, que ce soit dès le coup d’envoi, avant la mi-temps, à l’heure de jeu, etc, ce qui a pour but de récupérer le ballon très haut et de pouvoir se créer une occasion de but avec le moins de touches de balle possible.

Des modèles avec ballon

Nagelsmann cherche à contrôler les zones clés du terrain, à savoir le milieu du terrain et les zones autour de la surface adverse. Pour cela, il donne généralement l’entièreté des couloirs à ses latéraux/pistons, qui doivent régulièrement manger la ligne pour élargir le jeu et le bloc adverse.

En phase de relance avec les centraux, ces latéraux deviennent souvent la cible recherchée et la construction s’articule autour d’eux, avec comme objectif une recherche constante de création d’espaces. Alors qu’un milieu de terrain (jamais positionné sur la même ligne que son compère du milieu) va proposer court et ainsi attirer un adversaire vers lui, le « numéro 10 » (de ce côté, dans le cas où il y en aurait deux) va, quant à lui, chercher à attirer le latéral en venant s’exporter sur le côté. Ce mouvement aura pour but de libérer de l’espace pour l’attaquant, qui n’aura plus qu’un défenseur dans le dos. Il pourra alors la remettre devant la surface (zone attaquée par les milieux qui se projettent) ou au latéral, sur le côté.

L’effet fondamentalement voulu est d’avoir plusieurs joueurs face au jeu. Ils arrivent lancés et seront servis, soit par le latéral, soit par l’attaquant qui aura été utilisé comme point d’appui.

Dans une phase avec ballon, les mouvements sont continus et variés, que ce soit dans le dos de certains joueurs ou devant eux, pour les forcer à sortir de leur position et ainsi libérer l’espace pour quelqu’un face au jeu.

Quand cela est possible, il est évidemment habituel pour eux de déclencher rapidement des contre-attaques fatales à l’adversaire, en arrivant vite et en nombre dans la zone de vérité.

La forme de l’équipe

Analysons maintenant la forme de cette équipe. La Bundesliga s’est terminée le 27 juin 2020 (victoire 2-1 sur la pelouse du FC Augsbourg), ce qui, d’emblée, semble constituer un désavantage certain dans l’optique de la Ligue des Champions. Le championnat allemand, ayant repris plus tôt que les autres, s’est naturellement terminé plus tôt. À ce stade, il s’agit plus d’un tournoi de pré-saison qu’un tournoi venant clôturer la précédente. En outre, pour se préparer à cet événement, le club représentant Leipzig n’a disputé qu’un seul match de préparation, face à Wolfsbourg, qui avait aussi un match européen à préparer.

L’entraîneur des taureaux se veut toutefois optimiste, puisqu’il a déclaré en conférence de presse :

« Nous sommes dans de bonnes conditions et l’ambiance au sein de l’équipe est bonne. »

Les observateurs du club allemand ne manqueront toutefois pas de souligner que, suite à la reprise du championnat, ce qui représentait une situation relativement similaire à celle-ci, Leipzig a connu un bilan mitigé : quatre victoires, quatre matches nuls et une défaite.

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Il serait de ce fait pertinent d’analyser ces 9 matches et d’en tirer des conclusions. Souvent, pour ce qui est des contre-performances, on observe clairement une diminution assez importante du nombre d’occasions qualitatives, ou franches. En plus de cela, que ce soit contre le Hertha Berlin, Paderborn et le Fortuna Düsseldorf, Sabitzer et sa bande ont, à chaque fois, concédé les égalisations en fin de match. Sont-elles preuve d’un relâchement ?

Ces deux lacunes observées ont, en tout cas, un point commun. Pour être corrigées, elles nécessitent, entre autres, une meilleure condition physique. Comme expliqué plus haut, le jeu de Leipzig, même s’il n’est pas centré uniquement sur les transitions, requiert une forme qui permet aux joueurs de rester lucides sur la plupart des situations. Ils pourront ainsi « sélectionner » la bonne équation que Nagelsmann a intégré dans le logiciel, afin de créer des espaces et faire mal à l’adversaire. Cette responsabilité souvent laissée aux joueurs peut très vite se retourner contre eux s’ils n’ont pas la fraîcheur mentale pour l’endosser.

Bien évidemment, là n’est présentée qu’une réponse possible à la méforme du RB Leipzig post-confinement. Il faudra tout de même voir dans quel état physique ils se présenteront face à l’Atletico, qui représente pour beaucoup l’un des adversaires les plus difficiles à manœuvrer. Le défi est de taille pour Naglesmann. Est-il prêt ?

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