[Débat] Des idées pour redonner le sourire au football ?

Des rencontres ennuyeuses à la pelle, des matches à huis-clos, un désintérêt grandissant de la jeunesse et notre sport chéri qui peine à retrouver ses lettres de noblesse. Le football arrive probablement au carrefour de son histoire moderne. Sport le plus populaire du monde, il traverse une crise d’identité. De nombreuses voix s’élèvent pour réformer une pratique sociale en perte de vitesse.

Le football en 2021 laisse songeur. France-Ukraine en est l’illustration parfaite. Les matches s’enchaînent à une vitesse monstrueuse. Le plaisir procuré devant ces parties est inversement proportionnel aux frissons dégagés par l’ensemble des observateurs du ballon rond. L’importance allouée aux résultats, au bilan comptable (dans tous les sens du terme) ont débouché sur un football sans saveur, sans idées, où le but n’est plus de marquer mais de limiter généralement la prise de risques. Une défaite a un prix, un coût, dur à supporter. On réduit les espaces, pose des bus en veux-tu en voilà et on essaye de surprendre sur un contre, sur ces fameuses transitions rapides qui font fureur dans le football moderne. Des systèmes défensifs peu reluisants en 6-3-1 fleurissent dans toute l’Europe pour nous délecter de leur rigueur et sérieux au détriment du jeu, du football.

Cette consommation à outrance des matches à la télévision accélère ce processus d’overdose. Comme le signalait un poète argentin des temps modernes qui enseigne désormais à Marseille «Je vois de plus en plus de matches et de moins en moins de football».

Plus alarmant, le bon suivi de ce sport auprès des nouvelles générations laisse à désirer. Selon une étude de l’Association européenne des clubs (ECA) établie dans sept pays dont l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Brésil, les 16-24 ans seraient nettement moins intéressés par le football. 28% des personnes interrogées se considèrent «fans» de football. Des chiffres, des données qui interpellent. Moins d’intérêt qui peut laisser place à une baisse du nombre de licenciés, un manque de pratique, et de fait, un manque de talents. Face à la multiplicité des centres d’intérêts, l’utilisation massive des réseaux sociaux et un spectacle laissé au second plan, le sport numéro un doit se remettre en question.

Le sport et le football sont des sciences. Les sciences ont la particularité d’être en évolution permanente. Un paradigme validé la veille peut devenir obsolète le lendemain. Pour venir en aide à un sport qui nous rassemble, des anciens joueurs et entraîneurs prennent de plus en plus la parole pour tenter de redonner un second souffle au football.

Mais dans les faits, existe-t-il réellement des solutions viables pour revigorer le football ?
On vous présente une liste non-exhaustive des mesures qui pourraient voir le jour prochainement dans le but de transfigurer un sport en quête d’une seconde jeunesse :

Le bonus offensif

Une règle déjà présente dans le rugby. L’idée est très simple : favoriser le jeu offensif, et le nombre de buts inscrits. Une mesure qui a déjà été mise en place par le passé. En 1973-1974, une expérimentation avait été établie en Ligue 1 pour octroyer un point supplémentaire aux équipes qui inscrivaient trois buts ou plus. A l’époque, une victoire attribuait deux points. Grâce au bonus offensif, une équipe pouvait prendre les trois points. Entre 1974 et 1976, si une équipe gagnait le match et marquait trois buts de plus que l’adversaire, elle obtenait 1 point en plus.

De manière irrémédiable, ces décisions eurent un impact positif sur les filets. La saison 1973-1974 fut une des saisons les plus prolifiques avec 1151 buts soit 100 de plus que la saison précédente.
Mais cette mesure suscita quelques controverses notamment de la part de Nancy, relégué au terme de la saison. Lors du denier match de la saison, les Nancéens l’emportent 3-1 face à Lyon et pensent se maintenir. Mais leurs concurrents directs, Monaco et Troyes, inscrivent respectivement 4 et 3 buts dans les ultimes instants. De fait, ils obtinrent le bonus offensif et se sauvèrent aux dépens de Nancy. Face à plusieurs contestations, le bonus offensif fut supprimé en 1976.

