L’OM est-il devenu un club moyen?

À la faveur d’un nouveau mercato placé sous le signe de la lenteur, de l’austérité et de l’absence d’idée, l’Olympique de Marseille n’a pas manqué d’effrayer ni ses supporters, ni les observateurs. La dernière saison ayant été globalement catastrophique, certains, comme Daniel Riolo, vont même jusqu’à qualifier l’OM de club moyen. Qu’en est-il vraiment ?

Dans l’hémisphère nord, l’été est toujours synonyme de période particulière pour le football. Si juin est synonyme de repos, juillet se conjugue avec préparation et août rime avec reprise.

Cette reprise, si elle concerne évidemment les footballeurs, dépasse le cadre du terrain vert. Les chroniqueurs majeurs télévisuels et radios, eux aussi, se présentent de nouveau à leurs auditeurs et téléspectateurs. Pour beaucoup, la rentrée consiste en un jeu de pronostic pour la saison à venir.

Un terrible constat

À cet effet, Daniel Riolo, fantasque chantre de RMC Sport, a présenté la Ligue 1 dans un dossier en 3 parties. La seconde d’entre elles traite notamment de l’Olympique de Marseille. Ses mots, à la fois mesurés et fatalistes, sont les suivants.

“(…) Je crois que l’appréciation qu’on a de l’OM, l’exigence autour du club, l’attente, la passion, l’image, ne sont finalement pas mesurés convenablement. Marseille est en réalité un club moyen. On ne devrait pas l’associer à l’OL ou à Monaco et encore moins au PSG. Le passé et la passion comptent bien sûr. Mais une juste appréciation du présent doit permettre de relativiser la déception, ce sentiment trop souvent éprouvé par les supporters du club. On ne sait jamais vraiment si les joueurs qui arrivent vont réussir. Ils n’offrent que peu de garantie. Tout simplement parce qu’ils n’en ont pas. L’OM est donc une nouvelle fois dans une forme d’inconnue. Et la seule promesse qui devrait être faite, c’est celle de redonner aux supporters le « goût de l’OM ». Un mélange de dignité, d’orgueil retrouvé, de fierté. Que l’OM fasse sa vie sans penser à celle des autres.

En dehors de toute considération vis-à-vis de Daniel Riolo lui-même – ce n’est ni l’intérêt du présent écrit, ni celui des suiveurs de l’OM -, son constat mérite de faire l’objet d’une réflexion. L’OM serait-il, finalement, devenu un club moyen ?

La meilleure façon de répondre à cette question est de définir avec précision ce qu’est un club moyen. Pour cela, analyser le football européen en strates, en différentes échelles de niveau et de puissance, permet de mieux le découper.

Précision importante : cette analyse s’inscrit dans le temps. Évidemment, la hiérarchie de 2019 n’est pas celle de 2009 (encore moins de 1999) et ne sera probablement pas celle de 2029. C’est le sens du propos de Daniel Riolo. La culture grand club est une chose, la réalité de celle-ci sur le terrain en est une autre.

Une hiérarchie effectivement assez claire…

La strate supérieure – ou le sommet de la pyramide, c’est selon – ne retiendrait que le gratin absolu du football actuel. On y retrouverait les clubs capables d’attirer les meilleurs joueurs du monde de par leur attractivité exceptionnelle. Tous ces clubs sont destinés à être de grands favoris de toutes les compétitions qu’ils disputent (notamment et surtout la Ligue des champions). C’est ainsi que le Real Madrid, le FC Barcelone, la Juventus de Turin, le Bayern Munich, Manchester City, Liverpool et le Paris Saint-Germain s’y trouvent.

Conjoncturellement parlant, la présence de certains varie (qui aurait pu y classer Liverpool il y a deux ans ?). Pour d’autres, elle est due aux moyens faramineux et à l’effectif jugé solide (le PSG, en dépit de ses échecs européens). Ces clubs-là seraient donc les plus grands clubs.

Un cran en dessous se trouvent les clubs de très haut niveau, ceux qui pourraient avoir un vrai coup à jouer de par un effectif solide et une certaine pérennité au haut niveau. Ils peuvent, à force de régularité, ambitionner d’intégrer la catégorie supérieure.

