Neuf ans. Neuf ans que Montpelliérains et Nîmois, meilleurs ennemis, ne se sont plus rencontrés. Sur le terrain du moins. Presque une décennie qui prendra fin cet après-midi, dans un contexte des plus tendus, poussant les autorités locales à l’angoisse et à la crainte. Oui, c’est bien l’un des derbys les plus chauds de France qui retrouve la Ligue 1 aujourd’hui à 17h, 25 ans après l’avoir quitté. L’occasion de revenir sur son histoire, ses origines, ses excès. L’occasion aussi de vous mettre l’eau à la bouche chers Diezistas…
Qu’est-ce qu’un derby sans son ancrage historique et géographique messieurs-dames ? Rien, oui, puisque sinon on ne parlerait pas de derby, d’accord. Mais qu’est-ce qu’un derby sans ses origines lointaines ? Ses origines remontant à un temps où l’on ne savait pas ce qu’était le football et où l’on savait encore moins que ce qui nous différencie de la ville voisine servirait de racines à une rivalité féroce, coriace, unique, quelques siècles plus tard. La magie des derbys quoi. Montpellier la Médiévale, centre viticole et ville commerçante du XIXème siècle, pôle universitaire de la fin du XXème siècle et pôle économique de la région. Elle reçoit Nîmes l’Antique, l’Ouvrière, la Romaine, beaucoup moins attractive économiquement et dans l’ombre de l’hôte du soir. Deux modèles de développement et deux histoires séparées d’une cinquantaine de kilomètres seulement.
Ce derby c’est aussi, évidemment, l’histoire de deux clubs de football. Le Nîmes Olympique, fondé en 1937, pilier du football français dans les années 1960. Dauphins à trois reprises du grand Stade de Reims et finalistes, deux fois, de la Coupe de France, les Crocodiles ont fait de cette décennie l’une des plus glorieuses de leur histoire. Une gloire vite éteinte à l’aube des années 1980, lorsque ces derniers descendirent en deuxième division. Une dégringolade coïncidant avec la naissance de l’ennemi du jour, en 1974 : le Montpellier Hérault Sport Club de Louis Nicollin.
Le bébé de Loulou passa de la DH à la D1 en huit ans, l’occasion pour les deux clubs de se rencontrer pour la toute première fois au milieu des années 1980. Une confrontation pas encore touchée, à cette époque, par la passion, l’animosité et la répulsion. A cette époque, l’Occitanie (ex Languedoc) comptait pléthore de clubs en D2. Sète, Béziers, Alès et nos deux têtes d’affiches du jour. Difficile donc de trouver son meilleur ennemi, l’époux avec qui on décide de se haïr jusqu’à la mort.
Au fil des années et des saisons, la rivalité entre supporters, en parallèle de la rivalité sportive, ne cesse de croître. La création en 1991 de la Butte Paillade, principal groupe ultra de la Mosson, et des Gladiators, ultras nîmois, aura fortement participé à l’avènement de la passion et du désamour qui entoure désormais ce match. Tifos hostiles et provocateurs d’un côté, crocodile en plastique accroché à une potence de l’autre, heurts et saccage de locaux des deux côtés comme plus belle démonstration de l’amour que se voue les deux clubs et les deux groupes. Malheureusement, cette haine est loin d’être de l’histoire ancienne. Car oui, à quelques heures du match, on n’est pas loin de définir la BP91 et les Gladiators comme étant LES deux acteurs du jour. Explications…
Le 28 novembre 2017, alors que Nîmes se déplace à Lorient et que Montpellier affronte Guingamp le lendemain, le convoi des Gladiators est victime d’une embuscade, sur une aire d’autoroute, tendue par les ennemis de la Butte Paillade. L’une des voitures du convoi nîmois finira saccagée et la bâche extérieure volée. La vendetta n’est pas qu’albanaise, elle est aussi nîmoise. Quelques mois plus tard, le local de la BP91 est attaqué à la disqueuse et les deux bâches historiques du groupe y sont dérobés. Une humiliation qui a causé la mise au sommeil du groupe et qui, durant de nombreux mois, n’aura jamais était revendiquée. C’est mercredi soir que le bourreau a enfin, mais pas concrètement non plus, décidé de se démasquer avec cette banderole à l’allusion évidente déployée par les ultras nîmois face à Guingamp.
Une histoire de bâches qui fait craindre le pire aux autorités. Le déplacement des supporters nîmois, limités à 650, sera escorté de Nîmes à Montpellier. Le match, lui, a été classé par la préfecture comme étant un match à haut-risque. Des membres de la BP91 auraient envisagé de se positionner au niveau des ponts de la ville pour intercepter les bus nîmois. Un hélicoptère de surveillance a même été réquisitionné pour l’occasion. La vendetta n’est pas qu’albanaise et nîmoise, elle semble aussi être montpelliéraine, malheureusement.
Mais ce derby, c’est avant tout une histoire de football, de jeu, de terrains, de grands joueurs. Michel Mézy, René Girard, Éric Cantona ou Laurent Blanc. Tous sont passés par les deux clubs. Ce derby, c’est aussi une histoire de match dingues et de provocations. Le 4-4 de 1986, alors que les crocodiles menaient 0-3 à la 35ème minute ou la demi-finale de Coupe de France de 1996 remportait par le N.O qui poussa Louis Nicollin, qui avait avoué avant le match qu’il rentrerait de Nîmes à cheval en cas de défaite, à convoquer ses joueurs le lendemain à quatre heures du matin pour vider les poubelles au sein de son entreprise. C’est ce genre de matchs mythiques auxquels on s’attend ce soir. Un MHSC toujours aussi solide, à une victoire du podium, poussé par un stade de La Mosson à guichets fermés et zieuté par l’esprit de Loulou, face à un Nîmes Olympique surprenant, joueur et très virile. Tous les ingrédients sont là pour vivre un match d’anthologie. Profitez seulement.
Crédit Photo : Midi Libre.