L’OM de Villas-Boas : remettre le jeu au service de la victoire

Malgré une seconde place obtenue, et synonyme de qualification à la Ligue des champions, l’OM d’André Villas-Boas peine à convaincre une multitude d’observateurs. Après un coup retentissant au Parc des Princes, Marseille accuse sérieusement le coup, et les largesses observées dans le jeu depuis plusieurs mois sont désormais pointées du doigt, faute de résultats.

Des paroles et des actes sur le plan comptable

Sept années de disette à courir derrière la Ligue des champions. Une longue traversée du désert vouée à prendre fin, et qui fut entérinée par une seconde place obtenue lors du précédent exercice de Ligue 1. Bielsa, Michel, Passi, Garcia, ont essayé, en vain. Bien aidé par la fin prématurée du championnat en raison de la crise sanitaire, André Villas-Boas a atteint un de ses objectifs, à savoir replacer l’OM sur la carte de la C1. Une performance d’autant plus appréciée, qu’elle fut énoncée lors de son intronisation en août 2019.

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Dans cette lignée, l’ancien tacticien de Chelsea a mis fin à une autre série peu glorieuse. Vaincre le PSG (0-1), après 9 années à subir les foudres de leurs rivaux historiques. Des performances coups sur coups qui ont renforcé l’amour d’une partie des supporters olympiens envers leur coach. Mais depuis, le navire tangue, en atteste les 2 points pris sur 9 au stade Vélodrome. Au-delà de la mauvaise opération au classement, l’équipe livre des prestations indigestes et qui ne rassurent guère, avant de disputer la plus prestigieuse des compétitions européennes. Pour autant, cette pauvreté abyssale dans le jeu, qui rappelle de plus en plus les matches sous Michel en 2015-16, ne date pas d’hier et puise ses origines un soir de 3 décembre 2019. Une rencontre à Angers, où Villas-Boas décida de basculer vers le côté obscur, et de balayer ses principes de jeu.

Angers, le pragmatisme au détriment du jeu

Quatre jours plus tôt, l’OM livre une prestation aboutie dans tous les compartiments du jeu, face à une équipe joueuse de Brest (2-1). Au Vélodrome, les protégés d’AVB assaillent les Brestois tout au long de la rencontre. 35 tirs, domination, pressing très haut pour pousser l’adversaire à la faute. Le dernier geste n’est pas au rendez-vous, mais le match est très plaisant, et les Marseillais amusent la galerie.

Les prémices du retournement de veste de Villas-Boas font leur apparition. À 10 minutes du terme, et malgré l’avantage au score et une domination territoriale, Villas-Boas décide de reculer le bloc très bas, et de subir. Sans surprise, Brest égalise à quelques minutes du terme. Le bâton pour se faire battre. Finalement, Nemanja Radonjic, auteur d’un but de toute beauté, sauve les siens. Et laisse un sentiment particulier… Au terme d’une rencontre totalement maitrisée (sans doute le dernier match aussi bien maitrisé par l’OM), les Marseillais ne gagnent que 2-1, grâce à un exploit individuel d’un remplaçant. Peut-être que Villas-Boas s’est posé des questions. Pourtant, en jouant aussi haut, avec autant de conviction dans le pressing, dans le dépassement de fonctions, dans les déplacements offensifs, l’OM sera amené à gagner bien plus de matches, qu’à en perdre. Le jeu est au service de la victoire.

Hélas, quelques jours plus tard… L’OM rend visite à Angers, qui joue les trouble-fêtes en ce début de saison. Une équipe difficile à manœuvrer, mais Marseille est également en confiance, et peut naturellement envisager de gêner les Angevins. Conscient du niveau des hommes de Moulin sur transition, Villas-Boas tente un coup : laisser le ballon à Angers, qui exprime bien plus de difficultés sur attaques placées, et opérer en contre. Le match est plus que maitrisé, et l’OM l’emporte sur 2 buts qui viennent de coups de pieds arrêtés.

«On a donné volontairement le ballon à Angers et on attendait des erreurs de leur part dans la construction. Ça a marché, expliquait André Villas-Boas. On voulait rester avec un bloc compact pour ne pas leur donner trop d’espaces, on était bien placés, bons en contre-attaque et c’est une belle victoire, importante, dans un style différent.»

On peut parler de coup tactique, certes, mais l’OM n’a pas été resplendissant sur le match. Et surtout, il ne faut pas occulter l’écart entre les 2 effectifs. «Il faut féliciter Marseille et leur entraîneur, car je pensais qu’ils allaient s’y prendre autrement, confiait Stéphane Moulin. Ils avaient d’autres armes pour nous battre. Ils m’ont surpris, car renoncer au jeu comme ça, avec la qualité qu’ils ont, c’est très fort. Ce n’est pas une critique, car c’est très fort de convaincre de tels joueurs de ne pas garder le ballon

Mais qu’importe, si Villas-Boas arrive de temps en temps à varier ses idéaux pour faire des one-shots, qui plus est payants, l’OM peut s’en sortir gagnant. C’est justement là que le problème se pose. C’est que le Marseille de Villas-Boas va progressivement mettre le jeu au second plan, et naturellement, la qualité de jeu va peu à peu décliner. L’OM version AVB va reposer sur d’autres atouts.

