« Reconquérir notre ville », tel est le credo du TFC à l’aube de la nouvelle ère débutée par le rachat du club par le fonds d’investissements américain RedBird. Si toute une ville ne demande qu’à être de nouveau séduite par son amour perdu, le début de saison du club en violet fait craindre un break plus long que prévu.
Après la médiocrité, l’apocalypse
Le 29 juin dernier, au moment de reprendre le chemin des terrains d’entraînement sur l’Île du Ramier, c’est un club encore endolori de la volée de gifles qu’il vient de recevoir une saison durant qui sort de la torpeur du confinement. 13 minuscules points en 28 matches (trois victoires, quatre nuls, 21 défaites) et une 20e place, à 14 longueurs du barragiste et voisin nîmois. Le bilan est catastrophique. Après des débuts très faibles sous les ordres d’Alain Casanova, le club tout entier a sombré dans le ridicule avec la nomination d’un Antoine Kombouaré totalement hors sujet. Le passage de Denis Zanko, nommé ensuite tant pour sauver les apparences que préparer la Ligue 2, est anecdotique.
Mais résumer le processus ayant conduit le club dans la position dans laquelle il se trouve en cette fin juin 2020 à l’échec Casanova et le sabotage Kombouaré serait bien injuste. Car la direction mise en place par le président Sadran a multiplié les erreurs. Erreurs sportives d’abord, où le recrutement s’est souvent révélé raté (Mbia, Imbula, Mubele, Saïd, Reynet, …) et où les échecs de gestions se sont multipliés (cas Jean-Clair Todibo, retour de Casanova, …). Erreurs de communications (pour ne pas dire de comportement) comme quand le club n’apporte aucun soutien à ses supporters agressés sur le parvis du Stadium par les forces de l’ordre après la sombre réception de Lille, le 6 mai 2018, ou encore quand il se mure dans un silence seulement rompu au moment de démentir le montant des salaires qui paraissent chaque saison dans l’Équipe.
Après une première partie d’aventure couronnée de succès, d’émotions et de fierté, avec l’épopée des pitchouns de National en Ligue 1 et le tour préliminaire de Ligue des Champions contre les Reds en 2007, l’ère Sadran se termine par des années où la médiocrité est devenue la norme.
Le retour de l’espoir
C’est dans ce contexte de fin de règne qu’apparaissent les premières rumeurs crédibles de changement de mains pour le Tef. D’abord, il est question début mars du consortium sino-américain qui détenait l’OGC Nice avant l’arrivée d’Ineos. L’affaire est proche de se conclure mais Olivier Sadran aurait renoncé devant le peu de fiabilité de ces investisseurs. Début mai, c’est Olivier Létang qui est lié à une reprise en main de la maison violette. Mais le grand espoir suscité chez les supporters sera rapidement douché. Finalement, le 21 mai, Sadran entre en négociations exclusives avec le fonds d’investissements américains RedBird Capital Partners. Et près de deux mois plus tard, le 20 juillet, le passage de flambeau est officiel. Le TFC est sous pavillon américain.
Dès lors, changement de direction et changement d’hommes. Damien Comolli est nommé président, Jérôme Fougeron de retour au club prend la tête de la cellule de recrutement et Olivier Jaubert devient directeur général délégué. Ces trois noms sont une première satisfaction pour les supporters car ils représentent une nouveauté : ils ne sont pas issus du copinage si souvent dénoncé et qui semblait primer sur la compétence durant l’ère Sadran. Ces trois hommes possèdent en effet de solides CV. Comolli a été recruteur à Arsenal, directeur sportif de l’ASSE, manager général de Tottenham, directeur sportif de Liverpool et de Fenerbahçe. Fougeron, qui a travaillé au recrutement de Saint-Etienne, du TFC, du HAC et de Lorient, est notamment lié aux recrutements de joueurs comme Ben Yedder, Regattin, Ahamada ou Kadewere. Jaubert a été directeur du merchandising au PSG, de la Juventus, de la Confédération brésilienne de Football et directeur marketing de Nike et de la LFP, entre 2017 et 2019.
