Tempête au Barça : autopsie du naufrage de la direction (2/2)

Le soir de la défaite 8-2 du Barça sonne la « fin d’une ère », comme le dit si bien Gerard Piqué en zone mixte… Mais c’est surtout l’heure du grand ménage au sein de la direction catalane où, depuis la remontada, les désillusions s’enchaînent en Coupe d’Europe. Et hier, nouveau coup de théâtre, avec l’annonce des envies de départ de Messi.

Un projet sportif qui perd de ses valeurs

Cela fait un moment que les supporters français du FC Barcelone demandent la démission du président, prolongé à la tête du Barça juste après le triplé de Luis Enrique et son équipe. Un moment parfaitement propice qui a su, dès 2016, masquer certaines incompétences et irrégularités au sein du club. En effet, déjà en 2016, le Barça est rappelé à l’ordre par la FIFA pour des transferts irréguliers de mineurs, les éloignant des marchés des transferts. Les jeunes visés et donc interdits de jouer au football sur sol catalan rentrent dans leur pays d’origine et la plupart n’y reviendront jamais, faute à ces années de formations perdues. Premier échec d’une direction qui n’a jamais su être à la hauteur de ce que représente le club. Depuis l’arrivée de Bartomeu, la gestion de la Masia a été catastrophique. Incapable de garder ses bons joueurs, incapable de faire preuve de stabilité dans la gestion du staff du centre de formation, incapable de proposer des projets sportifs à long terme pour ces jeunes pépites en devenir…

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Beaucoup de jeunes joueurs prometteurs filent entre les mains du club catalan, et notamment Alex Grimaldo, capitaine à l’époque du Barça B après avoir passé toute sa jeunesse au club blaugrana, qui s’en va contre un sac de patates au Benfica en janvier, alors que la B espère retrouver la Segunda. L’histoire de ces jeunes qui partent pour quasi rien, après avoir passé toute leur vie en formation au club, est sans doute le fait le plus représentatif de l’échec du board. Le club, réputé pour former ses joueurs à la Masia à des valeurs de jeux communes qui donne une équipe injouable en A car beaucoup trop habituée à jouer de telle façon, voit tout ce modèle s’envoler.

D’énormes stars sont recrutées faisant de l’ombre aux jeunes cracks du club, qui préfèrent aller là où on leur fait confiance et où on leur garantit du temps de jeu. Sergio Gomez et Morey rejoignent Dortmund, Jordi Mboula rejoint Monaco, Eric Garcia et Adria Barnabe rejoignent City. Et la liste est très longue. Tandis que certains n’ont pas forcément réussi en dehors de l’Espagne, d’autres comme Eric Garcia et Grimaldo feraient le plus grand bien à l’effectif du Barça aujourd’hui.

Une gestion de l’effectif pas (h)au(t) niveau

La gestion de l’effectif professionnel cette saison a également été catastrophique. À commencer par un préparateur physique pas à la hauteur, des joueurs ayant quitté le club récemment le souligne d’ailleurs dans certaines interviews. Martin Braithwate, à son arrivée, prend un coach particulier pour augmenter la charge de travail, jugée trop light par rapport à ce qu’il a connu. Ce qui explique sans doute ensuite les très nombreuses blessures qu’ont connu les joueurs blaugrana cette saison. Mais il semblerait aussi que le club ait un problème avec son médecin, ne prenant pas toujours les bonnes décisions de traitement, laissant des joueurs traîner leurs blessures sans évolution (comme Umtiti) et qui se blessent systématiquement au même endroit (dédicace au FC Biceps fémoral). Même De Jong a réussi à se blesser à l’entrainement avec une date de reprise reportée pendant un petit moment. Ousmane Dembélé en a aussi fait les frais, bien que l’on impute souvent ses nombreuses blessures à son rythme de vie, il n’a jamais été autant blessé qu’au Barça et cela ne peut être un hasard. 