La gestion des hommes, la confiance, et l’esprit de vainqueur made in Villas-Boas

Une des forces à mettre au crédit d’André Villas-Boas est d’avoir fédéré un groupe autour de lui. Très apprécié de ses joueurs, il a su faire passer ses idées, et inculquer une culture de la gagne à l’équipe. Fidèlement soutenu par les cadres, il a revitalisé un groupe en totale déliquescence après le départ de Rudi Garcia. Dimitri Payet symbolise à lui seul l’impact sur le plan mental qu’a provoqué Villas-Boas. En dépit d’un jeu peu attractif, les Olympiens ont formé un groupe uni. De manière étroitement liée, le Portugais leur a donné de la confiance lors des grands rendez-vous. L’Olympico, la double victoire face à Lille, ou encore le PSG récemment démontrent à merveille la force de persuasion, et l’impact qu’AVB a sur ses troupes. «C’est bien d’avoir un groupe qui suit l’entraîneur, le staff, et qui accepte la méthode», rappelait Stéphane Moulin après la défaite des siens.

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Excepté Maxime Lopez, la gestion du groupe de Villas-Boas est également à louer. Chaque joueur entend contribuer à la réussite collective du club, à l’instar de Radonjic ou Strootman l’an dernier. On peut également souligner sa communication, sans langue de bois, et particulièrement directe, qui plait aux supporters marseillais.

Malgré une succession de matches peu maitrisés, l’OM est resté sur une série de 14 rencontres sans défaites entre la 11e et la 26e journée en 2019-20, preuve de la confiance instaurée au sein du groupe.

Un collectif en difficultés, certaines individualités au sommet

Depuis la fameuse rencontre face à Brest en 2019, les Marseillais éprouvent les pires difficultés au monde à survoler les débats. Le contenu ne cesse de se détériorer, les matchs insipides fusent, et les performances de hautes volées de Mandanda et Payet camouflent une incapacité criante à dominer collectivement les adversaires. La solidité défensive est à souligner, mais à chaque match ou presque, Mandanda sauve les siens pour ramener des points ô combien importants dans la course au podium.

Les xG (expected goals) confirment également une réussite à toute épreuve. Selon les xG, l’OM aurait dû prendre 41 points, soit une différence de plus de 15 points avec les 56 points officiels. L’écart le plus important en Ligue 1. En jouant le jeu des xG, l’OM se classerait 5e, derrière Lille, Lyon et Monaco.

Pour justifier cette pauvreté observée dans le jeu, vont naitre une multitude d’arguments. Un manque de fraicheur physique, un effectif limité, des individualités qui ne sont pas au niveau requis… Certains ont des fondements, à savoir le manque de rotation, et une équipe qui tire la langue en janvier-février. Mais cela ne représente pas le problème central. «On n’a pas l’équipe pour jouer» est difficilement recevable.

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Avec cette même équipe, ces mêmes joueurs, l’OM de Villas-Boas a produit des prestations satisfaisantes. Le match à Monaco (3-4), mais surtout des rencontres de grande qualité face à Montpellier (1-1) et Brest (2-1) à la maison. Cette équipe et ce coach ont d’ores et déjà démontré qu’ils pouvaient proposer un jeu cohérent, attrayant avec l’ensemble des forces en présence. D’autant plus que Florian Thauvin était indisponible l’an passé, ce qui rajoute une force de frappe non-négligeable, pour diversifier les zones d’attaques avec Dimitri Payet. Enfin, cet argument d’une équipe pas faite pour jouer n’est pas valable pour une autre raison.

Cet effectif présente des limites, mais il est à minima le 3e ou 4e effectif de Ligue 1. Être incapable de dominer à domicile Toulouse (dernier et relégué), Amiens (19e et relégué) ou encore Nantes, illustre à merveille le manque d’inspirations et d’idées du collectif. Au Vélodrome, face à des équipes de seconde zone, l’OM doit imposer son style, dominer les débats, et tout simplement avoir un minimum d’actions face à des équipes de la deuxième partie de tableau. Au final, Marseille prend seulement 4 points sur 9 face à ces équipes, dont 3 face au dernier, sauvé bien évidemment par une prouesse individuelle de Payet (1-0).

