[Marseille] Zubizarreta, la fin d’une ère… pour le meilleur

21h00, une énième soirée de spéculations autour de la vente de l’Olympique de Marseille se prépare. Puis la nouvelle sort. Andoni Zubizarreta va quitter le navire phocéen. Il a fallu quelques minutes avant que le club confirme les rumeurs et officialise le départ du directeur sportif basque. Une nouvelle qui a le don de surprendre la planète Mars, tant le timing est suspect. Ce départ ouvre une nouvelle page dans l’ère marseillaise, pour le meilleur.

Un mandat terne

Andoni Zubizarreta sera resté trois ans et demi à Marseille. Arrivé en même temps que Rudi Garcia, l’ancien directeur sportif du Barça était un choix du président Jacques-Henri Eyraud. Après avoir fermé la porte à Luis Campos au dernier moment, JHE (avec  l’approbation de Garcia) choisit le Basque pour mettre en place l’OM Champions Project. Le parcours de Zubi parle pour lui : une reconversion en tant que directeur sportif à l’Athletic Bilbao (2001-2004 puis au FC Barcelone (2010-2014), consécutive à une riche carrière comme gardien de but.

Après un passage en Catalogne mitigé voire décevant, l’Espagnol se retrouve sans emploi. Jusqu’au coup de fil du nouveau président de l’OM. Zubi met en suspens son rôle de consultant à la télévision et rejoint la Provence. Plusieurs missions l’attendent : une refonte du centre de formation, installer l’OM à la table des grands clubs et développer la cellule de recrutement. Des objectifs atteignables au vu du pedigree de l’ancien du FCB. Et pourtant, les résultats espérés seront mitigés.

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Le départ de Zubizarreta est surprenant mais logique. Trois saisons pleines à Marseille, c’est long. Très long. Alors que Rudi Garcia faisait office de gilet pare-balles, Zubi pouvait travailler sur certains dossiers chauds en coulisses, sous le commandement du président Eyraud. L’OM voulait une plus grande proximité avec les clubs de la région ? OM Next Gen verra le jour. Ensuite, la cellule de recrutement passera sous l’égide d’Albert Valentin. Le bras droit de Zubi est réputé comme un expert en la matière. Il est à la tête d’un logiciel de recrutement futuriste qui révolutionnerait le scouting.

Quant à l’image de l’OM sur le plan européen, le club a réussi des coups sur le marché des transferts, comme avec Luiz Gustavo, Patrice Evra et Dimitri Payet. Lorsqu’on dresse le tableau de Zubizarreta, tout laisse à croire que son passage est un franc succès. Et pourtant, l’OM stagne depuis deux ans. Sur tous les plans. Et Zubi n’y est pas pour rien. Jacques-Henri Eyraud commençait à s’en apercevoir. Les méthodes du Basque n’étaient plus en adéquation avec la volonté du président marseillais. Mais un dernier élément a complexifié son départ : la présence d’André Villas-Boas.

La dernière danse

La nomination d’André Villas-Boas, en mai 2019, aura marqué le début de la fin du passage d’Andoni Zubizarreta. Pour la première fois depuis qu’il est à l’OM, le directeur sportif est à la tête d’un choix fort. Recruter l’ancien entraineur du FC Porto est sa décision. Il mènera les négociations seul du début à la fin et va convaincre AVB de succéder à Rudi Garcia. C’est la seule fois où Zubi ira au bout de sa volonté concernant le sportif. Et ça restera son unique fait d’armes au club. L’ancien directeur sportif du FC Barcelone ne s’est jamais imposé comme étant l’homme fort du projet, laissant Jacques-Henri Eyraud et Rudi Garcia interagir dans le recrutement de nombreuses fois.