Ensuite la gestion de l’effectif sur le marché des transferts. En août 2019, le Barça se sépare de Malcom qui file en Russie, alors que le club a besoin d’ailiers après la blessure de Dembélé. Marc Cucurella, latéral revenu de prêt après une bonne saison du côté de Eibar, part en prêt avec option d’achat à Getafe. Le Barça recrute alors Junior Firpo pour 18 millions, afin d’être le remplaçant de Jordi Alba. De même pour Juan Miranda, latéral gauche du Barça B, prêté à Schalke ,alors que son club manque toujours d’un latéral gauche remplaçant. Fin août, Philippe Coutinho qui a eu du mal à trouver sa place dans le jeu flou de Valverde, est envoyé en prêt au Bayern Munich contre 8,5 millions, qui fait là sans doute sa meilleure affaire du mercato. Mais le pire est déjà à venir, car vient le mercato hivernal.

Début janvier le Barça est premier de Liga. Quique Setien arrive et remplace Valverde, qui n’a jamais su jouer à la manière du Barça. L’espoir est grand autour d’un coach très réputé pour le beau jeu, plein d’idées, disciple de Cruyff et qui a su montrer ce qu’était le total Futbol au Betis. L’entraîneur fait le tour de son effectif et le dégraisse très largement. Sans prendre de pincette. Carles Perez, joueur formé au club et monté en A par Valverde, est remercié. Il s’en va à la Roma sans quelconque remerciement, alors qu’il a su sauver le Barça sur certains matchs et surtout amener l’explosivité qu’il manquait parfois sur les ailes du Barça. Il en va de même pour Jean-Clair Todibo, arrivé depuis 6 mois, qui se voit être prêté avec option d’achat à Schalke. Carles Aleña reçoit le même traitement, alors qu’il fait parti des rares milieux créateurs dans un effectif morose. 

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Mais le sort est cruel. Quelques jours après le départ de tout ce beau monde, le Barça enchaîne les blessures : Frenkie De Jong, Arthur, Luis Suarez… Le 15 février, le Barça qui s’était séparé de Todibo qui était à l’époque « de trop » commence le match avec Piqué et Umtiti sur une jambe, avec Lenglet suspendu et personne d’autre en 4e défenseur central. Plus tard, quand Arthur et De Jong se blessent, Carles Aleña lui enchaîne les bonnes prestations comme titulaire du côté de Séville et le Barça s’en mord les doigts. 

Tant de problèmes de gestion d’effectif qui amènent jusqu’à cette fameuse soirée du 8-2, où Coutinho, le joueur le plus cher jamais acheté par le club, marque à deux reprises et délivre une passe décisive. Le comble. Et c’est finalement avec l’équipe bavaroise que Coutinho remportera sa première Ligue des Champions, lui qui est arrivé au Barça pour gagner des titres.

Et maintenant ? 

À l’issue de cette déroute, on peut se dire que tout ne peut qu’aller mieux, et qu’une fois après touché le fond, le Barça n’ira pas plus bas. Mais visiblement, Bartomeu a d’autres projets. Sa direction pointée du doigt depuis des semaines n’abdique pas, il explique à l’issue du match que des changements doivent être faits, qu’une réunion aura lieu pour détailler tout ça. Le Barça perd 8-2 le vendredi 14 août et cette fameuse réunion n’a lieu que 3 jours après. Inaudible pour des fans qui demandent un changement immédiat. Et le changement ne sera pas si grand que l’on pourrait le penser. Là où de nombreux clubs verraient leur direction démissionner après une telle défaite, le board barcelonais décide uniquement de se séparer de son entraîneur. Sans grande surprise.

Il est le coupable tout désigné, d’un échec dont il est certes un des fondateurs, mais dont toute la structure du problème était là bien avant son arrivée. 

https://twitter.com/walidacherchour/status/1298307100951666693?s=20

On promet du sang neuf au Barça, un nouveau projet dont Koeman, qui a quitté la sélection néerlandaise pour son ancien club, sera l’architecte. Il annonce assez rapidement quels seront les joueurs qui resteront au club : Messi évidemment, mais aussi De Jong, Piqué, Ter Stegen, Riqui Puig et Ansu Fati. Il souhaite aussi recruter certains joueurs de la sélection comme Van de Beek, afin de reconstruire un milieu de terrain. Vidal et Rakitic qui ne sont d’ailleurs plus les bienvenus, ce dernier ayant sauté habillé dans sa piscine pour célébrer la victoire du FC Séville en Ligue Europa.

