Si la saison 2020-21 n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements, elle pourrait déboucher, encore une fois, sur des changements majeurs pour l’OM. Pour le meilleur ou pour le pire ?
En près d’une décennie, nombreux furent les projets qui se sont succédé du côté de l’Olympique de Marseille. Du Bayern du sud au Projet Borussia Dortmund en passant par le projet officieux Doyen Sport, tous sont arrivés, ont échoué puis ont finalement laissé place au pompeux Champions Project de Frank McCourt et Jacques-Henri Eyraud.
À la différence des autres projets, tous nés de la volonté du désormais président de la Ligue de Football Professionnel, le célèbre Vincent Labrune, le Champions Project s’est voulu persistant et lui-même composé de plusieurs phases.
Le propre du football, c’est qu’il n’est en rien prévisible
La première phase était supposée remettre l’OM sur le devant de la scène et capable de «jouer le titre au bout de 3 ans», de l’aveu même de son initiateur américain. Au bout de 5 ans, même, il devait être possible d’envisager la victoire finale en Ligue des champions !
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Ces annonces, regrettées par leurs propres auteurs, se sont confrontées à la réalité qui n’est que peu reluisante. En effet, 4 ans plus tard (le rachat du club ayant eu lieu en octobre 2016), le bât blesse : l’OM n’est capable ni de l’un, ni de l’autre.
Pour autant, de la crise sportive (une 5e place arrachée sur le fil en 2018-19 et synonyme d’absence de Coupe d’Europe) est née une première opportunité : le très décrié Rudi Garcia quitte le club, la saison même de sa prolongation, avant d’être suivi par un Andoni Zubizarreta en situation d’échec quelques mois plus tard. Leur projet est abandonné et c’est d’une feuille quasi vierge que l’OM repartait, à l’été 2019, avec André Villas-Boas.
Bien leur en a pris, semble-t-il tout du moins, puisque le Portugais s’est montré important dans son choix de joueurs (Alvaro, Benedetto et Rongier, qu’il a validé, sont tous titulaires aujourd’hui et avec un salaire tout à fait raisonnable) et a ramené le club en Ligue des champions. Il a mis un terme, certes contraint et forcé, à une politique mauvaise dépensière et qui se traduit encore aujourd’hui par la présence de Kostas Mitroglou (3,5 millions d’euros nets de salaire annuel), Valère Germain (3,3M) ou Kevin Strootman (5,5M), tous remplaçants voire membres du loft marseillais.
Profiter d'aller jouer en Grèce pour ramener Mitroglou chez lui. #OLYOM #TeamOM pic.twitter.com/eWVMYCsDz2
— YVNG BVNDIT ₆₆₇ (@YVNGCYPHER) October 21, 2020
Car de la crise sportive est née une crise financière, et c’est elle qui fera basculer le destin marseillais. L’investissement du board, ayant largement dépassé les 200 millions annoncés, devait permettre à l’OM de retrouver la Ligue des champions tout en valorisant son actif joueurs.
Pour le premier, c’est évidemment un échec, la qualification relevant avant tout d’une saison sans participation en coupe d’Europe et où l’arrivée d’un coach meneur d’hommes avant d’être tacticien s’est conjuguée à un désir de revanche fort du groupe. Rajoutez à cela un objectif Euro 2020 pour mobiliser un Dimitri Payet perdu puis une fin de saison précoce en raison de la crise du Coronavirus et vous obtenez, dans les grandes lignes, les raisons du succès olympien de la saison passée.
L’OM à la croisée des chemins ?
Pour la valorisation de son actif joueurs, le bilan est un peu moins négatif à l’OM, ne serait-ce que par la présence des seuls Morgan Sanson (estimé à plus de 20 millions d’euros) ou Caleta-Car (estimé à plus de 30 millions d’euros). Si l’on pourrait relativiser les investissements lourds qu’ont été Payet (28 millions d’euros de transfert et un salaire XXL jusqu’à l’été dernier) ou Mandanda, ils font malgré tout figure de valeurs sûres du club, quand bien même le numéro 10 olympien serait parfois inconstant.
Le 11 type actuel de l’OM est ainsi globalement intéressant, tout du moins en termes de «patrimoine» pour reprendre les termes de Pablo Longoria.
L’OM de 2016 était ainsi constitué de : Pelé – Fanni, Rekik, Rolando, Bédimo – Vainqueur, Zambo, Lopez – Cabella, Thauvin et Gomis, avec Clinton Njie, Bouna Sarr, Zinedine Machach ou encore Tomas Hubocan comme remplaçants potentiels. De quoi viser le top 10 de Ligue 1.
Avec l’OM de 2020, c’est Mandanda – Sakai, Caleta-Car, Alvaro, Amavi – Kamara, Cuisance/Sanson, Rongier – Thauvin, Payet, Benedetto avec Balerdi, Nagatomo, Strootman ou encore Luis Henrique dans la rotation.