On y trouve Naples, Dortmund, Tottenham, l’Atlético Madrid, possiblement l’Inter, Valence, Séville, Mönchengladbach. Surtout, on y trouve probablement l’Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas qui, en dépit d’un pillage régulier de ses plus grands talents, semble avoir encore progressé cet été. Le budget du club est de près de 300 millions d’euros, autre indicateur qui fait osciller le club entre cette catégorie et celle qui se trouve en dessous. Ce sont donc des grands clubs.

Une marche plus bas se trouvent les clubs de haut niveau, ceux qui sont en progression (ou en régression) et qui pourraient être une bonne surprise des différentes compétitions qu’ils auront à disputer. Ces clubs sont généralement en reconstruction mais demeurent bien financés, bien gérés ou avec un effectif globalement intéressant (souvent, via un joueur clef qui aurait la capacité de jouer dans un club des deux catégories supérieures).

Cette fois, ce sont les Anglais de Manchester United (qui ne cesse de régresser, en dépit d’audiences et de revenus dignes de la première catégorie de clubs), Arsenal, Chelsea, AS Roma, AC Milan, possiblement de nouveau Valence, Séville, Mönchengladbach, Leipzig, Leverkusen. L’AS Monaco, par ses capacités financières, son budget, son attractivité en général et par le fait qu’il se trouvait encore en Ligue des champions la saison dernière, peut légitimement prétendre s’y trouver, en dépit des grands troubles traversés récemment par le club sur le terrain.

Généralement, ces clubs se montrent actifs au cours des mercatos, par la gestion ou par les transferts, non satisfaits du rang intermédiaire dans lequel ils se trouvent. C’est ainsi que ManU a mis 90 millions sur Maguire, Arsenal 80 sur Pepe etc. On peut les qualifier de très bons clubs.

Trois couches consécutives et toujours pas d’Olympique de Marseille. C’est que le club olympien se trouve dans la strate encore inférieure, celle des bons clubs, ceux qui n’ont plus de prestigieux que leur passé (souvent lointain) ou qui sont en progression et ont quitté la case “club banal”. On y trouve beaucoup de grands noms devenus poussiéreux.

L’OM est présent, donc, mais aussi le LOSC (qui est, quant à lui, en progression), l’AS Saint-Étienne (lui aussi en progression), possiblement l’OGC Nice en fonction des moyens dont il disposera en fin de mercato. En Angleterre, Everton, West Ham et Newcastle peuvent prétendre y être, en Espagne Villarreal. En Italie, l’Atalanta (qui se dirige vers la couche supérieure), la Lazio (qui régresse), le Torino et la Fiorentina y sont. En Allemagne, enfin, Wolfsburg et Frankfurt (qui progresse, lui aussi) s’y trouvent. Appelons les simplement bons clubs.

Quatre couches, donc, et enfin l’OM. Daniel Riolo aurait alors raison, l’OM se trouve effectivement dans une catégorie moyenne plus. Terrible constat que celui du Champions Project puisque l’OM ne semblait pas être dans une couche inférieure au moment où il a été récupéré par Franck McCourt. La différence se situe peut-être dans la dynamique puisque l’OM de Margarita Louis-Dreyfus allait probablement se diriger dans le précipice tandis que celui de Jacques-Henri Eyraud est globalement stabilisé à une symbolique 5eme place.

… mais de sérieux motifs d’espoir

Pourtant, il existe de sérieuses raisons de penser que l’OM n’est pas condamné à ce rang de club moyen plus. Grâce au potentiel progression du club.

Aussi frustrant soit-il pour les Marseillais que l’on en soit encore à parler de potentiel après plus de 3 ans de Champions Project (ou du nouveau nom de projet, vu que son ancêtre et surtout ses ambitions semblent être rangés dans le grenier), c’est celui-ci qui continue et doit continuer à permettre à l’OM de viser grand. Les arguments, en ce sens, sont légion.

L’Olympique de Marseille est propriétaire de son centre d’entraînement, la Commanderie (ou Centre Robert Louis-Dreyfus), grand et moderne complexe. À cela s’ajoute l’OM Campus, complexe développé par Jacques Henri Eyraud et destiné aux jeunes pousses et féminines de l’OM. Le budget formation, quant à lui, est devenu équivalant à celui de l’Olympique Lyonnais.