Autre point faible potentiel, le bonus offensif peut nettement avantager les grosses cylindrées, adeptes des scores fleuves. Au bout de quelques journées de championnat, les cadors pourraient vite creuser l’écart au classement et tuer tout suspens pour le reste de la saison.

Le 0-0 donne 0 point

Le 0-0 est la hantise principale des supporters. L’idée associée à un 0-0 est naturellement un match fermé où les deux systèmes se neutralisent parfaitement dans le but de récupérer un point et les trois points en bonus. Ce schéma de pensée peut arriver. Cette règle permettrait de contourner ce problème en incitant les plus frileux à aller marquer. Inscrire un but pour tenter de récupérer des points. Ne plus être simplement solide mais développer un jeu basé pour marquer puisque cela deviendrait l’objectif principal pour marquer des points.

Sur le papier, l’idée est séduisante. En pratique, un obstacle de taille peut poser des problèmes. Quid d’un 0-0 plein de panache, d’envie, d’allant offensif à l’instar de Leeds-Arsenal en Novembre dernier. Les protégés de Marcelo Bielsa avaient tiré à 25 reprises. Les montants ont été touchés plusieurs fois.

Comment pourrait-on pénaliser un promu qui donne la leçon à un prétendant à l’Europe sous prétexte qu’aucun but n’a été inscrit au cours de la rencontre ? C’est une problématique qui risque de freiner le développement de ce procédé.

L’agrandissement des cages

Depuis la naissance officielle du football le 26 Octobre 1863, les cages mesurent 7.32m de large sur 2.44m de hauteur. Des dimensions qui n’ont pas évolué. En 1996, Sepp Blatter, l’ancien président de la FIFA propose des suggestions pour rendre le football plus attractif. Parmi elles, la volonté d’agrandir les cages de 20 centimètres en hauteur et 50 en largeur. L’objectif est honnête, accentuer le taux de chances de marquer et ainsi augmenter la notion de spectacle.

Le bonheur procuré au cours d’un match peut diverger selon les spectateurs, mais la spécificité d’un but réside dans la complexité à trouver le chemin des filets. Agrandir les cages réduirait ce sentiment de difficulté, de patience, de jeu pour délivrer un camp, un club, une équipe, une foule. La proposition fut balayée d’un revers de main par d’anciennes gloires du football. Michel Platini déclara : «Ce n’est pas parce que le but est plus grand qu’on va marquer plus. On n’a qu’à être plus adroits.» Même son de cloche chez Diego Maradona qui était formellement contre : «Le football y perdrait toute son essence, des gens qui ne connaissent rien au foot veulent aujourd’hui agrandir les buts».

Au-delà de questions d’ordre philosophique autour du football, l’agrandissement des cages pourrait impacter la morphologie des gardiens. Il ne faudrait plus que des gardiens de 1m95-2m. La diversité des profils observés dans le football est une richesse propre à ce sport et lui enlever cela serait une erreur fondamentale. Question financement, il faudrait refabriquer des millions de cages sur l’ensemble des terrains professionnels et amateurs du monde entier. Une idée qui n’a pas marqué les esprits.

10 vs 10

La question des blocs bas, des bus, engendrent un sentiment de frustration chez les spectateurs. Observer les difficultés d’une équipe à contourner un bloc très bas et resserré participe grandement à se tourner vers d’autres distractions. Au fil des années, la tactique a pris un essor – trop – important dans le football actuel et les espaces sont de plus en plus réduits. Ces mêmes espaces permettent aux artistes de nous gratifier de leur art. Pour tenter de résoudre en partie ce problème, et libérer des espaces cruciaux pour le jeu offensif, on pourrait retirer un joueur dans chaque équipe.

