[Turquie] Besiktas, la tête pensante du football turc

En ce début de mercato, un joueur a fait parler de lui en Angleterre. L’attaquant turc de Besiktas, Cenk Tosun, a signé à Everton pour 24.5 millions après des dures négociations.  Après Marcelo, c’est un autre cadre du club qui quitte les Aigles  et rapporte une belle somme au club. Ces dernières années, la Turquie nous avait plus habitués à acheter des joueurs et à ne vendre que très peu à son avantage. Besiktas a réussi un mix des deux, et commence à en récolter les fruits. Aujourd’hui, les noir et blanc sont considérés à juste titre comme la locomotive du pays, et c’est en partie grâce à leur président.

Fikret Orman, l’aigle qui ne vole pas avec les pigeons

Dans le paysage du football turc, il fait dorénavant partie des meubles.  L’ingénieur civil Fikret Orman n’a que 50 ans et pourtant il est en train de réussir un pari monstrueux, celui de faire connaitre Besiktas au-delà des frontières. Le président des Aigles noirs est en phase de placer BJK sur la carte du monde du football. Sur le plan national, le troisième club d’Istanbul a toujours été dans l’ombre derrière les deux rivaux d’Istanbul. Mais la donne commence à changer. Les titres récents en championnat ont fait passer un cap au club, à tel point que BJK est logiquement devenu la vraie locomotive de la SuperLig. Mais la véritable nouveauté est l’importance qu’est en train de prendre BJK sur le plan européen et mondial.

Les précédents résultats en coupe d’Europe ont aidé le club à se faire une petite réputation. L’épopée en Europa League et l’atmosphère dans la Vodafone Arena ont conquis les spécialistes. Les signatures cet été de joueurs du niveau de Pepe, Negredo ou Medel prouvent la constante progression de Besiktas.

Pour faire passer un cap à son club, le président Orman a pris une décision risquée. Celle d’exporter Besiktas à l’étranger. Un pari plus qu’audacieux mais qui a le mérite de faire parler dans le monde entier. En Chine notamment où, pour la première fois, une équipe turque  a disputé un match amical durant la période estivale.

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Mais l’ingénieur n’a pas fini de faire connaitre les Aigles noirs dans le monde. Dans un futur proche, le club aimerait disputer des matchs amicaux en Europe, aux Etats-Unis mais surtout en Indonésie et Malaisie. Fikret Orman voit d’un très bon œil une tournée en Asie du Sud-Est : c’est dans cette zone que la passion est la plus forte dans le continent mais surtout où se concentre une population à majorité musulmane.  « Nous continuerons à faire avancer notre projet de mondialisation sur tous les fronts et poursuivrons notre tournée en Chine avec des projets dans d’autres pays comme la Malaisie et l’Indonésie ainsi qu’en Europe et aux Etats-Unis. » racontait au Guardian le président de Besiktas

Cette idée de tournée a pour but de faire développer la notoriété des Aigles noirs dans le monde. Le problème principal de la Turquie et de son championnat est son manque de visibilité. En France, beIN a acheté les droits de la SuperLig. C’est la première fois dans l’histoire qu’un diffuseur français propose de suivre le championnat turc dans son intégralité.

Besiktas comme les autres clubs souffrent de ce manque de visibilité. BJK compterait aujourd’hui 30 millions de supporters dans le monde, un chiffre non négligeable mais que Fikret Orman voudrait faire grossir. Le président expliquait cet été au Guardian « Si Chelsea a une portée mondiale, pourquoi pas nous? » 

Le parallèle avec les Blues est très bien trouvé par l’homme fort de BJK. Un club lié historiquement à un quartier, qui a longtemps été dans l’ombre de ses rivaux en termes de médiatisation mais qui compte aujourd’hui 300 millions de fans dans le monde entier. Lucide sur la situation de Besiktas, Orman espère que le club atteindra un jour les 100 millions de supporters à travers le monde. La puissante communauté des Aigles Noirs sur les réseaux sociaux est un gros coup de pouce dans cette démarche.

Les nombreuses opérations « Come to Besiktas » organisées par les supporters sur les comptes Instagram et Twitter de Pepe, Cristiano Ronaldo ou Alvaro Negredo ont fait rire le monde football.  M’Bappé a été victime des spams incessants de la part de la communauté la plus folle des RS. Alors monégasque, le néo parisien a été harcelé par les fans BJK à base de « Come to PSG », tout ça pour éviter de l’affronter en Ligue des Champions.

Concernant le sportif, Fikret Orman veut s’attaquer à un secteur totalement laissé à l’abandon. L’ingénieur a pour ambition à long terme de développer un projet de formation. En effet, BJK n’a pas la réputation des autres clubs turcs en termes de développement de jeunes joueurs. Depuis en 2012, le club a excellé dans la post-formation avec les arrivées de Ozyakup, Tosun ou Arslan mais n’a sorti aucun jeune talentueux. Pour remédier à cela, la délégation des Aigles Noirs est partie au Brésil rencontrer des présidents experts en la matière. Corinthians, Palmeiras et Santos ont ouvert leurs portes à leurs homologues stambouliotes pour discuter formation, jeunes et développement. A terme, Besiktas aimerait faire comme Galatasaray au début des  années 2000 et pouvoir s’appuyer sur une génération de joueurs locaux  talentueux.

Evidemment, le parcours de BJK sur ces dernières saisons donne raison à l’ambitieux président. Les résultats sportifs, sa très bonne gestion financière et son attachement  au club lui accordent un énorme crédit auprès de ses supporters.

