DAZN, le Netflix sportif qui pourrait faire mal

Les fans de foot attendent et espèrent. DAZN, qui permet à ses utilisateurs de regarder du sport sur le modèle de Netflix, ravit toute l’Europe. Sauf… la France.

Imaginez un monde plus simple. Exit Canal+, beIN SPORTS, RMC Sport, Mediapro et toutes les offres qu’il faut pour suivre le foot européen, place à DAZN. Pour 10 euros par mois, à vous les compétitions européennes, les championnats nationaux, les rencontres internationales et même la NBA. Vous en rêviez, Simon Denyer l’a fait. Du moins, pour ceux qui n’habitent pas en France. Pendant que l’Espagne et l’Italie font leurs premiers pas dans le visionnage de match 2.0, le supporter français se bat avec ses abonnements parfois très coûteux. Et même si des petits malins parviennent à contourner les règles, la majorité attend impatiemment que le service de streaming ne les délivre du joug des chaînes câblées.

Un service qui a fait ses preuves en Europe et ailleurs

La belle histoire débute en août 2016. Le Japon, la Suisse et l’Allemagne sont les premiers à découvrir DAZN. Pour 9,99 euros par mois, les supporters peuvent visionner les compétitions européennes et nationales et les matchs des sélections. Plus simplement, à peu près tout ce qu’il est possible de regarder. Si on parle beaucoup d’ubérisation, le modèle Netflix se développe aussi très rapidement. Il y avait un marché à prendre et Denyer s’en est chargé. Plus tard, c’est les États-Unis et le Brésil qui attrapent le virus du streaming sportif. Pas forcément mordu de soccer au pays de l’Oncle Sam, les Américains profitent néanmoins du football américain et du baseball. Et c’est là que le service trouve sa force. Avec une multitude de contenus à proposer, même de la pêche et du cricket, le nombre de clients potentiels est immense. De quoi assurer un avenir radieux.

L’autre force de DAZN, c’est cette faculté à combattre les anciens modèles de diffusion. Outre-Atlantique, c’est le modèle du pay-per-view qui s’apprête à être balayé. Très utilisé pour les grands rendez-vous sportifs, comme les matchs de boxe ou les shows annuels de catch, les prix dépassent la raison. Le très mal nommé «combat du siècle» entre Floyd Mayweather et Conor McGregor n’était accessible que contre la somme de 100 dollars. Cent dollars pour regarder un écran de télévision. Pourtant, en 2017, le MoneyFight a rapporté près de 700 millions de dollars à ses organisateurs. Quand on n’a pas le choix… DAZN négocie assez facilement des accords régionaux et ciblent ainsi rapidement une clientèle précise. À son lancement en Italie, les statistiques montrent que le nombre d’inscriptions explose trente minutes avant le début du coup d’envoi. Ainsi, juste avant le derby de la Madonnina (entre les deux clubs milanais), près de 30 000 personnes avaient adhéré au service.

«Ce modèle d’offre économique plaît et parle aux gens. Il n’y a aucune raison que ce type d’offre ne marche pas avec une tarification aussi attractive»

Florence Le Borgne, consultante média pour le cabinet IDATE DigiWorld

Et même si la plateforme est relativement jeune, elle est arrivée sur le marché avec de solides arguments. DAZN appartient à Access Industries, qui détient notamment Warner Music et Deezer. Géant de l’industrie de l’aluminium, ce groupe fondé par l’américano-britannique d’origine ukrainienne Leonard Blavatnik, en 1986, possède des branches dans bien des domaines. En 2013, il rachète Perform, qui détient notamment le groupe Opta Sports. Dès lors, Blavatnik a un pied dans le monde du sport et a accès à des millions de statistiques. Trois ans plus tard, quand il confie les rênes de son nouveau bébé à Simon Denyer, ce dernier choisit d’appliquer cette même politique des chiffres. Pour aller chercher sa clientèle, il faut la cibler. Grâce à des algorithmes plus complexes les uns que les autres, la plateforme DAZN met en avant un contenu précis à un moment précis, pour toucher le client et augmenter ses chances d’avoir un nouvel abonné. Ingénieux.

En France, DAZN attendra

Parce que rien n’est utopique, il faut rappeler que DAZN s’est lancé dans des pays où le marché était relativement ouvert. En France, c’est l’opposé. Quatre géants se partagent la diffusion du football. Mediapro et Canal+ ont la Ligue 1. Le premier diffuse huit des dix affiches hebdomadaires de L1 et le second se contente du reste. BeIN SPORTS a la Ligue 2. Les compétitions européennes sont co-diffusées par RMC Sport et Mediapro. Pour les compétitions étrangères, il faut se tourner vers beIN SPORTS, sauf pour la Premier League, où c’est Canal et RMC qui ont les droits. Et parce qu’en France on aime ce qui est compliqué, un cinquième larron se mêle à la danse quand on veut suivre la Coupe de France : Eurosport. Même si certaines affiches sont diffusées sur France Télévisions. Compliqué tout ça.

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Cependant, le projet Mediapro a pris du plomb dans l’aile ses dernières semaines. Le groupe refuse en effet de verser le montant des droits TV aux clubs de Ligue 1 et Ligue 2, dont le budget dépend en grande partie de ce financement. À tel point qu’un mercato improvisé est évoqué, et les parcelles de diffusion de Mediapro pourraient être de nouveau mises en vente si les paiements venaient à trop tarder. Et DAZN dans tout ça ? L’affaire s’annonce mal, et aussi très longue. S’il est très peu probable que la plateforme se place dans l’appel d’offres de 2021 pour la diffusion des compétitions européennes en France, le flou qui règne autour de l’avenir de la diffusion des compétitions françaises ne permet pas de jouer les Cassandre.

En définitive, rien n’est acquis et la diffusion du foot en France devrait rester morcelée encore quelques années. Au plus grand dam des amateurs de ballon rond. DAZN poursuit néanmoins sa progression à l’étranger et attend sûrement une bonne opportunité pour s’implanter durablement sur nos terres. Armons-nous de patience et espérons que notre route se croisera un jour. Allez, impossible n’est pas français !

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