Le stade Vélodrome, évidemment, est facteur de réussite pour le club. S’il n’est – pour l’heure – pas la propriété du club, celui-ci en a récupéré la gestion exclusive – là aussi par le travail d’un Jacques Henri Eyraud qui est aussi bon administrativement qu’il est mauvais sportivement – qui lui permettra de faire progresser ses revenus. Un stade globalement moderne, très reconnu, situé au cœur de Marseille et doté 67 000 places, voilà là de forts arguments dont ne disposent ni l’AS Monaco (le petit Louis II ne frôle même pas les 20 000 places) ni l’AS Saint-Étienne (Geoffroy-Guichard, aux 41 000 places, est situé en banlieue d’une ville au très faible potentiel attractif).

L’équipementier, Puma, n’est certes pas très dépensier avec le club (le contrat est d’un montant globalement similaire à celui dont disposait l’OM avec Adidas). Pour autant, l’entreprise allemande promeut le club de la même façon qu’elle fait la promotion du Borussia, du Milan AC et désormais de Manchester City. C’est la catégorie “Grands clubs” qu’a intégré l’OM en signant son nouveau contrat, de nouveau sous l’ère McCourt. Évidemment, ni Saint-Étienne, au patriotique mais faible de renommée Coq Sportif, ou Monaco, désormais chez le rétro Kappa, ne peuvent s’en targuer, y compris pour le LOSC et New Balance.

Qui plus est, le potentiel marseillais se mesure aussi en termes de vente de maillots puisque l’OM demeure loin devant Lyon et le reste de la Ligue 1 Conforama, n’étant devancé que par le Paris Saint-Germain (et ce depuis peu, grâce à l’arrivée de joueurs tels qu’Ibrahimovic).

Le budget et les capacités financières de l’OM, qui font l’objet de multiples écrits ces temps-ci, par faute d’un déficit creusé et d’un fair-play financier menaçant, sont là aussi preuve de ses capacités réelles. Ni Saint-Étienne ni Lille ne pourraient assumer le salaire de Dimitri Payet, Luiz Gustavo, Steve Mandanda, Florian Thauvin ou Kevin Strootman.

Certains diront que c’est tant mieux – et ils n’auront pas entièrement tort – mais il faut en réalité comprendre que ce qui a posé problème, c’est le choix du joueur, pas le niveau du salaire. En clair : si l’OM avait proposé de tels salaires à des tops joueurs adaptés à ses besoins, personne ne s’en serait plaint et surtout personne n’aurait pu rivaliser dans l’attractivité. Seul l’AS Monaco, de par son régime fiscal particulier et les grandes capacités financières de Rybolovlev, est plus puissant que l’OM en la matière.

Enfin, le terrain lui-même. L’effectif de l’OM est clairement inférieur à celui du Paris Saint-Germain, de Lyon et très probablement d’un AS Monaco qui semble surtout souffrir d’un problème de management. Pour autant, il paraît douteux que d’affirmer qu’il serait inférieur à celui d’un Saint-Étienne, Nice (avant fin de mercato) ou même au LOSC qui a non seulement perdu son meilleur milieu, son meilleur numéro 9 et son meilleur ailier droit mais aussi son latéral gauche. Le club lillois, qui accumule les paris, risque à terme de jouer les AS Monaco bis : au premier mercato raté suite à des départs de masse mal compensés, la chute sera terrible.

Le management, enfin, est le principal problème de l’OM face à ses concurrents. Le club multiplie les mauvais choix et les coups de poker perdus. Le recrutement est lent, mal dirigé, en manque d’idée et mal financé (trop d’argent investi sur de trop mauvais choix). Si Villas-Boas semble être un entraineur de qualité, c’est le triumvirat Zubi-Valentin-Eyraud qui semble responsable de l’échec du Champions Project. Face aux ressources folles de l’AS Monaco, au réseau incroyable de Luis Campos et consorts et à l’intelligence dans le recrutement du board stéphanois, c’est là que le bat blesse pour les Marseillais.

La patience, finalement vertu marseillaise

Pour autant, et parce que la situation ne semble pas destinée à demeurer figée en cas de nouvel échec cette saison, les supporters marseillais peuvent espérer une grande valse dans la gestion sportive de leur club. Les capacités du club confiées à un board plus adapté que le trio né de l’ère McCourt feraient, à coup sûr, de gros dégâts en Ligue 1 Conforama.

Ainsi, et parce qu’ils ont un potentiel immensément plus grand que leurs rivaux français, les supporters marseillais peuvent et doivent refuser la médiocrité et le marasme actuel de leur club. Avec compétence et détermination, leur avenir pourra s’écrire, enfin, en bleu et blanc couronné de doré.

Crédit photo: SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

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