Avant même son entrée officielle en fonction, les nouveaux décideurs opèrent un changement d’entraîneur. Patrice Garande, l’ancien technicien emblématique du Stade Malherbe, est nommé à la tête de l’équipe première.
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Au moins autant que ces nominations, c’est les départs qui ont ravi. Outre Sadran, Dominique Arribagé et Jean-Francois Soucasse ont aussi quitté le club. Symboles des derniers temps moroses, ces têtes étaient réclamées par la quasi-totalité des supporters.
Avec RedBird, le TFC se lance donc bel et bien dans une nouvelle aventure. Et comme avec tout ce qui est nouveau, l’espoir est de mise dans les cœurs violets.
Des ambitions affichées au grand jour…
Première grande nouveauté dans la manière de fonctionner, la communication. Après des années de discrétion et d’objectifs modestes, place à l’ambition dans les discours ! Pour Comolli, hors de question de se cacher : le TFC aura le plus gros budget de Ligue 2 version 2020-2021 et se doit de viser la montée. Même son de cloche du côté de Garande. Le néo-président évoque même des ambitions européennes une fois que le retour en première division sera acté ! Pour détoner, ça détonne avec l’objectif de maintien confortable qui était devenu le pain quotidien à Toulouse. Forcément, ça séduit aussi chez les aficionados.
On en oublierait presque qu’il est question d’un club qui sort d’une saison historiquement faible et qui s’apprête à démarrer un nouveau cycle sportif, une étape toujours périlleuse. Après des années à cultiver le mutisme, le club, comme pour conjurer un mauvais sort, parle. Et par là-même, place le curseur de réussite haut. Très haut. Trop haut, peut-être.
…difficiles à assumer
Car oui, la situation est ce qu’elle est et bien que ce rêve américain charme les esprits, au moment d’entamer la campagne de matches amicaux, le TFC n’a plus gagné un match de football depuis un déplacement à Niort le novembre 2019 ! Une éternité.
En plus de ça, l’effectif ne va pas échapper à la saignée habituelle consécutive à une descente : Sanogo, Isimat-Mirin, Vainqueur, Makengo, Kalinic quittent le club à l’issu de leurs prêts, Dossevi est libéré, Gradel, Boisgard, Sylla et Reynet vendus, Jean cédé définitivement à Lens. Loin d’avoir tous brillés sous le maillot violet, ces joueurs laissent malgré tout un vide, au moins quantitatif.
Et un manque à gagner conséquent en matière d’expérience. Le groupe toulousain qui a débuté cette saison était de très loin le plus jeune du championnat. Si s’appuyer sur l’excellent travail de la formation toulousaine est un des axes du nouveau projet, étoffer l’effectif paraît indispensable. En ce sens, Maxime Dupé, Vakoun Bayo et Branco Van den Boomen sont les premières recrues de l’ère RedBird.
Perturbée par l’épidémie de Covid, la préparation du TFC est mitigée. Aucune victoire en match amical et une dynamique qui n’a pas été inversée, alors que se profile la réception du promu dunkerquois.
Des débuts catastrophiques
Ce premier match sera raté. Entre un promu sûr de son fait et une équipe toulousaine en manque de confiance, les débats sont très équilibrés et c’est les Dunkerquois qui finissent par tirer leur épingle du jeu. Perdre son premier match après une relégation, avec une équipe très jeune et un groupe pas encore au complet, est loin d’être problématique. En temps normal. Ici, la situation est différente. Uniquement par la faute des nouveaux hommes forts toulousains. Déjà car un premier objectif tombe : rester invaincu au Stadium. Ensuite car l’équipe a paru en improvisation totale, offrant un contraste saisissant avec les hommes de Fabien Mercadal. Ensuite car le onze aligné n’avait rien de celui d’un prétendant à la remontée immédiate qui se donne les moyens de ses ambitions : huit jeunes joueurs formés au club (doués certes, mais trop tendre pour débuter en pro), des joueurs encore traumatisés de la saison passée et une seule recrue, Maxime Dupé. Communication, recrutement, mise en place tactique. Sur ces trois points, ce premier match sonne comme un camouflet. La semaine qui va suivre sera encore pire.