La victoire face à Toulouse est la seule de l’OM en 7 matches à domicile en 2020. Pire encore, l’OM reste sur 5 matches sans victoire dans son antre. L’absence de supporters est à prendre en compte, mais ne justifie en rien le manque de résultats à domicile, surtout entre janvier et mars où le public était bien là.

Un problème tactique et individuel

Malgré une préparation tronquée, et un retard sur le plan physique, la faiblesse dans le jeu n’est pas liée à ce problème. Tout du moins, pas uniquement. Le néant dans le jeu est perceptible depuis des mois. Mais concrètement, que pouvons-nous observer du jeu olympien en 2020 ?
L’absence de circuits préférentiels lors des sorties de balle. Un secteur de jeu ô combien important pour amorcer des actions, à l’instar du travail fourni par Mikel Arteta à Arsenal. Avec Duje Caleta-Car, l’OM peut pourtant essayer de relancer court, mais aussi jouer long. L’utilisation des latéraux sur le plan offensif reste limitée.

Le milieu est, à n’en pas douter, le point faible de l’équipe. Boubacar Kamara rend de fiers services au milieu, mais ne présente pas l’entièreté des qualités requises pour un 6. Morgan Sanson est très limité techniquement, et n’apporte pas la créativité exigée pour un relayeur. Pire encore, sa capacité à faire avancer le bloc via la verticalité de son jeu est de moins en moins perceptible. Enfin, Valentin Rongier excelle dans les configurations où l’OM joue bas, sous pression, et dont l’utilisation du ballon est réduite. Il peut donc mettre à contribution ses qualités de mobilités, et de pressing. En revanche, quand l’OM doit faire le jeu, Rongier montre peu de personnalité, tente très peu de passes verticales et préfère assurer en jouant derrière.

Dans cette situation, il demeure naturellement compliqué de prendre l’ascendant au milieu face à des blocs bien regroupés et resserrés. Le pressing imposé sur le sorties de balle et relances adverses a progressivement disparu, et complique la tâche des Marseillais. L’absence d’un Maxime Lopez en relayeur est difficilement explicable. Malgré des prestations en demi-teinte, à des postes différents du sien, il ne faut pas oublier le début de saison convaincant de Lopez l’an dernier au milieu, ni ce qu’il peut apporter avec un autre capital confiance.

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Enfin Dimitri Payet et Florian Thauvin, dans ce marasme collectif, sont les rampes de lancements de toute les situations offensives de l’équipe. Tout passe par eux, et ils doivent réaliser des prouesses individuelles pour trouver Dario Benedetto. L’Argentin est un 9 qui cristallise les passions. Bien qu’il soit critiquable, il demeure relativement compliqué de se mettre en évidence dans une équipe qui se procure peu d’occasions. Obligé de décrocher, il est rarement dans la zone de vérité, faute de ballons. L’avant-centre est le dernier chaînon d’une équipe, celui qui conclut les actions. Marseille a des lacunes immenses dans les chaînons précédents, il est donc compliqué pour le 9 d’exploiter le peu de ballons dont il dispose.

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Dans ces conditions, il s’avère extrêmement difficile de tirer son épingle du jeu, et prendre l’ascendant sur ses adversaires. À force de s’en remettre continuellement à certaines individualités et délaisser le jeu, l’OM de Villas-Boas en subit peu à peu les conséquences. Cette saison, les 8 points pris sur 15 semblent flatteurs, en attestent les xG qui placent l’OM avec 6.2 points.
Le match face à Brest en début de saison est symbolique, tant la différence entre l’opposition de l’an passé et celle de cette année est majeure.

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Villas-Boas, une remise en question attendue

Pour autant, les joueurs et le staff ne semblent pas enclins à revoir leurs méthodes actuelles. «Lorsqu’on laisse la possession aux autres équipes, on est plus performant, comme à Paris, jauge Florian Thauvin avant le déplacement chez l’OL. C’est le coach qui verra, mais c’est une possibilité qu’on reproduise le même genre de match à Lyon.» André Villas-Boas expose aussi l’idée de préparer l’équipe à jouer en transitions et très bas pour la Ligue des champions. Mais l’OM ne semble pas avoir, sur le papier, une équipe bâtie pour opérer en contre. Payet, Benedetto, voire Thauvin ne correspondent pas à ce style d’animations. Tant de données à prendre en compte.

Ce dimanche, les Olympiens affrontent une bête blessée, l’Olympique Lyonnais d’un certain Rudi Garcia. Dans le dur, les Lyonnais doivent impérativement l’emporter après une série de 4 matches sans victoire. Malheur au perdant, et surtout beaucoup de pression sur le technicien qui ne sortira pas vainqueur. L’heure peut-être pour André Villas-Boas de revenir à ses fondamentaux, et de remettre le jeu au service de la victoire.

Crédit photo : Icon Sport

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Sinon, c'est si cool que ça d’être champions ?