La progression, non seulement en termes de qualité joueur mais aussi en termes de valeur actifs, est présente mais pas aussi conséquente qu’il eut été possible de l’espérer après de tels investissements. Surtout, elle ne s’est pas accompagnée de rentrées significatives, là où Zambo Anguissa (30 millions d’euros), Lucas Ocampos (15M), Bouna Sarr (10M) sont les seules ventes à 8 chiffres du club (et aucun n’a été recruté sous McCourt, il convient de le noter).
Ainsi, c’est avec un déficit de près de 90M€ que Marseille se présentait en cette année 2020. Un bilan très problématique qui a notamment obligé le FPF à surveiller de très près l’OM, notamment via sanctions (retrait de 15% des gains de l’OM en Ligue des champions, limitation du nombre de joueurs inscriptibles etc…).
Fair-play financier : l'OM sanctionné mais pourra jouer la Ligue des champions https://t.co/4YHCJ4sqsp pic.twitter.com/88rehDvKZo
— L'ÉQUIPE (@lequipe) June 19, 2020
À cela, il convient nécessairement de rajouter la désormais traditionnelle «main au pot» de Frank McCourt pour rééquilibrer chaque année les comptes via des prêts ou des abandons de créances. Une situation difficilement tenable pour celui qui n’est plus milliardaire après de lourdes pertes essuyées au cours des années précédentes et qui risque de voir son business (l’immobilier, pour rappel) fortement impacté par la crise du Covid-19.
Ainsi, c’est dans une situation très incertaine qu’évolue l’OM cette saison, notamment au sortir d’un été rythmé par les rumeurs de vente du club. Trois grands scenarii sont envisageables pour l’Olympique de Marseille et tous seraient décisifs pour l’avenir du club.
Scénario A : statu quo ou stagnation ?
Au terme d’une saison assez terme ponctuée par une 4e place en Ligue des champions, un quart de finale de Coupe de France et une 4e place en Ligue 1, l’OM est qualifié pour la Ligue Europa. C’est une «satisfaction» que d’être de nouveau qualifié en «Coupe d’Europe» d’après le maître de la communication retrouvé, aka Jacques-Henri Eyraud. André Villas-Boas est prolongé jusqu’en 2023 après avoir su battre le Paris SG au match retour et terrasser l’OL au Vélodrome.
Les finances du club, elles, battent de l’aile mais pas suffisamment pour inciter Frank McCourt à vendre le club : c’est que le magnat étasunien sait qu’il y perdrait beaucoup, la crise du Covid n’étant toujours pas terminée et la valeur du club étant en forte recul. Il conservera donc le club, bien décidé à réaliser un effet de levier intéressant.
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On procède ainsi à de nombreuses ventes, toutes menées de front par Pablo Longoria : adieu Jordan Amavi, qui refuse finalement de prolonger pour retrouver la Premier League à West Ham; adieu Duje Caleta-Car pour un chèque de 30 millions d’euros et une arrivée en grande pompes à Liverpool; adieu Morgan Sanson, qui quitte le club contre un virement de 18 millions d’euros, et adieu, évidemment, à un Florian Thauvin qui sera le nouvel ailier droit d’un AC Milan tout juste auréolé d’un titre de champion d’Italie. Yuto Nagatomo, Kostas Mitroglou, Valère Germain et Maxime Lopez quittent définitivement l’OM.
Au rayon des arrivées, l’OM ne lève pas l’option d’achat de Leonardo Balerdi mais tente de négocier un prêt d’une saison supplémentaire. Michael Cuisance reste, tout comme un Nemanja Radonjic qui s’accroche à son contrat comme une huître à son rocher. On mise avant tout sur des petits coups ici et là avec intelligence, comme le prouve la signature de José Juan Macias (CD Guadalajara) contre un chèque de 8M€ payable en 3 fois tous les 2 ans, ou encore l’arrivée d’un jeune talent paraguayen méconnu.
Les plus : L’OM repart donc avec des finances plus saines. On joue la continuité avec un André Villas-Boas qui sait ramener des points. Pablo Longoria démontre qu’il sait vendre mais aussi recruter intelligemment avec un budget serré.
Les moins : L’OM perd son ambition et se contente très bien de son retour en Europa League. L’effectif est amoindri. Nemanja Radonjic est toujours sous contrat. Pas de vente en vue.
Scénario B : le chaos et le saut vers l’inconnu ?
Au terme d’une saison en dents de scie, l’OM échoue à une 6e place en Ligue 1 qui fait office de cache-misère. L’équipe, totalement démobilisée après 3 revers de rang en janvier, a traîné ses 6 défaites en Ligue des champions comme un boulet. André Villas-Boas a menacé de démissionner à trois reprises avant, finalement, de quitter le club au bout de son contrat en juin 2021. Pas de coupe d’Europe, pas de Coupe de France non plus, et des problèmes de liquidités qui s’aggravent pour Marseille.
