Après deux premières saisons mitigées à la Juventus, Federico Bernardeschi a l’occasion d’enfin passer un cap sous les ordres de Maurizio Sarri et de se débarrasser de son image d’éternel espoir.
S’il fallait résumer la situation de la Juventus Turin à l’aube de la saison 2019-2020 en un seul mot, cela serait sans nul doute : incertitude. A quelques jours du coup d’envoi de la nouvelle saison de Serie A, les interrogations sont légion au sujet de la Vieille Dame. Le « Sarri Ball » est-il compatible avec l’ADN de la Juventus ? Dybala va-t-il rester ? Comment se débarrasser d’Higuain, de Mandzukic et de Matuidi ? Qu’est-ce que ce diable de Fabio Paratici peut bien pouvoir encore nous inventer ? Les questions sont nombreuses et parmi elles se dresse un point d’interrogation supplémentaire : Federico Bernardeschi va-t-il enfin confirmer les espoirs placés en lui lors de son achat à la Fiorentina en juillet 2017 ? Une épineuse question dont seul le natif de Carrare a la réponse.
Un grand espoir italien
C’est donc à Carrare, charmante ville de Toscane plus connue pour produire du marbre que des footballeurs (même si Buffon en est lui aussi originaire), que le petit Federico voit le jour, une belle journée de février 1994. Repéré dès ses 9 ans par la Fiorentina, il suit toute sa formation chez la Viola, avec qui il signe son premier contrat professionnel en 2013. Afin de lui offrir du temps de jeu et de l’expérience, il est alors prêté à Crotone, en Serie B. Titulaire indiscutable chez les Calabrais, il réalise une saison pleine et inscrit 12 buts lors des 38 rencontres disputées, terminant meilleur buteur du club. Cette première étape validée, il réintègre l’effectif de la Fio l’année suivante, fort de son statut de jeune ailier prometteur.
Mais après cinq petits matchs de championnat et deux d’Europa League encourageants (avec notamment un but face à l’ogre guingampais), il se blesse lourdement à la cheville et ne réapparait qu’en fin de saison pour inscrire son tout premier but en Serie A face au Chievo lors de l’ultime journée. Heureusement pour lui, les pépins physiques l’épargneront les deux saisons suivantes, lors desquelles il s’affirme comme un élément indiscutable de l’attaque florentine, disputant en deux saisons 92 rencontres pour 21 buts inscrits, toutes compétitions confondues. Des performances remarquées qui lui permettent d’intégrer l’équipe espoirs d’Italie aux cotés de Berardi, Belotti et consorts et même d’être appelé en équipe A par Antonio Conte durant les matchs de préparation pour l’Euro 2016. Rien ne semble pouvoir arrêter sa progression et c’est donc avec beaucoup d’espoir que les supporters de la Juve le voient débarquer lors de l’été 2017, auréolé de son statut de petit prodige du football italien.
Un cap difficile à passer
A la Juve, Federico Bernardeschi se retrouve dans un environnement beaucoup plus compétitif et exigeant. Cuadrado, Douglas Costa, Dybala, Mandzukic, Higuain : il y a du monde sur le front de l’attaque, et il va falloir faire ses preuves. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cet apprentissage du top niveau fut plutôt à la dure pour le jeune ailier. A l’issue de sa première saison chez les Bianconeri, Berna n’aura disputé « que » sept matchs en tant que titulaire en championnat et un seul en Ligue des Champions, pour respectivement quatre et un buts inscrits, freiné par des pépins physiques et la frilosité habituelle de Max Allegri quand il s’agit d’intégrer ses jeunes recrues. Le bilan est plutôt contrasté, mais le numéro 33 de la Juventus n’est pas (encore) sous le feu des critiques.
A 23 ans, il a encore le temps et c’est de nouveau avec l’ambition de passer un cap qu’il débute la saison suivante, marquée par la retentissante arrivée de Cristiano Ronaldo lors du mercato. Cuadrado et Costa souvent blessés, Dybala de plus en plus critiqué au fil de la saison, la voie semble se dégager et Bernardeschi se voit offrir de plus en plus de temps de jeu et la confiance d’Allegri. 14 fois titulaire en championnat, 6 fois en Ligue des Champions, Bernardeschi multiplie les apparitions et les coupes de cheveux. Hélas, Federico peine à se montrer efficace et percutant (deux petits buts et trois passes décisives en Serie A, une passe décisive en Ligue des Champions).
