En 2020, on parle encore de racisme…

Hier, 13e minute du match entre le Paris Saint-Germain et Istanbul Basaksehir. Le 4ème arbitre (dont on ne citera pas le nom car il ne le mérite pas), décide d’appeler l’arbitre principal (que nous ne nommerons pas non plus pour les mêmes raisons) pour exclure Achille Webo, entraineur adjoint de Basaksehir. Mais au lieu de montrer cet entraineur adjoint, il décide de le notifier par sa couleur de peau. La suite ? La colère de Webo et de Demba Ba, des joueurs qui sortent de la pelouse et un match arrêté. Le 8 décembre, une date importante dans l’Histoire du football et dans sa lutte contre le racisme.

La honte

Il y a des choses qui nous énervent. Des choses dont on se dit qu’en 2020, elles ne devraient plus arriver. Quand c’est arrivé dans les années 90, on s’est dit que le temps allait passer et que tout cela évoluera positivement. «Les mentalités vont évoluer, on est dans un monde où tout le monde vit ensemble, ces différences ne se verront plus.» Que nenni. On peut citer une ribambelle de joueurs qui ont été victimes de racisme sur ces dernières années : Lukaku, Matuidi, Dani Alves, Moise Kean, Moussa Marega, Neymar ou encore Samuel Eto’o pour ne citer qu’eux. Et pourtant, il est fort possible que d’autres soient victimes de racisme sans en parler. Et ça, ce n’est absolument pas normal.

En général et très malheureusement, ce sont les «supporters» qui insultent les joueurs, qui font des cris de singe aux joueurs noirs adverses. Parfois, ce sont les joueurs entre eux. On a encore l’exemple de Demba Ba, jouant du côté du Shanghai Shenua qui a attrapé par le col un joueur de Changchun Yatai. La sanction ? Une grosse amende. Ouais, super. Quand on pose la question à Noël Le Graët, président de la Fédération Française de Football concernant le racisme dans le foot, il ose répondre : «Le phénomène raciste dans le sport et dans le foot en particulier, n’existe pas, ou peu.» Bon, peut-être qu’il faut demander à ces joueurs d’arrêter de mentir, c’est ça ?

Demba Ba, leader d’une nouvelle génération ?

Hier, quand Achille Webo a entendu le mot «negru», il a bondi de son siège en s’écriant «Pourquoi il dit negro ?!». Dans une petite cacophonie totalement normale et légitime à ce moment, un homme s’est extirpé de tout ça pour parler au quatrième arbitre. De façon virulente et surtout de façon très intelligente : Demba Ba. Dans ce Parc des Princes, lui, supporter du Paris Saint-Germain et bourreau de ces mêmes parisiens lors d’un quart de finale en 2014 avec Chelsea, s’est fait le porte-voix de tous les hommes sur le terrain : «Quand vous mentionnez un joueur blanc, vous dites “this guy” et non “this white guy” donc pourquoi vous dites “this black guy” pour parler d’un joueur noir ?» Simple, précis, concis.

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À partir de là, d’autres joueurs se sont élevés. Presnel Kimpembe a rapidement dit à ses coéquipiers : «Venez on sort !» Kylian Mbappé a aussi eu son mot à dire : «Nous ne pouvons pas jouer tant qu’il est sur le terrain.» Le mot de la fin est revenu aux joueurs et aux staffs des deux équipes qui ont décidé de rentrer aux vestiaires pour marquer cette date d’une pierre blanche dans l’histoire du football.

Demba Ba a toujours été un joueur avec des convictions et ça ne date pas d’hier. «Je rêve d’un monde où on vit dans la tolérance et dans la bonté», avait-il déclaré lors de son passage à J+1 sur Canal+ juste avant que Stéphane Guy ose lui poser la fameuse question : «Vous êtes donc un musulman, pas un islamiste ?» Quand Lukaku a été victime de cris de singe et que les supporters de l’Inter avait dit que ces cris de singe étaient «uniquement pour déstabiliser l’adversaire», il avait aussi réagi à travers un tweet.  Et enfin, concernant les Ouïghours, ce peuple persécuté en Chine, il avait accordé une interview poignante à la BBC.

Samuel Eto’o avait beaucoup parlé d’actes à faire en cas d’insultes racistes dont notamment quitter le terrain, inciter tous les joueurs de couleurs à boycotter des matchs pour que le porte monnaie des diffuseurs et autres soient touchés. Il a tenté lors de son passage à Barcelone de quitter le terrain face à Valladolid mais malheureusement, des joueurs l’en ont empêché. Aujourd’hui, tout le monde a suivi Demba Ba et c’est une très grande victoire.

La base du problème : l’arbitre !

On a beaucoup parlé du quatrième arbitre de cette rencontre qui a utilisé le mot «negru». Mais parlons maintenant de l’arbitre principal. À quel moment est-il normal d’entendre tout ça dans son oreillette et d’avoir une réaction totalement normale en allant exclure Achille Webo ? Ceci aussi représente un très gros problème. L’arbitre est censé contrôler les lois du jeu. C’est donc lui qui fait la loi. Si cette loi n’est pas respectée par les joueurs, il y a sanction. Pourquoi aucune sanction contre des arbitres qui fautent ?

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Pareil au niveau de l’UEFA. À coup de grands spots, «Non au racisme», «Respect», «Kick racism out of football», l’image est ternie. Pire encore, pendant toute l’interruption de cette rencontre, aucune communication officielle. Il se dit même qu’ils voulaient mettre au chaud, ce quatrième arbitre en le mettant dans le car de la VAR ! Invraisemblable. À travers un communiqué d’après-match, ils déclarent qu’une enquête sera ouverte. Donc même pour un acte aussi visible et audible – merci le huis-clos pour ce coup-là – il y a une enquête à faire ? Des choses doivent être mises en place pour éradiquer ce phénomène dans le football. La semaine dernière, quand les supporters de Millwall ont hué les joueurs car ils ont un mis un genou à terre pour le #BlackLivesMatter, j’ai eu honte. Mais j’ai été réconforté grâce aux joueurs de QPR qui ont célébré face à même équipe en posant le genou au sol. Aujourd’hui, rebelote : j’ai la haine.

Le football est censé te faire oublier tes problèmes. L’image que les arbitres ont donné aujourd’hui est une très mauvaise pub. Heureusement que pour certains, les actes valent plus que des paroles. Merci Demba Ba, merci Istanbul Basaksehir, merci Paris.

Crédit photo : IconSport

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