Après la déconvenue en ouverture, comme pour calmer les inquiétudes, des recrues imminentes sont annoncées. La première, Deiver Machado, international colombien s’il vous plaît ! Solide. En apparence. Car le garçon n’a plus pris part à un match professionnel depuis plus d’un an. À un poste en situation d’urgence (les jeunes Diarra et Goncalves ne sont pas prêts), ce choix est étrange. Deuxième recrue annoncée le samedi, jour du match à Grenoble, Rys Healey attaquant de troisième division anglaise. Lui vient embouteiller un poste d’avant-centre qui compte déjà cinq professionnels (Koulouris, Antiste, Bayo, Iseka, Zobo). Étrange. Mais c’est le premier déplacement de la saison qui occupe les esprits, d’autant que la composition est séduisante: un 3-5-2 avec les recrues Bayo, Van den Boomen et Machado, titulaires pour la première fois.
Pour faire le voyage entre l’enthousiasme et le dégoût, il aura suffi de 90 minutes aux supporters violets. 5-3, score final. Trois buts encaissés sur coup de pied arrêté où un laxisme et une désorganisation inconcevables à ce niveau régnaient côté haut-garonnais, un boulevard totalement dégagé côté gauche où Machado est apparu complètement hors de forme, un Gabrielsen, néo-capitaine, en grande difficulté et pour parachever le chef-d’œuvre, la énième entrée ratée d’Aaron Leya Iseka. Le doublé de Bayo et le sublime premier but du prodige maison Janis Antiste ne suffiront pas à atténuer la colère naissante.
Le retour de la tempête
Cette humiliation en terre iséroise sonne comme la fin précoce de l’état de grâce de la direction made in RedBird. Les erreurs sont flagrantes.
Damien Comolli, nouvel homme fort, est au premier rang des accusés. Sa communication s’est, pour l’heure, largement retournée contre le club. Il est évident que le groupe actuel du Toulouse FC n’est pas en adéquation avec les ambitions affichées. Pourquoi dès lors faire de son club l’équipe à battre encore plus qu’il ne l’était de par son statut ? Pourquoi mettre une pression démesurée sur des Pitchouns aussi tendres que talentueux ? Pourquoi prendre en main le recrutement alors que son passif en la matière est négatif et que son rôle n’est pas celui-là ?
Deuxième mis en accusation, Patrice Garande. Certes la préparation a été perturbée et l’effectif comporte des lacunes évidentes. Mais comment peut-on proposer deux productions en improvisation totale, diamétralement opposées dans leurs grandes lignes, en deux matches ? Et ce, après une préparation exceptionnellement longue.
Enfin, les joueurs et notamment les supposés cadres, ne peuvent être exemptés de responsabilités dans ce démarrage catastrophique.
Le ciel est orageux au-dessus du Stadium. Et un événement passé apparaît, avec le recul, annonciateur : le départ de Quentin Boisgard pour Lorient. À l’issue de cette saison particulière, ce pur produit du TFC, fort d’une saison personnelle prometteuse, clamait son amour du club et sa volonté de s’inscrire dans un projet de reconquête. Mais, au fur et à mesure que le projet prenait forme, le joueur s’est éloigné. Et après avoir rencontré son président et son possible futur entraîneur, il a finalement opté pour la Ligue 1, le Moustoir et Christophe Pelissier. A-t-il était guidé par l’attrait de l’aventure bretonne où par des doutes à l’égard du TFC sauce américaine ? Aujourd’hui, la question se pose plus que jamais.
Un recrutement douteux, une construction d’effectif étrange, un président mal inspiré dans sa communication, un entraîneur déjà dans le dur, de très mauvaises premières prestations et voilà le Tef déjà replongé dans une spirale négative. Alors qu’il aurait pu prendre une saison pour panser ses plaies, développer sa classe biberon et repartir de l’avant sur des bases saines, le TFC s’est mis seul sous pression. Aujourd’hui en situation d’urgence, la marge de manœuvre des décideurs toulousains est déjà réduite. Et ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-même.
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