Si le trio jurait prendre les décisions d’un accord commun, c’est tout le contraire qui se passait. Sur les nombreuses recrues de l’OM Champions Project, aucune n’est issue du directeur sportif. Même l’idée Alvaro Gonzalez provenait de son bras droit, Albert Valentin. La méthode Zubi ne rime pas à grand-chose. Le Basque convient « que l’Espagne est le marché qu’il connait le mieux », mais aucun joueur ne viendra de Liga via son réseau. Rudi Garcia a longtemps endossé le rôle du grand méchant loup. L’actuel coach de l’Olympique Lyonnais aurait refusé un grand nombre de joueurs proposés par son directeur sportif, afin de se focaliser sur ses idées à lui. Info ou intox, malgré les critiques, Garcia aura été à la tête des signatures de Caleta-Car, Strootman et Balotelli. Trois joueurs à grande notoriété. Là où Zubizarreta n’en compte aucun. Évidemment, refaire l’histoire au lendemain de la démission parait trop simple. Mais la question se pose avec le recul.

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La présence d’André Villas-Boas a apporté une vraie sérénité à Zubizarreta. Les deux se connaissent depuis longtemps. Zubi avait contacté le Portugais pour prendre la succession de Pep Guardiola à Barcelone en 2012. Depuis, ils ne se lâchent plus. C’était un rêve pour le duo d’officier ensemble un jour. L’idylle parfaite à l’OM a renforcé leur amitié. Au point que Villas-Boas relie son avenir à celui de Zubizarreta. Lorsqu’Eyraud intègre Paul Aldridge dans l’organigramme, AVB voit en cette nomination un potentiel remplaçant de Zubi.

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Son ami est en danger ? L’entraîneur va au front pour le défendre et menace de quitter l’OM. Un message destiné à Jacques-Henri Eyraud qui n’a pas mis au courant l’état-major marseillais de sa décision concernant Aldridge. Mais le choix de JHE de faire appel à ce spécialiste de la vente de joueurs est réfléchi. Face à l’incapacité de Zubi à vendre, il fallait une personne compétente pour assurer cette fonction. La ligne conductrice du directeur sportif marseillais est dites « moyenâgeuse  ». Si un joueur souhaite partir, c’est à son agent ou ses représentants de lui trouver un nouveau club.

Une façon d’œuvrer en inadéquation avec un club comme l’Olympique de Marseille. L’OM n’a pas la réputation de l’OL chez les grands clubs pour vendre des jeunes, ni l’envergure d’un grand d’Europe pour que les clubs viennent prendre ses meilleurs joueurs. Le club doit démarcher en masse pour vendre. Zubi n’était pas de cet avis. Finalement, le transfert de Zambo Anguissa, à l’été 2018, sera orchestré par Pini Zahavi. Ceux de Lucas Ocampos, Luiz Gustavo et Kostas Mitroglou ? Par leurs agents respectifs. Devant ce problème persistant, le président de l’OM n’avait pas le choix que de faire appel à un expert.

Grand homme, directeur sportif moyen

Finalement, avec cette seconde place au classement, tout laissait croire que le club entamerait un cycle vertueux. Mais face à la réalité économique et au fair-play financier, le club devait prendre des décisions. Et c’est le président Eyraud qui a eu le dernier mot. Entre la volonté sportive d’André Villas-Boas et la logique financière de Frank McCourt, JHE a tranché. Zubizarreta doit démissionner de son poste, quitte à perdre Villas-Boas. Avec Un choix cornélien qu’Eyraud assume complètement. Il y a un déficit colossal à combler cet été, l’OM doit vendre. Et le club aura plus de difficulté si Zubi s’en occupe.

Le passage d’Andoni Zubizarreta à Marseille laissera une étrange trace. Il restera celui qui a dit « Oui » à l’OM Champions Project. Mais il restera considéré comme celui qui a été incapable de faire passer un cap au club. Zubi était respecté par tout le monde à Marseille. Les supporters garderont l’image d’un grand homme, mais d’un directeur sportif moyen. Personne n’oubliera la refonte du centre de formation, la signature d’AVB et son road-trip à Turin avec la DS4 du club pour récupérer Patrice Evra. Mais au final, tout cela sera vite oublié le jour où un directeur sportif adéquat arrivera à Marseille.

Crédit photo : Icon Sport

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»