En défense, Umtiti est aussi invité à trouver un autre club, lui qui ne joue que sur une jambe depuis la Coupe du Monde. Lenglet et Piqué devraient rester, tandis que le club cherche à rapatrier une de ses pépites parties à Manchester City : Eric Garcia.

En attaque, les travaux sont immenses avec l’énorme annonce du départ probable de Lionel Messi. Dembélé n’a toujours pas retrouvé la compétition, Griezmann n’a toujours pas été intégré au plan de jeu catalan et le Barça manque cruellement d’ailiers. Pendant ce temps, Luis Suarez apprend lui dans les médias qu’il sera remercié et son contrat résilié à l’issue de la saison, bazardé tel un joueur lambda. Si le Barça compte bien faire du ménage, il y a des formes qui ne sont pas dignes du club.

Un problème de dialogue entre la direction et ses joueurs

Un problème d’image devenu récurrent. Bartomeu, cherchant toujours à lisser son profil auprès des socios afin de se maintenir d’une année sur l’autre à la tête du club, sait se servir des médias pour faire passer ses messages. Jouant souvent avec les nerfs des supporters, il laisse fuiter dans les journaux catalans les infos qui lui sont favorables : une rumeur alléchante après une défaite, des propos de joueurs dévoilés qui viennent mener le doute, des « informations exclusives » qui ne sont que des ballons d’essai afin de voir la réaction des supporters… Une communication très peu appréciée des joueurs qui le rapportent souvent en off. Il en va de même pour des joueurs qui apprennent qu’ils vont être prêtés, transférés ou licenciés en ouvrant Sport ou Mundo Deportivo. Si les joueurs savent souvent utiliser les médias pour faire pression sur les clubs avant une prolongation, le board de Bartomeu met lui une pression constante sur son effectif à travers la présence de ces journalistes quasi-infiltrés au sein du club. Certains joueurs comme Dembélé en ont fait les frais et le club ne le défend d’ailleurs que très peu face aux accusations continuelles de la presse locale sur son rythme de vie. Dani Alves avait déjà souligné cette partie obscure lorsqu’il a quitté le Barça, mais il semblerait que cela n’ait pas fait trembler Bartomeu et son équipe.

Le summum de cette guerre de l’image au sein du club reste l’affaire des « bot », achetés par le club afin de contrecarrer l’action mise en place par les supporters internationaux pour dénoncer la gestion actuelle du Club. Là où le hastag #BartomeuDimission pleut sur les réseaux, des comptes tout juste créés viennent prendre la défense du président du Barça en défendant son bilan,et surtout le bilan économique.

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Si le club a fini par limoger une partie de sa direction sportive, le board actuel semble simplement tenter de se sauver lui-même, quitte à ce que le Barça continue sa chute libre. Les élections qui auraient pu être avancées en cas de démission de Bartomeu vont être maintenues à mars 2021, ce qui laisse peut-être le temps d’oublier cette terrible défaite. Les supporters se mobilisent sur les réseaux sociaux pour une démission du board, mais en vain. Une motion de censure va tenter d’être déposée.

https://twitter.com/elchiringuitotv/status/1298348165557608449?s=20

Et là, Messi chamboule la planète football

De son côté Lionel Messi, dernier pilier de cette équipe à la déroute en a assez de cette amateurisme et a annoncé, hier soir (mardi soir) à la direction qu’il souhaite quitter le club en bénéficiant de sa clause qui lui permet de partir gratuitement à la fin de chaque saison. Une action soutenue publiquement par l’ancien capitaine du FC Barcelone et ami de Leo Messi : Carles Puyol.

Autant vous dire qu’il n’est plus le seul à oser hausser la voix contre une direction qui exaspère. Un fax aurait bien été reçu par les dirigeants, s’empressant de se réunir pour trouver une solution. Et selon les dernières infos, cette fameuse clause serait caduque depuis le 10 juin. Malgré tout, info ou coup de pression, le message est clair : au Barça désormais, ça sera Messi ou Bartomeu. Mais aucun terrain d’entente ne semble possible entre les deux partis.

Le club catalan semble courir à sa perte après cette annonce et l’on espère, pour le bien du football, qu’une réaction de la direction sera à la hauteur de l’annonce du numéro 10 argentin. Personne ne peut imaginer le Barça sans Messi, et personne ne peut rêver du Barça dans ces conditions-là.

Crédit Photo : IconSport

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