Ce soir, Eden Hazard et la Belgique défient la modeste équipe de Saint-Marin lors des qualifications pour le prochain Euro. Incontesté chez les Diables Rouges, l’ancienne star de Chelsea ne jouit pas encore du même statut au Real Madrid. Un défi qu’il compte bien relever. À sa manière.
Samedi 5 octobre, stade Santiago Bernabéu à Madrid. À la 45ème minute, Eden Hazard inscrit son premier but sous ses nouvelles couleurs face à Grenade, à l’occasion de la 8ème journée de Liga. Instantanément, le joli lob fait revenir les sourires sur les visages des supporters comme sur celui du principal intéressé. La star belge profitera de la seconde période pour signer sa première passe décisive tandis que le Real l’emporte 4-2 face au promu andalou. Toute la Casa Blanca peut souffler : cette fois ça y est, Eden Hazard a (enfin) lancé sa saison.
Faux départ
Un but en forme de délivrance tant son premier coup de feu se faisait désirer. Recruté cet été pour 100 millions d’euros, le Belge suscite de très grandes attentes depuis son arrivée. En témoigne les quelques 50 000 supporters présents mi-juin pour assister à ses premières jongles lors de la présentation du joueur. Et pour cause, sa magie éblouit la planète football depuis maintenant 10 ans et lui confère une mission : s’imposer comme la nouvelle tête de proue du Real de Zidane nouvelle version. Une formation orpheline du principal artisan de ses succès récents, un certain Cristiano Ronaldo, et dont Eden Hazard doit, de manière indirecte et symbolique, assurer la succession.
Alors forcément, son retard à l’allumage n’a pas tardé à générer quelques inquiétudes chez les socios merengues. À Madrid, elles se transforment rapidement en critiques, même quand l’on s’appelle Eden Hazard. En méforme – emprunté, même, ont pu dire certains -, et sans influence sur le terrain, le Diable Rouge est apparu bien inoffensif lors de ses premières sorties, à l’image de sa piètre prestation face au PSG en Ligue des champions (défaite 3-0 le 18 septembre). Le soutien sans faille du coach Zidane et de ses coéquipiers n’avait pas suffi à éteindre le début d’incendie attisé par la presse locale. À Madrid plus qu’ailleurs, la patience n’est pas une vertu.
N°7, le poids du mythe
Pas facile non plus de revêtir le n°7, chiffre mythique au regard de ceux qui l’ont porté : Kopa, Butragueño, Raúl et bien sûr Cristiano Ronaldo pour n’en citer que quatre. Un maillot légendaire dont on a l’impression qu’il pèse plus lourd que n’importe quel autre et dont les supporters attendent monts et merveilles. Car si Eden Hazard est un joueur exceptionnel, cela ne suffit pas au Real Madrid. Son passé n’impressionne guère les aficionados habitués à voir les plus grands artistes du ballon rond endosser la tunique blanche. Certes, son premier but a calmé les esprits mais le natif de Louvière le sait : le public du Bernabéu n’accorde aucun blanc-seing.
Alors trop grande la tunique blanche pour le magicien belge ? Non. Que les attentes soient immenses n’a rien d’étonnant compte tenu du pédigrée du joueur. Mais qu’attendons-nous de lui exactement ? Si les espoirs sont justifiés, les exigences des supporters ne se concentrent pas toutes sur les bonnes données. La cristallisation du débat autour de son premier but en témoigne. Si ces attentes sont synonymes de statistiques, alors la déception risque d’être grande. Depuis 10 saisons, Eden Hazard tourne à une moyenne de 13,1 buts et 10 passes décisives par saison toutes compétitions confondues, hors sélection nationale. Son record date de l’exercice 2011-2012, lorsque sous les couleurs du LOSC, il avait inscrit 20 buts et délivré 17 passes. Un record qu’il n’a jamais battu depuis.
Nouveau leader, nouveau projet
S’il doit assurer la succession de Cristiano Ronaldo, l’ancien joueur de Chelsea n’a pourtant rien à voir avec son illustre prédécesseur au poste 7. Non, Eden Hazard n’est pas du genre à marquer 40 buts par saison. Ni à enfiler les triplés comme des perles à partir des huitièmes de finale de Ligue des champions. Le génie belge évolue dans un autre registre, plus altruiste, moins directement tueur mais tout aussi décisif lorsqu’il est en forme. Une partition nouvelle et qui fera un bien fou au Real, mais qui implique aussi de repenser le fond de jeu de l’équipe et l’apport de son nouveau leader. D’où une remise en perspective des critiques dont il a été victime. Le rôle d’Eden Hazard ne sera peut-être pas aussi flamboyant que celui imaginé par une partie des socios merengues. Il n’a sans doute pas les qualités pour prendre la lumière à la manière du Portugais. Mais le Belge possède d’autres atouts, tous aussi primordiaux à la réussite de son équipe.
N’oublions pas non plus que la montée en puissance de l’ancien Lillois a été stoppée par une blessure à la cuisse contractée la veille de la reprise du championnat. Même guéri, le joueur a besoin de temps pour retrouver la pleine possession de ses moyens. Eden Hazard doit aussi prendre ses marques dans une nouvelle ville et un nouveau club à la pression si particulière. Un environnement qui ne laisse aucun joueur indifférent, même les plus grands : à Madrid la qualité de jeu se conjugue avec l’exigence de résultats immédiats, ou, autrement dit, de titres. Enfin, le Real est une équipe en reconstruction. Le projet est nouveau et Zidane a besoin de temps pour que sa formation adopte la bonne carburation. Hazard doit être le moteur de ce renouveau mais ses performances s’intensifieront quand l’équipe aura trouvé son équilibre tactique et ses automatismes.
De son côté, le Belge ne s’inquiète pas. La veille du match face à Bruges, il a lui-même concédé qu’il n’était « pas encore un galactique » et qu’il avait tout à prouver à Madrid. Samedi, il a pu savourer son but, expliquant qu’il allait lui donner « beaucoup de confiance ». Il n’en marquera peut-être pas autant que certains de ses prestigieux prédécesseurs. Peu importe : Eden Hazard sait comment écrire de belles histoires. À sa manière.
Crédit photo: Belga / Icon Sport