Plus d’espaces, plus de temps pour les joueurs créatifs de tirer leur épingle du jeu et donc plus de spectacle. Moins de joueurs, plus d’espaces à couvrir et plus de difficultés pour les blocs bas à répéter les efforts avec un joueur de moins. Pour autant, dans un football dont le rythme ne cesse de croitre depuis des décennies, dix joueurs pourraient-ils tenir la cadence sur 90 minutes ? Malgré le retrait d’un joueur, les bus et les blocs deviendraient-ils à coup sûr, une histoire ancienne ?

Outre ces questions, cette mesure pourrait dénaturer les règles du football et l’idée de jouer à 11.

Changer les règles du hors-jeu

Si il y a bien quelque chose qui agite le microcosme du football ces derniers temps, c’est bien la VAR. La question du hors-jeu, des penalties ne cesse d’affluer les espaces de débats autour du football. Pour quelques millimètres, certains buts se voient refuser et laissent perplexe. Selon la loi 11 de l’IFAB, un joueur est considéré hors-jeu si «n’importe quelle partie de la tête, du corps ou des pieds se trouve plus près de la ligne du but adverse que le ballon et l’avant-dernier adversaire». Un règlement qui laisse place à de multiples confusions et un sentiment d’injustice. Le football «pied-ballon» doit être centré sur les pieds, le hors-jeu pourrait suivre la même voie.

Pour remédier au manque de divertissement procuré au cours des derniers mois et aux différentes controverses autour de la VAR, le directeur du développement mondial du football à la FIFA, Arsène Wenger, a proposé une idée novatrice. Une position serait jugée licite à partir du moment où l’attaquant aurait une partie de son corps alignée au niveau du dernier adversaire. Un profond changement qui augmenterait radicalement le nombre de buts. L’objectif est double puisque cela mettrait un terme aux débats incessants autour de la VAR et du hors-jeu comme le souligne Arsène Wenger : «Vous avez des hors-jeux sifflés pour une fraction de centimètres… Il est temps de changer cela rapidement pour que l’on ne puisse pas se retrouver dans la situation de dire qu’un joueur est hors-jeu parce que son nez dépasse.»

Pour tester l’efficacité de ce nouveau système, un test devrait être effectué dans le championnat chinois. L’IFAB examine plusieurs suggestions autour du hors-jeu.

Les hors-jeu cristallisent les passions en témoigne les propos récents de Marco Van Basten, ancien directeur technique de la FIFA entre 2016 et 2018 : «J’aimerais montrer que le football est possible sans la règle du hors-jeu. Je suis convaincu que le football serait meilleur sans elle.» Une position drastique, contestable mais qui indique clairement la nécessité de laisser place à de vastes changements à ce sujet.

Fluidifier les coups de pieds arrêtés

Dans cette lignée, Arsène Wenger vise à dynamiser le jeu à travers les coups de pieds arrêtés. L’ancien manager d’Arsenal aimerait introniser les touches au pied dans son propre camp pour accélérer le jeu. Dans ce cas précis, pas de risque de voir des corners et coups francs de côté à tout va et les touches pourraient apporter une vraie plus-value dans la construction d’une attaque. De manière étroitement liée, il aimerait intégrer la possibilité de jouer les coups francs soi-même pour accélérer le jeu. Tout cela participerait à ne plus ralentir le jeu et voir des matches plus rythmés.

Des idées, des propositions, de potentielles mesures en devenir qui changeront probablement la dynamique descendante du football. Ces idées pourront aider les entraîneurs et dirigeants à revoir leurs principes, pour proposer un football alléchant. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs. Au-delà de réformer le football, réside sûrement le besoin de renouveler les idées des acteurs principaux de ce sport. De ne pas oublier, que le football se joue vers l’avant, pour marquer et gagner.

«La peur de perdre remplace trop souvent le désir de gagner, si l’adversaire est plus fort, faisons du match une aventure. Ce n’est rien d’échouer, ce qui est grave est de ne rien tenter.» Michel Hidalgo.

Crédits photo : Icon Sport.

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Sinon, c'est si cool que ça d’être champions ?