On liquide donc les actifs comme on peut : Caleta-Car, Sakai, Sanson, Rongier, Kamara, Thauvin, Khaoui, Nagatomo, Radonjic et Morgan Sanson sont tous bazardés pour la moitié de leur valeur. L’OM s’en tire avec 60 millions d’euros et un effectif considérablement amoindri, tous les joueurs en fin de contrat ayant quitté le club, y compris les prêtés avec option d’achat.
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Ces départs, tous négociés en amont, permettent à l’OM de passer l’examen de la DNCG avec brio. Elles permettent aussi à Frank McCourt de récupérer un certain montant qui lui permet de compenser ses pertes.
Les achats, eux, sont bloqués : la situation du club, conjuguée à un Covid-19 dont on sait qu’il sera bientôt terrassé, attire les investisseurs de toutes parts. La bataille pour l’obtention de négociations exclusives avec Frank McCourt fait rage. Elle tiendra les Bouches-du-Rhône en haleine jusqu’à la toute fin de l’été.
Les plus : Les finances de l’OM sont rétablies. André Villas-Boas et son jeu décrié quittent le club, tout comme de nombreux boulets dans l’effectif. L’OM est potentiellement vendu.
Les moins : La certitude de voir l’OM vendu n’est évidemment pas présente. Il convient de trouver un nouvel entraîneur et de remodeler considérablement l’effectif. Pas de coupe d’Europe, flou absolu pour le futur du club.
Scénario C : une progression cadencée mais potentiellement explosive ?
C’est fort d’une nouvelle qualification en Ligue des champions que l’ex du FC Porto, André Villas-Boas, tente de négocier une prolongation avec un Frank McCourt bien décidé à le garder et qui obtient, après forte revalorisation, le droit de conserver son technicien. C’est qu’après avoir obtenu deux victoires de prestige face à Manchester City et à son club de coeur, le Portugais a su emmener les siens jusqu’en 8es de finale de la coupe aux grandes oreilles, tout en étant l’auteur d’un bon parcours en Coupe de France. Les atermoiements du début de saison semblent loin et son OM a gagné des matches à défaut de se montrer offensif.
Côté ventes, l’OM ne peut se permettre de passer une saison de plus sans dégraisser. Exit donc Morgan Sanson et Duje Caleta-Car, tous deux valorisés à respectivement 25 et 40 millions après un parcours européen convaincant. Les boulets Valère Germain et Kostas Mitroglou parachèvent d’assainir la masse salariale du club, qui fait de grandes économies. Yuto Nagatomo, Yohann Pelé et Maxime Lopez sont les autres départs tandis que Nemanja Radonjic est envoyé en prêt au Hellas Vérone.
Côté arrivées, l’OM lève les options de Michael Cuisance et Leonardo Balerdi pour 33M€ au total. Avec les deux prêtés de l’été 2020, Marseille tient les successeurs de DCC et Sanson. Un numéro 9 «prospect» vient soulager un Dario Benedetto qui a su retrouver de l’allant. Un latéral gauche d’avenir vient accompagner un Joakim Maehle -La Gantoise) finalement recruté en janvier par le board olympien et qui fait le bonheur des suiveurs du club. Surtout, Florian Thauvin est prolongé. On entend pourtant, à travers ces nombreuses bonnes nouvelles, de nouveau parler de «vente OM».
Les plus : L’OM progresse à petits pas. Une stabilité retrouvée, une direction sportive qui travaille bien et des finances assainies, voilà un gage de croissance pour le club qui aborde la saison 2021-22 avec les mêmes ambitions qu’en 2020-21, à savoir le podium et quelques ventes intéressantes. L’OM intéresse des investisseurs désireux d’investir dans un club déjà relativement compétitif.
Les moins : L’OM est incapable de jouer le titre, c’est une réalité. À des années lumières du PSG, il doit faire face à un LOSC aux ambitions débordantes, à un Lyon qui a misé sur un entraîneur-joueur en la personne de Marcelo Gallardo et à un AS Monaco qui rentre dans le deuxième cycle du projet Kovac. Le Stade Rennais et ses investissements, accompagnés de l’AS Saint-Étienne et son projet jeunes, tiennent la dragée haute à un effectif marseillais toujours aussi brouillon sous la houlette d’AVB. Frank McCourt demande une somme exorbitante pour vendre le club.
Ainsi, quelque soit le scénario, les ventes de joueurs sont obligatoires et la vente du club fait figure d’épouvantail. On craint la régression pour le mince équilibre retrouvé sous l’ère McCourt, notamment face à la progression des rivaux du club. Gare à la saison ratée pour Villas-Boas, Marseille se trouve à un tournant dangereux de son histoire.
Crédit photo : Icon Sport