Fier comme Besiktas

Le club qui représente le mieux la Turquie dans le monde du foot est Besiktas. La réussite des Aigles Noirs depuis 2-3 saisons prouve que le club bosse et récolte le fruit d’un travail de longue haleine de la part du board. Une des grandes réussites de la direction et du staff est d’avoir créé une atmosphère à part entière à Besiktas. Quand tu rejoins le club, tu rejoins une famille. Dès qu’une nouvelle recrue arrive, elle fait directement partie de l’histoire des Aigles Noirs. Olcay Sahan, ancien du club, a reçu une standing-ovation lorsqu’il a égalisé à la Vodafone Arena avec le maillot de Trabzanspor. Il est comme ça le supporter de Besiktas, il n’oublie pas.

Le président Orman est responsable de cet atmosphère positive. Le choix des coachs a beaucoup joué. Malgré les difficultés et les périodes de doutes, Slaven Bilic et surtout Senol Gunes ont toujours travaillé dans la sérénité et le calme. Le but du board est de faire en sorte que l’entraîneur et son staff ne manque jamais de rien et soit toujours au courant de tous les agissements en off. Un cadre idyllique pour n’importe quel entraîneur, mais aussi pour les joueurs.

Lorsque le club contacte Gokhan Gonul, joueur  du rival Fenerbahce et en fin de contrat, il sait comment le convaincre de signer à Besiktas. A la recherche d’un nouveau défi, l’arrière droit voit chez les Aigles Noirs l’opportuinité d’être enfin considéré à sa vraie valeur et rejoindre le club qui monte. Le discours du président va le convaincre de signer chez le rival. Une décision saluée par tous les supporters du club qui voient avec sa signature une passation de pouvoir entre Besiktas  et Fenerbahce.

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Ce gros coup médiatique a été réussi en partie par le coup de poker menteur de Fikret Orman. Le président n’a rien laissé filtrer et a agi en sous-marin. Pareil pour la venue de Caner Erkin, autre ancien de Fener qui a rejoint BJK via l’Inter. L’homme fort du club stambouliote commence à se faire une vraie réputation sur le marché des transferts. Et le transfert de Cenk Tosun a renforcé cette tendance. L’ingénieur a failli faire craquer Everton et le légendaire Big Sam. Une situation inattendue pour l’entraîneur des Toffies qui ne s’attendait pas à des négociations aussi rudes. Le deal s’est conclu à hauteur de 24.5 millions, l’ex buteur de Besiktas devenant le deuxième Turc le plus cher de l’histoire derrière Arda Turan et devant Hakan Calhanoglu.

Outre ce transfert, Orman est un expert des joueurs achetés à coût zéro. Domagoj Vida a rejoint Besiktas libre de tout contrat après un long feuilleton. Une nouvelle victoire pour le président, à laquelle se rajoutent les venues de Gokhan, Pepe, Adriano, Caner, Talisca, Quaresma ou Babel entre autres.

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L’objectif est de ne pas surpayer des joueurs pour les faire venir à Besiktas mais plutôt de les convaincre qu’ils ont tout à gagner en venant du côté de la Vodafone Arena. Et ça marche : des jeunes joueurs du calibre d’Anderson Talisca ou Vincent Aboubakar n’ont pas hésité à venir en Turquie pour se relancer. Besiktas dispose d’une visibilité non négligeable qui a permis à Marcelo de rallier un club plus huppé ou à Cenk Tosun de rejoindre le championnat le plus compétitif du monde. D’autres joueurs comme Oghuzan Ozyakup seront sollicités cet été et ça ne sera que le fruit d’un excellent travail de la direction.

L’idée pour l’avenir est de dénicher des joueurs dans des clubs d’un standing supérieur qui ne seraient pas contre une aventure à Besiktas. Malgré la présence de Negredo, Senol Gunes espère voir un autre buteur remplacer numériquement Cenk Tosun. L’idée Mitroglou a rapidement émergé mais  ne fait pas l’unanimité. Les similitudes avec l’Espagnol n’intéressent pas le coach turc.

Une autre alternative a vite fait les unes des médias turcs. Durant son passage à Londres  pour négocier le transfert de Cenk, Orman aurait ouvert les négociations avec Arsenal pour Olivier Giroud.  Un dossier compliqué qui pourrait vite alimenter les deux clubs selon la tournure du mercato.

Reste une piste qui a vu le jour via Instagram et un like qui a déchainé les enfers. Il est l’œuvre de Ryan Babel qui a aimé un post de Daniel Sturridge avec un maillot de Besiktas. Simple coïncidence ou réelle information de la part du Néerlandais? En tout cas, les supporters des Aigles Noirs voient d’un très bon oeil l’arrivée de l’international anglais qui est en manque de temps de jeu .

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L’équipe a besoin de joueurs à vocation offensive. Le double champion en titre n’est que la sixième attaque du championnat et a six points de retard sur le leader Istanbul BB. Rien n’est joué en SuperLig. Se renforcer permettrait aux coéquipiers de Ricardo Quaresma d’espérer un troisième titre de champion. Besiktas doit se relancer avant d’entamer un mois de février coriace. Un déplacement toujours compliqué face au rival de Bursaspor mais surtout une double confrontation face au Bayern Munich qui risque de dicter la suite de la saison de BJK. Une rouste mettrait un coup au moral des troupes de Senol Gunes. Rendez-vous dans deux mois pour faire les comptes.

 

Crédit photo: OZAN KOSE / AFP

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»