Bien qu’à l’aise techniquement et possédant une patte gauche létale, il manque parfois d’intelligence de jeu, de régularité dans ses performances et frustre volontiers par ses choix dans les 30 derniers mètres, parfois bien plus compliqués qu’il ne le faudrait. Le temps où il était le petit prodige de Florence est bel et bien terminé et comme devra lui rappeler en hurlant Massimiliano Allegri après une occasion manquée contre les Young Boys de Berne, « on n’est pas à la Fiorentina ici ! ». Les supporters commencent eux aussi à s’impatienter et pour la première fois de sa carrière, Bernardeschi donne l’impression de stagner, comme stoppé par un plafond de verre. La question se pose alors : a-t-il les épaules pour passer ce fameux cap qui pourrait faire de lui un fuoriclasse ?
Le match contre l’Atlético en trompe l’œil ?
Le mardi 12 mars est le grand soir pour Federico Bernardeschi, celui où il va donner un début de réponse à la délicate question de son vrai potentiel. Défaits 2-0 à l’aller par les Colchoneros après un match indigne de leur rang et surtout de leurs ambitions, les hommes de Massimiliano Allegri sont au pied du mur au moment du match retour. La suite, on la connait : une victoire 3-0 avec un triplé de Cristiano Ronaldo, qui s’étale en une des quotidiens sportifs du monde entier le lendemain matin. Mais dans l’ombre du Portugais, un autre turinois un joué un rôle essentiel dans cette qualification : Federico Bernardeschi.
Passeur décisif sur le premier but, il est auteur d’un match plein et surtout d’un raid magnifique conclu par une poussette maladroite de Correa qui offre un penalty et la qualification à la Juventus. Et si Bernardeschi tenait (enfin) son match référence ? Tout le monde le pense, surement lui le premier. Malheureusement, tout comme le parcours de la Juventus en Ligue des Champions, le soufflé retombe vite et le goût sucré de l’espoir laisse place à l’amertume de la réalité. L’Ajax sort la Juventus au tour suivant et Bernardeschi, pourtant titulaire sur les deux matchs, ne se montre pas en mesure de faire la différence. La saison se termine avec un nouveau titre de champion d’Italie, mais Federico n’a pas réussi à confirmer son match de l’Atlético et conclut sa saison sur une note de frustration, une fois de plus.
Déclic ou des claques ?
Cette saison 2019-2020 s’annonce donc comme un tournant pour Bernardeschi. L’arrivée de Sarri et d’un probable nouveau système ressemble bien à l’opportunité de confirmer tous les espoirs placés en lui. Car une nouvelle saison en demi-teinte sonnera probablement la fin de son aventure à Turin et comme un sacré stop dans sa carrière, lui qui rêve de faire un grand Euro 2020 avec l’Italie. A 25 ans, le temps presse déjà et il va falloir faire ses preuves rapidement, sous peine de s’asseoir entre Krasic et Elia à la table des ex-ailiers prometteurs de la Juve. Mais malheureusement pour lui, les matchs de préparation n’invitent pas à l’optimisme. Alors que Douglas Costa semble enfin débarrassé de ses ennuis physiques et s’est montré plus qu’à son avantage, Bernardeschi semble lui s’enfoncer dans ses travers et se voit de plus en plus critiqué. Même s’il a pu déjà montrer qu’il avait le talent, la technique et le physique pour réussir, il arrive quelquefois à manquer les gestes les plus simples. Volonté de trop bien faire ? Difficulté à assumer la pression ? Lui seul le sait. Lors du dernier match de préparation face à Triestina, il a de nouveau alterné le bon et le moins bon. Il a offert une passe décisive à Dybala et a provoqué un penalty, mais a perdu bien trop de ballons, surtout face à une telle opposition. S’il est évidemment trop tôt pour savoir si cette nouvelle saison sera la bonne pour Bernardeschi, une chose est sure cependant : elle ressemble bien à celle de sa dernière chance.